Que mijote Joseph Kabila ?

Il ne fait plus la Une de l’actualité, mais on ne saurait prononcer sa mort politique avec certitude. L’ancien président congolais, Josepk Kabila, pourrait être l’invité surprise à la présidentielle de 2023. L’ex-homme fort de la République démocratique du Congo (RDC), qui a quitté le pouvoir en 2019 après près de deux décennies de règne, semble se préparer pour rebondir. Les apparitions de plus en plus fréquentes, au cours desquelles il se fait acclamer par des partisans, font penser à un éventuel retour. Ces bains de foule paraissent suspects. On aurait émis un avis contraire, si la Constitution congolaise interdisait aux anciens chefs d’Etat de revenir aux affaires. S’il se veut de moins en moins discret, Joseph Kabila est actif sur le plan politique, laissant libre cours à toutes les supputations. L’ex-président congolais n’a pas abandonné le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) qu’il a fondé aux mains de ses camarades.

Il est toujours à la manœuvre, dirigeant des réunions du bureau politique ou donnant des orientations çà et là. Cet activisme politique ne saurait être fortuit. Ne dit-on pas d’ailleurs que l’homme aime avancer masqué? Le contexte, marqué par une gouvernance relativement appréciable de son ex-allié, l’actuel président, Félix Tshisekedi, doit certainement inspirer Kabila qui nourrit l’ambition de revenir aux affaires, selon certaines indiscrétions. S’il est populaire auprès des populations (un sondage publié en juillet 2021 par le Groupe d’études sur le Congo et la Fondation Berci faisait état de ce que 62% de Congolais étaient favorables à son action), Tshisekedi n’est pas totalement à la hauteur des attentes. Les mesures, tels la gratuité de l’enseignement de base et les efforts consentis pour réformer la justice et combattre l’impunité, sont saluées à leur juste valeur dans les rues de Kinshasa et ailleurs. Il en est de même des sacrifices consentis pour relever l’économie qui affiche de bonnes perspectives, malgré les pressions inflationnistes mondiales. Le Fonds monétaire international (FMI) avait, courant mai dernier, loué les progrès économiques de la RDC, tablant pour une prévision de croissance de 6,4% contre initialement 6,1% en 2022. Ces avancées à mettre à l’actif de Tshisekedi ne font pas ombrage à l’insécurité qui demeure un gros souci, surtout dans l’Est du pays, avec les exactions du Mouvement du 23 mars (M23).

Des civils, des éléments des forces de sécurité et des Casques bleus de la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUSCO) sont régulièrement tués. Plus de 170 000 personnes ont déjà fui leurs localités du fait des attaques du M23, d’après des sources onusiennes. Les autorités congolaises voient d’ailleurs la main du Rwanda voisin, derrière les agissements de ce mouvement, ce qui alimente des tensions entre les deux pays. Le bilan à mi-parcours de Tshisekedi est mitigé, mais il n’est pas évident que cela profite à Kabila, dans l’éventualité d’un come-back. L’ancien président et sénateur à vie n’avait pas laissé la RDC dans un état reluisant, pour prétendre gagner à nouveau la confiance de ses compatriotes. Quand il cédait le fauteuil présidentiel en 2019, la RDC était classée 179e sur 189 Etats, dans le rapport mondial sur le développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), avant de redescendre à la 175e place dans le même classement en 2020. La répression politique était aussi d’actualité, sous le régime Kabila, comme l’ONG Human Rights Watch l’avait dénoncé dans des rapports. Arrestations, tortures et assassinats étaient autant de moyens utilisés pour intimider ou faire taire des opposants à Kabila. Au regard de ces réalités qui le rattrapent, on est curieux de savoir quels arguments l’ancien président congolais va déployer pour se réhabiliter dans l’opinion, si son projet de nouveau bail venait à être officialisé. Jusque-là, il est considéré comme un dictateur par nombre de Congolais qui ne lui portent plus d’estime. Comment Kabila réussira-t-il à se faire passer pour un saint ou un sauveur du jour au lendemain ?

Wait and see… 

Kader Patrick KARANTAO

Laisser un commentaire