De la Transition guinéenne

C’est un acte qui n’a pas plu au président de la Transition guinéenne, le colonel Mamady Doumbouya et à son entourage. En lançant le 2 mars 2023, sur son site Web, le compte à rebours du reste de la durée de la Transition en Guinée, l’ambassade des Etats-Unis à Conakry a provoqué le courroux du tombeur d’Alpha Condé. Le nouvel homme fort du pays s’est fait entendre énergiquement, quand il a eu vent de cette pratique. Le samedi 1er avril dernier, le ministre des Affaires étrangères, Dr Morissanda Kouyaté, a été dépêché sur les antennes de la télévision nationale, la RTG, pour apporter la réplique.

« Ce compte à rebours donne l’image d’un surveillant de classe veillant sur des élèves en examen, ce qui est évidemment inacceptable pour un pays jaloux de sa souveraineté et de son indépendance. Il n’a pas lieu d’exister (…) », a affirmé le chef de la diplomatie guinéenne. Pour autant, Dr Kouyaté a indiqué avoir reçu l’assurance des hauts responsables de l’ambassade des Etats-Unis à Conakry, qu’ils n’avaient pas la prétention de mettre le gouvernement guinéen sous pression. Les deux parties n’ont d’ailleurs pas trop tiré sur la corde, au risque de mettre sérieusement à mal leur coopération. Fondamentalement, les relations entre le pays de l’oncle Sam et la Guinée ne sont pas exécrables, à ce que l’on sache. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

Même si l’ambassade américaine a démenti vouloir contraindre les autorités de la Transition guinéenne à tenir compte du calendrier établi, son attitude ne parait pas totalement innocente. Connaissant l’attachement des Américains au respect des principes démocratiques, on imagine leur impatience à voir la Guinée retrouver un ordre constitutionnel normal. Ils y travaillent d’ailleurs. En janvier dernier, les Etats-Unis ont annoncé une aide de 15 millions de dollars, pour accompagner le processus du retour à l’ordre constitutionnel en Guinée. Le soutien du peuple américain à ce pays d’Afrique de l’Ouest est à saluer. Mais encore faut-il observer le colonel Doumbouya à l’œuvre, quitte à ce qu’il ne respecte pas le délai imparti à la Transition, pour lui taper dessus. On le sait, une Transition de 24 mois a été convenue avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à compter de janvier 2023, après plusieurs tractations. L’organisation avait échoué à imposer un calendrier de six mois, les Guinéens ayant jugé cette proposition irréaliste.

La période transitoire, engendrée par le coup d’Etat du 5 septembre 2021 contre Alpha Condé auteur d’un 3e mandat contesté, doit permettre d’opérer des réformes sociopolitiques profondes en Guinée. A ce titre, le chronogramme de la Transition contient dix points essentiels. Parmi ces points, figurent, entre autres, l’élaboration d’une nouvelle constitution, la préparation du fichier électoral, la mise en place d’un organe de gestion des élections et de l’organisation d’élections (référendaires, locales, législatives et présidentielle) au terme de la Transition. Le colonel Doumbouya a la lourde tâche de réaliser ces activités. Ses actions à la tête de la Guinée, même si elles ne conviennent pas forcément à la CEDEAO et à d’autres partenaires, sont scrutées à la lettre. Le président de la Transition guinéenne n’a même pas encore un an à la manœuvre, selon le calendrier arrêté, qu’il est encore tôt de lui mettre une quelconque pression. A son initiative, un comité de suivi et d’évaluation du chronogramme, placé sous l’autorité du Premier ministre, Dr Bernard Gomou, a été récemment mis en place. Le colonel Doumbouya s’est engagé à respecter le chronogramme de la Transition et il sera pris au mot. Il faut lui faire confiance, jusqu’à ce qu’il tourne casaque, pour en tirer les conséquences.

Kader Patrick KARANTAO

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