L’information, c’est le pouvoir !

Depuis que la démocratie nous a donné plus de liberté que de responsabilité, l’intégrité tant vénérée est devenue un crasseux boubou en haillons cousu de fil doré. Sur fond de publicité, nous magnifions nos exubérances futiles sur les pages du monde avec la fierté d’être l’habitant le plus connu ou vu du village global. C’est écœurant de voir que mon peuple se mire en s’esclaffant sur les réseaux sociaux, à côté de l’image du soldat méconnu tombé au front. C’est triste de voir que la nouvelle espèce de Burkinabè célèbre son anniversaire sur Facebook comme si l’événement avait un intérêt public et un impact sur la vie de la nation. Il y en a qui ne feront même pas le point de leur un an passé, sans rien envisager pour leur année de plus.

Les réseaux sociaux sont devenus des albums publics ouverts où tout se déballe et s’étale ; où de pauvres esprits capricieux hantent les colonnes indiscrètes d’un « m’as-tu vu » incongru, puéril et inutile. Ainsi, on félicitera le nabot qui se croit le plus beau, malgré l’horreur qui colle au faciès d’impénitent ignare gonflé. On brandira des fesses pècheresses ou la grossesse grossière sur toutes les pages du tapage et se sentir fier d’être quelqu’un. On passera son temps à surfer sur les réseaux sociaux, à cliquer, à « kiffer » ou à « liker », à commenter tout et rien, sans feuilleter une seule page de sa propre vie ; sans ouvrir les dossiers des contribuables qui croupissent sous son nez. L’arme en bandoulière, la tête baissée, la sentinelle fascinée « doigtera » son téléphone en veillant sur la sécurité des citoyens. Depuis que la démocratie nous a inculqué la transparence sans nous doter de clairvoyance, nous marchons tous nus sous le regard d’impudiques caméras qui ne voient pas au-delà de l’horizon de la ligne rouge du cartel.

Chacun de nos pas est suivi ; chacun de nos mots résonne dans les casques des cabines d’écoute, loin du grand doute qui plane sur la cité ; loin de l’ombre du mal qui avance à grand pas dans la vallée de la mort, sous la clameur des alertes sans suite. Désormais, tout est dit, tout est su, lu et publié, multiplié et partagé parfois en temps réel. Du courrier ministériel confidentiel aux indiscré-tions présidentielles en passant par certaines instructions top secret de la hiérarchie militaire. Tout se trouve sur Facebook, Whatsapp et autres canaux des réseaux sociaux. Entre la main de l’autorité qui a instruit et signé, le secrétariat qui a saisi et mis en forme et le service courrier qui a manipulé et acheminé l’information sous pli fermé, personne n’est responsable, aucun coupable ; ce sont de mauvais esprits ou des génies qui ont fait fuiter l’info. Alors, point de sanction ! Comme une trainée de poudre, des actes administratifs stratégiques d’un Etat en guerre se répandent dans la nature et on veut vraiment trouver une solution à la quadrature du cercle de feu qui entoure et s’embrase de jour en jour.

On ne peut plus rien préparer en catimini sans qu’il n’y ait des traces du secret sur la toile. Ce trait de mauvais caractère est de plus en plus prononcé chez les Burkinabè et c’est dommage qu’en pleine crise sécuritaire des notes et des lettres confidentielles se retrouvent sur les étals des réseaux sociaux. Mais à qui la faute ? La faute est l’autorité elle-même pour sa complaisance et son laxisme face à ces cas de fuite ou de divulgation d’information confidentielle. Quand une certaine autorité peut de façon à peine voilée, mettre à nu nos propres défaillances, nos contraintes et même nos difficultés à répondre efficacement à la crise, qui mieux que quiconque peut savoir mentir vrai au nom de notre intégrité et de notre amour-propre. Quand on brandit une armada de matériel de combat et de défense par média interposé simplement pour les beaux yeux du donateur en quête de visibilité, de quoi répond vraiment une telle stratégie de communication ? Quand on fait fuiter du courrier confidentiel militaire sur les réseaux sociaux à la connaissance des bons et des méchants, au nom de quel intérêt ose-t-on ces genres d’écart ?

Quand dans des émissions de débats, des confrères ou des spécialistes en sécurité se donnent une certaine liberté d’analyse critique qui frise la perfidie et profite aux faiseurs de deuil, entre le droit d’informer et le devoir de réserve, lequel convient le plus à notre sens de la responsabilité ? Pour quelle cause plus grande que nos égos, nous nous battons tant, si nous débattons au-delà des limites de la Raison, juste pour avoir raison ? De quelle vérité, parlons-nous quand cette vérité ne sert que l’ennemie à l’affut ? Taisons la présence des complices, sympathisants et autres acolytes qui composent avec nous pour mieux flirter avec le mal. De quelle information a-t-on vraiment besoin pour faire le buzz ou ravir le scoop au confrère en lice ? En vérité, il y a des silences qui assourdissent plus qu’un coup de canon. On ne peut pas tout dire ou tout montrer à tout le monde à tout moment, juste pour donner l’impression qu’on travaille. Parce que l’information, c’est le pouvoir ! Mais encore faut-il détenir et maitriser le pouvoir de l’information.

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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