Le Burkina Faso a quitté la Cour pénale internationale (CPI). L’Alliance des Etats du Sahel (AES) a claqué la porte à une cour qui semble regarder le monde en plongée avec des œillères qui réduisent son champ visuel. Dans sa quête de justice dans le monde, la CPI semble faire de l’impunité un péché africain ou du moins, une calamité propre aux pays faiblement développés. Pendant ce temps, le monde dit civilisé bombarde une partie de la terre et massacre des civils aux ventres creux et aux mains nues.
Il suffit de regarder la liste des personnalités poursuivies ou déjà condamnées pour se convaincre que la CPI n’est pas la « cour des grands ». Pour preuve, les Etats-Unis, Israël, la Russie et la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, la Turquie, l’Arabie Saoudite, la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Vietnam ont refusé d’en être membres. Ces pays n’ont jamais ratifié le Statut de Rome, tandis que des pays comme le Burundi, les Philippines et la Hongrie se sont retirés de la cour. Mais le statut de non-membre n’empêche pas la CPI d’enquêter dans un Etat, si les crimes ont été commis sur le territoire d’un Etat membre ou si un Etat membre les lui a déférés.
Cependant, ce qui intrigue, c’est le nombre de pays non-membres et surtout le poids de bon nombre de ces pays dans la dynamique géopolitique du monde. Il suffit de bien regarder les implications et la responsabilité de certains Etats dans des crises emblématiques à l’échelle mondiale pour comprendre leur retrait ou leur abstention vis-à-vis de la CPI. On n’invente pas la justice, on n’impose pas la justice ; elle s’impose et se rend en toute vérité, mais qu’est-ce que la vérité quand on peut « fabriquer » des crises, juste pour vendre des armes et booster l’économie de la guerre ? Qu’est-ce que la justice internationale quand on peut reconnaître l’existence des uns et nier celle des autres au nom du droit et même de Dieu ?
Cette chronique ne dira rien de nouveau, elle n’enfoncera pas le clou, parce que de toute façon, il n’y a plus rien à taper. Elle veut simplement dire que notre monde a toujours été celui du plus fort, du plus riche. Tant pis pour ceux qui pleurent pour la République démocratique du Congo, martyrisée et victime de ses propres richesses ; tant pis pour ceux qui élèvent la voix pour Gaza, soumis à un blocus hermétique et devenu une prison à ciel ouvert où le seul espoir du peuple est un avion-cargo qui laisse tomber des sacs de vivres par des parachutes ; tant pis pour les Etats du Sahel perclus sous l’étau d’un terrorisme au visage parfois connu mais sans coupables, entretenu dans l’ombre, sous le regard impassible d’une communauté dite internationale, emmurée dans le confort du silence de l’indifférence ou gesticulant à la tribune aphone du concert des nations.
Les plus grands criminels ne sont pas ceux qui sont en tôle dans des prisons de haute sécurité ; ce sont parfois ceux-là même qui saluent les foules haranguées, les mains tachées de sang dans des gants blancs immaculés. Il y en a qui, du haut de leur titre d’excellence ont tenu des propos de soutien à des attaques terroristes au Mali au vu et au su de la Communauté internationale. Le même Mali continue de scander des accusations contre l’ingérence et la violation de sa souveraineté, mais la maison en verre est si fragile qu’elle réclame toujours la preuve qui brandit « la main coupée ». Toutes ces préoccupations ne sont pas suffisamment des questions de justice pour susciter une auto saisine de la CPI. C’est pourquoi, même les mains sales, certains crient aux réformes tout en tirant les ficelles de la « war-business », la guerre des affaires, la guerre comme affaire !
En quittant la CPI, les Etats de l’AES veulent montrer au monde qu’aucune cour ne saurait rendre justice si elle ne repose pas sur la vérité, la transparence et l’équité dans la diversité. On peut embastiller des dirigeants Africains pendant des années de prison préventive et les acquitter pendant que la vérité continue de courir ? C’est drôle, mais on peut emprisonner quelqu’un pendant des années pour un crime qu’il n’a pas commis et le libérer sans chercher les vrais coupables ailleurs !
L’AES a pris ses responsabilités avec la conviction que la Cour pénale sahélienne fera mieux qu’une Cour pénale instrumentalisée (CPI ?), sélective, partielle et partiale.
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr