De la limitation des partis politiques

Alors qu’on le pensait obsolète, le débat sur la limitation des partis et formations politiques au Burkina Faso a refait surface, ces derniers temps. Politologues, journalistes et autres observateurs de la scène politique nationale se sont saisis de la question après que le président de l’Assemblée Nationale, Alassane Bala Sakandé a émis l’idée, à l’occasion de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre, de limiter le nombre de partis politique dans le pays, au regard de la pléthore. Si le sujet préoccupe au point de cristalliser et de focaliser l’attention de nombre d’analystes, c’est qu’il mérite d’être passé au crible afin d’en déterminer les tenants et aboutissants.
En effet, le vent démocratique qui a soufflé sur plusieurs pays d’Afrique, avec l’avènement du multipartisme, a vu la création d’une flopée de partis. Ce qui traduit ainsi la vitalité des démocraties naissantes et d’une liberté d’expression favorable à toutes initiatives. Mais ce foisonnement des partis et formations politiques qui nous est donné de voir actuellement reflète-t-il cette réalité ? Cette interrogation pourrait, de prime abord, être perçue comme banale, mais à y voir de près, le constat est tout autre. Car, toute proportion gardée, le nombre de partis au Burkina n’indique pas forcément, que le pays connaît des avancées démocratiques plus que les autres Etats africains. Mais plutôt, à la limite, que le choix du peuple n’est aucunément guidé par une idéologie, mais par des critères autres que politiques. Créer un parti politique sous nos cieux, disons-le, s’apparente à une course effrénée à laquelle se livrent bien des personnes. Quelles sont les motivations réelles de certains responsables à se lancer dans le jeu ? Sont-ils tous attachés réellement à la gestion de la chose publique ? Rien n’est moins sûr. En effet, le constat est qu’il existe, à l’heure actuelle, une panoplie de partis et formations politiques. 152 partis politiques, 6 formations politiques et 30 regroupements d’indépendants, légalement constitués, ont été reconnus par les services du ministère en charge de l’administration territoriale, en 2020, lesquels ont été autorisés à prendre part au double scrutin du 22 novembre dernier. Et dans ce landernau politique, on en trouve de tout acabit, sans réelle orientation idéologique. Le nombre de partis est excessif, estiment les plus sceptiques, pour un pays comme le Burkina. Le mot n’est pas de trop.
A quoi sert un parti qui, pendant plus d’un an, ne peut même pas ameuter les journalistes pour une simple conférence de presse ou, bien plus se conformer aux lois en vigueur ? Autant dire qu’il y a une part d’exagération, voire un manque de conviction chez certains initiateurs. C’est d’ailleurs sans doute pour cela, que le débat sur la kyrielle des partis politiques dans notre jeune démocratie a été relancé aux fins d’en discourir sans passion. Ce, dans l’optique d’en déceler les véritables mobiles et de proposer des solutions susceptibles de freiner le phénomène. Car, la multiplicité de partis ne sert pas forcément la démocratie. Mais, là où le bât blesse, c’est comment limiter leur nombre sans remettre en cause fondamentalement les prescriptions constitutionnelles. Certes, on ne peut pas empêcher la création de partis, mais il faut mettre des garde-fous ou instaurer des critères pour annihiler toute légèreté.
Pour beaucoup, la proposition de revoir le financement des partis politiques peut être une solution. Mais là encore, la question est de savoir comment parvenir par ce fait à « assainir cette classe politique » sans verser dans la ploutocratie ? C’est donc dire, que la problématique de la limitation des partis est coriace, car renfermant beaucoup d’implications. Les élucubrations sur le sujet valent donc leur pesant d’or. Au demeurant, il faudrait s’accorder sur la bonne méthode qui sied, tout en plaçant l’intérêt général du pays au-dessus de tous les égo. Gageons dans cette dynamique que les débats et prises de positions tous azimuts sur la limitation des partis politiques servent de tremplin, pour trouver un modus vivendi qui renforce davantage les socles de notre démocratie en construction.

Soumaïla BONKOUNGOU

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