De la mythologie nationale à l’Etat-Nation

Dans sa volonté d’ériger un “panthéon“ national par la désignation de héros nationaux, le gouvernement burkinabé s’est heurté à l’opposition d’une grande frange des honorables députés, au motif que cette démarche apparaissait “parcellaire “ si tant est que l’exécutif prenait comme point de repère l’année 1919 pour ce faire, ce qui, dans l’entendement des contestataires, excluait d’office certains héros. Un point de vue à priori défendable, mais qui ne résiste pas à l’analyse scientifique et historique, dans la mesure où, il confond roman national et fait historique, figures tutélaires et grands hommes.

Si l’on convient en effet que la princesse Yennenga, Diaba Lompo, Tiefo Amoro ou Bamoye appartiennent incontestablement à l’histoire de ce pays, ce n’est pas pour autant que du point de vue de l’histoire dans son acception scientifique, on doit les ériger en héros nationaux dans la mesure où le territoire national n’existait pas à leur époque. De tels hommes et femmes sont d’une dimension autrement supérieure, car ce sont des figures tutélaires des peuples qui se reconnaissent en eux. Figurant en bonne place dans notre roman national, on peut, si l’on veut leur rendre l’hommage qu’ils méritent, leur ériger un panthéon liturgique à l’image de ceux que les Egyptiens antiques, par exemple, bâtissaient pour leurs divinités. Cela aura du reste l’avantage de maintenir vivace dans la mémoire des générations montantes, notre mythologie qui est enseignée au “lance-pierre “ dans le système éducatif actuel. Par contre, pour les héros nationaux, la date de 1919 est bel et bien la date idoine, car elle consacre la naissance de la colonie de Haute-Volta devenue plus tard le Burkina Faso. Cela est d’autant plus vrai, que si les lieutenants Voulet et Chanoine n’avaient pas coupé l’herbe sous le pied de l’anglais Ferguson, par exemple, le Centre-Est burkinabé serait à l’heure actuelle partie intégrante du Ghana.

Du coup une partie des descendants de Yennenga, dont son premier fils serait hors de nos spéculations “préhistoriques”. Du reste, nos devanciers ont bien compris l’importance de cette date, car, c’est sur la base de celle-ci qu’ils ont bataillé pour reconstituer le pays. Tout cela pour dire qu’imaginaire populaire et fait historique ne peuvent aller de pair dans la détermination des héros nationaux. Mythologie nationale et histoire sont à la fois antinomiques et complémentaires sur la route de la construction et de la consolidation de « l’Etat-Nation », et, il faut éviter les amalgames et les “fourre-tout “ pour ne pas fragiliser un tissu social déjà malmené par les phénomènes contemporains tels que les irrédentismes identitaires et le terrorisme. Il nous faut donc marcher sur des œufs pour éviter d’avoir un édifice bâti sur du sable, dans cette quête ardue qui requiert des connaissances pointues et non des exégètes frileux et nombrilistes. Si les points d’achoppement entre exécutif et législatif perduraient, l’arbitrage des sommités dans le domaine de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire et du droit pourrait vider ce contentieux, dont on aurait pu faire l’économie. Cette polémique “historique “ est un débat sur le sexe des anges, même s’il révèle la passion que les uns et les autres ont pour le Burkina Faso, toute chose qui augure de lendemains meilleurs.

Boubakar SY

Laisser un commentaire