Plus de deux ans après la chute de la famille Bongo qui a franchi la barre d’un demi-siècle au pouvoir, l’heure de rendre des comptes devant la justice est venue pour les anciens maitres du Gabon. Hier lundi 10 novembre 2025, un procès visant le clan Bongo s’est ouvert devant une Cour criminelle spéciale de Libreville. Aussitôt entamé, le procès a été suspendu, à cause de l’absence de certaines personnes citées dans le dossier.
Si l’ancien Président Ali Bongo, successeur de son défunt père, renversé le 23 août 2023, par le coup d’Etat du général Brice Clotaire Oligui Nguema, n’est pas dans le lot des accusés, son épouse, Sylvia et son fils, Noureddin Valentin sont poursuivis pour détournement de biens publics et blanchiment de capitaux. Une dizaine
de jeunes cadres surnommés « Young Team », sous le règne d’Ali Bongo, sont également impliqués dans cette affaire. Outre le détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux, d’autres chefs d’accusation pèsent sur les prévenus, notamment ceux de « faux et usage de faux », de « corruption active », d’« association de malfaiteurs », de « recel », de « contrefaçon des sceaux de la République » et « usurpation de titres et de fonction ».
On attend de vivre donc les temps forts de ce jugement pour le moins historique, avec les témoignages ou déballages à venir. Qui l’eût cru ? Les anciens barons du pays, dont personne n’osait toucher un seul cheveu, sont appelés à rendre compte de leur gestion, avec la forte probabilité d’être condamnés. Comme qui dirait, la roue tourne. Les puissants d’hier peuvent être les faibles d’aujourd’hui. Si la tenue de ce procès est à saluer, car pouvant contribuer à la construction d’un nouveau Gabon, il aura un goût d’inachevé. Les couleurs ont été annoncés à l’ouverture de l’audience, avec l’absence de prévenus.
Réfugié à Londres depuis le mois de mai dernier, les principaux accusés, l’ex-Première dame et son fils, qui risquent une condamnation à perpétuité par contumace, refusent de comparaitre à un « simulacre » de procès. Certains membres de la société civile regrettent d’ailleurs, que les nouvelles autorités aient permis aux intéressés de quitter le pays, avant tout jugement. Noureddin Bongo n’a-t-il pas soutenu, ces jours-ci, que « les conditions d’un procès juste et équitable ne sont pas réunies ? ».
De toute évidence, les Bongo voient à travers ce procès, une manœuvre du Gal Nguema pour les nuire, sans raison valable. Détenus plusieurs mois avant d’être libérés, l’épouse d’Ali Bongo et son fils ont dénoncé des tortures physiques et psychologiques pendant leur incarcération. Aussi ont-ils déposé une plainte en France contre l’entourage du Gal Nguema pour des traitements inhumains et dégradants. De part et d’autre, chaque camp donne l’impression de vouloir porter un coup à l’autre.
C’est à croire que la famille Bongo n’a pas digéré la perte du pouvoir, encore moins de devoir affronter la justice, sous le régime de leur tombeur. Quiconque participe à la gestion de la chose publique est pourtant appelé à répondre à tout moment
par rapport à des actes posés antérieurement. C’est une question de redevabilité en matière d’action publique. Etre traduit devant un tribunal ne fait pas systématiquement de vous un coupable, à moins d’avoir affaire à une justice aux ordres.
Toutefois, les accusés ont le droit de se plaindre concernant la bonne administration de la justice gabonaise, mais c’est à l’institution de prouver qu’elle est digne de confiance. « La justice va dorénavant s’exprimer avec rigueur, sans préjugés et sans qu’il n’y ait de passe-droits », a promis le procureur Eddy Minang. Qu’il en soit ainsi pour le bonheur des Gabonais…
Kader Patrick KARANTAO






















