Commune rurale de Loropéni : Bagarre autour d’un cadavre

La salle principale de culte de l’église du secteur 4 s’est affaissée sous les coups de pioche et de hache.

La nouvelle de l’arrestation par la justice du roi du peuple gan et sept de ses notables a entraîné une vague de violences contre les édifices et certains membres de l’Eglise protestante évangélique de la commune rurale de Loropéni, les 17 et 18 avril 2020. Récit d’un évènement qui met à mal la cohésion sociale dans cette collectivité.

L’après-midi du vendredi 17 avril et la journée du samedi 18 avril 2020 resteront gravés dans la mémoire des membres de la communauté de l’Eglise protestante évangélique du pays gan. En effet, des édifices de cette Eglise ont été saccagés, des biens incendiés et des pasteurs pourchassés par des mécontents à la suite de l’arrestation du roi gan et de sept de ses notables dans la soirée du vendredi 17 avril 2020.

L’histoire a commencé selon les sources judiciaires quand le Tribunal de grande instance de Gaoua a été informé courant début avril, du fait que deux groupes de personnes se disputent le corps d’une dame dans le secteur 4 de Loropéni. Il s’agit des enfants de la défunte et la famille royale gan de Obiré. La dame concernée est décédée à l’âge de 62 ans et s’est convertie à la religion chrétienne et a souhaité être enterrée après sa mort selon les préceptes chrétiens.

Alors que du côté de la famille royale, il y a un caveau commun dans lequel chaque membre de la famille royale doit être enterré. Et celle-ci a souhaité enterrer la défunte dans le caveau selon les rites gan. Face à cette dispute, les autorités judiciaires ont invité les parties à s’entendre pour un règlement à l’amiable. Mais il n’y a pas eu de consensus. Ainsi, les enfants ont procédé à l’inhumation de leur mère selon sa dernière volonté.

Considérant cette inhumation comme un affront, la famille royale a procédé à l’exhumation du corps qu’elle a ensuite enterré selon ses coutumes. Cette manière de faire est considérée par le tribunal comme une enfreinte au droit, punissable par la loi. De là, une enquête a été diligentée afin de situer les responsabilités.

Selon le pasteur de l’Eglise protestante évangélique centrale de Loropéni, Fadona Emmanuel, ce n’est pas la première fois qu’il y a des disputes autour d’un corps.

Ainsi, le roi gan et ses notables ont été arrêtés. Pour le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Gaoua, Cheick Alpha Boubacar Compaoré, le roi gan est accusé des faits de complicité de profanation de tombe et violation de sépulture parce qu’il a ordonné l’exhumation d’un corps.

Quant aux sept autres, ils sont accusés de profanation de tombe et violation de sépulture. Ces faits constituent des fautes punies par la loi au Burkina Faso. Le procureur a ajouté que les personnes concernées avaient reconnu les faits qui leur sont reprochés, tout en donnant des justifications coutumières de leurs actes.

Des églises en ruine

Par ailleurs, il a invité les coutumiers à conformer leurs pratiques à la loi, ce qui va contribuer à éviter les conflits et les affrontements sociaux. Comme une traînée de poudre, la nouvelle s’est répandue. Et les mécontents de cette arrestation se sont attaqués aux édifices et à certains membres de l’Eglise protestante évangélique (EPE).

Ainsi, des lieux de culte et bâtiments annexes et divers matériels ont été détruits dans plusieurs localités où s’étend l’influence du peuple gan. Dans ce climat d’actions de destruction et de menaces, les pasteurs et leurs familles vivent dans la peur. C’est pourquoi, ils ont abandonné leurs églises en ruine pour se réfugier dans des lieux sûrs.

Le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Gaoua, Cheick Alpha Boubacar Compaoré : « Les procédures sont respectées pour que le droit soit dit ».

Cela est confirmé par le pasteur de l’Eglise protestante évangélique centrale de Loropéni, Fadona Emmanuel Farama. Selon lui, ce n’est pas la première fois qu’il y a des disputes entre les deux communautés autour d’un corps. Il donne en exemple le corps d’une jeune fille inhumé par les protestants en 2007, puis exhumé et enterré de nouveau traditionnellement. M. Farama explique que quand la nouvelle de l’arrestation des 8 personnes est parvenue dans la localité, l’église de Obiré a été saccagée et le pasteur pourchassé.

« Il a échappé aux agressions et sa famille a été extirpée avec l’aide de certains fidèles », a-t-il déclaré. Il ajoute que plus de 11 églises se trouvant sur les terres du peuple gan ont subi des actes de vandalisme. Vu la situation et les rumeurs qui circulent, M. Farama pense que la communauté chrétienne gan est menacée.

Pour ce qui est des dégâts, ils n’ont pas été encore évalués par les victimes. Mais en se basant sur ceux constatés à Obiré et au secteur 4 de Loropéni, tout est quasiment à reconstruire en matière de bâtiments. Quant au roi gan, pour l’heure, il est dans son palais à Obiré. Il bénéficie de sa demande de permission accordée par la justice.

Il a souhaité ne pas faire de commentaire sur l’affaire, car elle est devant une juridiction. Mais il a appelé le peuple gan au calme et souhaité que l’affaire se résolve. Depuis les actes de vandalisme contre les églises, le préfet du département de Loropéni, Anselme Auguste Lalbila Ouédraogo, confie que l’administration a appelé au calme. Dans cette démarche, certains acteurs ont prêté une oreille attentive, par contre, d’autres ont agi selon leur colère.

Evariste YODA

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