Des assises décisives

Le coup d’Etat du 30 septembre 2022 qui a porté à la tête de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, a changé le cours de la Transition au Burkina Faso. Même si le Mouvement pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) demeure au pouvoir, des réaménagements s’imposent. Cette révolution de palais nécessite l’adoption d’une nouvelle Charte et la désignation d’un nouveau président civil ou militaire de la Transition.

D’où la convocation d’assises nationales, les 14 et 15 octobre 2022, par le capitaine Traoré qui gère les affaires courantes de l’Etat. Les forces vives de la Nation, appelées à mener les débats, statueront sur les organes de la Transition, leur rôle et composition. Ils choisiront également la personnalité civile ou militaire qui dirigera le pays. Sauf changement, l’heureux élu devra présider aux destinées du Burkina Faso jusqu’en juillet 2024, conformément au chronogramme établi, de commun accord, avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Les enjeux de ces assises tournent essentiellement autour du maintien ou non à la tête de l’Etat du capitaine Traoré et de la suppression ou pas de l’Assemblée législative de Transition (ALT), jugée « inutile » et « budgétivore » par une certaine opinion. Le tombeur du lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, a déclaré n’être pas intéressé par le pouvoir, mais plutôt par le combat pour la libération du pays.

Le capitaine Traoré a désavoué son aîné à cause des « aventures politiques malheureuses » auxquelles il se livrait au détriment de la lutte contre le terrorisme. Homme de terrain aux états de services appréciables, l’ex-chef de corps du Régiment d’artillerie de Kaya est plus que jamais focus sur la lutte contre les djihadistes. Mais une frange non négligeable de Burkinabè qui sont sortis dans les rues pour acclamer son coup de force, plaident pour son maintien au sommet de l’Etat, surtout dans ce contexte d’insécurité généralisée.

Plus de 40% du territoire national échappe actuellement au contrôle des autorités, ce qui dénote de la gravité de la situation du pays. Pour les inconditionnels du capitaine Traoré, il doit assumer son coup d’Etat, car un civil ne saurait conduire le Burkina Faso, à un moment où les groupes armés ont gagné du terrain. La priorité des priorités et il faut en convenir avec eux, est la reconquête du territoire national, mission dévolue à l’armée.

Un sondage réalisé à chaud par l’Institut Apidon indique que 53% des Burkinabè préfèrent le capitaine Traoré à la tête du pays contre 9,41% pour l’ex-Premier ministre, Lassina Zerbo et 4,97% pour le lieutenant-colonel, Emmanuel Zoungrana. Au-delà de cette enquête d’opinion, le capitaine Traoré, au regard du capital de sympathie et de confiance dont il jouit, est en bonne posture pour occuper le poste de président de la Transition.

Sa personnalité (certains voient en lui la réincarnation de Thomas Sankara) et sa vision de la lutte contre le terrorisme séduisent bon nombre de compatriotes qui souhaitent un partenariat renforcé avec la Russie. Même s’il est très peu connu des masses, ce jeune officier de 34 ans incarne incontestablement l’espoir et la rupture dans la gouvernance de l’armée. Le capitaine Traoré gardera-t-il le gouvernail ?

Le dernier mot revient aux forces vives de la Nation qui vont se réunir ces 14 et 15 octobre. L’autre sujet d’intérêt, c’est la nécessité de garder ou pas l’ALT, certains citoyens et leaders d’opinion estimant que le nouveau président de la Transition devrait gouverner par ordonnances. Ce qui permettra, à leur avis, de faire des économies à réinjecter dans la lutte contre le terrorisme qui demande de gros moyens. Pour peu qu’on fasse preuve de lucidité, l’argument de ces citoyens a du poids.

Le fonctionnement de l’ALT mobilise des fonds importants, dans un pays où tout est urgent, comme l’a dit le capitaine Traoré. Aux forces vives de trancher également cette question qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Le souhait est que les décisions qui seront issues des assises nationales reflètent les aspirations profondes du peuple burkinabè. Le « pays des Hommes intègres » est méconnaissable et doit se relever, peu importe les sacrifices à consentir. Il faut des options courageuses pour sortir la mère-patrie du gouffre. Il n’est plus question de tergiverser sur des intérêts égoïstes ou de contenter des individus. L’intérêt supérieur de la Nation, qui est en danger, doit prévaloir sur tout.

Kader Patrick KARANTAO

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