Soyons fiers du Burkina !

Jean-Paul Sartre ne croyait pas si bien dire quand il a affirmé que «l’enfer c’est les autres». La semaine dernière, les contempteurs de l’Hexagone se sont délectés sur les réseaux sociaux, des accusations ouvertes de la star de musique malienne Salif Keïta sur la responsabilité de la France dans le terrorisme au Mali. Cette même célébrité qui félicitait la France d’avoir sauvé le Mali des griffes du terrorisme quelques années plus tôt.
Cette semaine, ce sont les Burkinabè qui tirent à boulets rouges sur la même France pour avoir osé «repeindre» la carte du pays des Hommes intègres en rouge et orange pour représenter les zones d’insécurité. En effet, le Quai d’Orsay a actualisé sa carte de conseils aux voyageurs sur le Burkina : une zone rouge (formellement déconseillée), couvrant tout le Nord, l’Est et les frontières Ouest, alors que tout le reste du pays est désormais orange (déconseillé sauf raison impérative). Cette configuration du Faso sur carte n’est pourtant pas récente, mais elle a suffi pour susciter la colère de certains citoyens qui ont dénoncé son caractère inamical.
Y a-t-il vraiment matière à se montrer hérissé par ces nouvelles couleurs du pays si, d’une part, elles décrivent une réalité, et d’autre part, elles sont adressées principalement aux ressortissants de l’Hexagone ? Le Burkina Faso n’est pas le seul à subir ces coloriages. L’ancien colon n’est pas non plus le seul à s’adonner à cet exercice. En Asie, l’Afghanistan a été totalement «repeinte» en rouge. La version anglaise de la page d’accueil du site de l’ambassade des Etats-Unis au Burkina Faso, donne également une alerte : «Level 3 reconsider travel to Burkina Faso due to terrorism, crime and kidnapping». Cette alerte déconseille 11 régions du pays, n’épargnant que le Centre, le Plateau central et la ville de Koudougou. A Ouagadougou, les quartiers Karpala, Balkuy et Rayongo dans l’arrondissement 11 sont tout aussi déconseillés, «en raison du terrorisme et de la criminalité». Une carte tout aussi rouge et orange est également présentée. Certains commentaires sur le site auraient sans doute aussi été jugés «inamicaux» s’ils avaient été médiatisés. Curieusement, cette alerte disparaît dans la version française du site de l’ambassade, comme pour bien faire comprendre qu’elle s’adresse uniquement aux citoyens américains. Ces «conseils aux voyageurs » ne sont pourtant pas une pratique nouvelle au point de faire sombrer plus d’un Burkinabè dans le chauvinisme. Un populisme vain, en somme, qui n’apporte rien de concret à la situation sécuritaire du pays. En 2015 déjà, aux lendemains des premières attaques, la couleur orange était beaucoup présente sur les représentations du Burkina au sein de certaines enclaves diplomatiques.
La réaction patriotique ici, plutôt que de s’en prendre aux chancelleries qui adressent des messages de précaution à leurs concitoyens, serait de se mobiliser davantage pour renforcer la défense de son pays. A ce titre, au lieu de donner de l’audience à ces représentations dépréciatives du Burkina à travers les partages, les indignés seraient mieux inspirés de «faire la propagande» des récentes victoires des forces de défense et de sécurité sur le terrain. Interrogé au sortir du Conseil des ministres d’hier, le ministre porte-parole du gouvernement, Rémis Fulgance Dandjinou a affirmé que le Burkina Faso sera ce que les Burkinabè veulent qu’il soit.
Cette volonté doit être traduite en actes et en engagements concrets, au lieu des discours creux, et autres jérémiades à trouver des boucs émissaires aux maux du pays. Que «la destination à ne pas manquer» soit déconseillée à des Français, Américains ou autres, l’essentiel est que les Burkinabè la défendent et soient fiers d’y habiter.

Fabé Mamadou
OUATTARA

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