Djibril Bassolet devant les députés français : « Une faute diplomatique et une provocation »

La Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a auditionné, le 22 juin 2023 à Paris, l’ancien ministre des Affaires étrangères burkinabè, Djibril Yipènè Bassolet. Devant les parlementaires français, celui-ci a analysé les rapports entre l’Afrique et la France, la situation au Burkina Faso et notamment au Sahel. Après le gouvernement burkinabè qui a protesté contre l’attitude des autorités françaises, le réseau international Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique fustige, à son tour, dans cette déclaration, l’audition de l’ancien chef de la diplomatie burkinabè par l’Assemblée nationale française.

L’Etat français, dont les dirigeants n’en finissent pas de donner des leçons sur les droits humains au monde entier, a donc laissé fouler son sol par un des auteurs du putsch de septembre 2015 au Burkina Faso. Condamné à 10 ans de prison en 2019, il avait obtenu l’autorisation d’être évacué en France pour des raisons sanitaires. Après avoir obtenu deux autorisations de prolonger son séjour, n’ayant pas obtenu une troisième prolongation, il n’a pas rejoint son pays pour purger sa peine.

C’est donc un condamné en fuite, que la France accueille sans état d’âme… Et pour parler de paix ! Une première fois dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le 26 mai 2023, à l’occasion de la célébration du centenaire de l’Académie des sciences d’outre-mer et une deuxième fois, le 22 juin 2023, à l’Assemblée nationale, à l’invitation de madame Michèle Tabarot et monsieur Bruno Fuchs, Co-rapporteur de la mission d’information sur les relations entre l’Afrique et la France. Mais qui est donc Djibril Bassolet ?

Après l’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, la gendarmerie dont il était alors officier, gardait en son sein des proches du président assassiné, dont certains furent torturés. Il a par ailleurs empêché, en envoyant ses hommes, la tenue d’une messe de requiem à Ouagadougou. Par la suite, proche de Blaise Compaoré, il devint ministre de la Sécurité pour réprimer les manifestations des Burkinabè contre l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.

Puis ministre des Affaires étrangères, alors que Blaise Compaoré était à l’époque à l’origine de la déstabilisation de différents pays de la région. Il avait notamment soutenu Charles Taylor, chef de guerre au Libéria et avait contribué à contourner l’embargo au profit de Jonas Savimbi, allié du régime de l’apartheid en Afrique du Sud. En octobre 2014, une puissante et massive insurrection populaire entrainait la fuite de Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire, exfiltré par les troupes françaises et la mise en place d’une Transition exemplaire.

Le 17 septembre 2015, alors que les élections approchaient, des troupes fidèles à Blaise Compaoré tentaient un coup d’Etat pour renverser la Transition. Une véritable résistance populaire s’organisa durant laquelle quinze personnes furent tuées, tandis que d’autres militaires venus de tout le pays faisaient le siège de la capitale, contribuant ainsi à l’échec de ce putsch. Durant le procès des auteurs du putsch, la participation de Djibril Bassolet fut établie.

Il fut condamné à 10 ans de prison et son comparse Gilbert Diendéré, chef du régiment, de la sécurité présidentielle, à 20 ans. Si l’invitation de Djibril Bassolet semble être passée inaperçue en France, elle a suscité un tollé de protestations au Burkina Faso. A l’heure où les dirigeants français font mine de s’interroger sur ce qu’ils appellent le sentiment anti-français, une telle attitude apparait au mieux comme une faute diplomatique, au pire des cas comme une provocation.

Nous appelons les députés du parlement, les organisations françaises soucieuses du respect de la démocratie à protester auprès du gouvernement français contre la mansuétude avec laquelle Djibril Bassolet peut continuer à être invité en France pour donner des leçons de paix.

Fait à Paris, Ouagadougou, Dakar, Berlin, Bamako, Niamey, Yaoundé, Rome,Turin, Bobo Dioulasso, Ottawa, Toronto, Las Palmas, Sabadel, Ajaccio, Toulouse, Nîmes, Bagnolet, Montpellier, Marseille le 10 juillet 2023. Le réseau international Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique

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