Le renseignement, on ne le dira jamais assez, joue un rôle stratégique dans la lutte contre le terrorisme. Au regard de la complexité du phénomène, les États se doivent d’avoir toujours une longueur d’avance sur les groupes terroristes. Depuis 2015, le Burkina Faso implémente le projet IRAPOL (Identification, Rapprochement, Analyse de police) avec l’appui de l’Union Européenne. Si les résultats engrangés sont impressionnants, les ressources, elles, font défaut malgré les efforts consentis. Il urge plus que jamais de rectifier le tir pour permettre au pays de tirer amplement profit de cet outil dont la pertinence n’est plus à démontrer.
La montée en puissance des menaces extrémistes, de la délinquance et des risques informationnels, ces dernières années au Burkina Faso, a éprouvé les méthodes traditionnelles de maîtrise et de gestion du phénomène de l’insécurité.
Le projet Identification, rapprochement, analyse de police (IRAPOL) a été lancé pour permettre donc aux acteurs engagés dans la lutte contre l’insécurité de gérer un ensemble complexe de facteurs, allant de la petite criminalité au grand banditisme en passant par les émeutes et les incivilités. Les Burkinabè ont de quoi être fiers de leurs Forces de Défense et de Sécurité (FDS). L’applicatif informatique IRAPOL a, en effet, été entièrement conçu par des informaticiens chevronnés de la gendarmerie, de la police et de l’armée. Les programmes ont été développés par une structure de la place sous la direction d’un officier supérieur burkinabè. IRAPOL est un projet sécuritaire qui gère les informations sensibles des structures en charge de la sécurité intérieure (Police Nationale, Gendarmerie Nationale, Parquet, Police Municipale, Administration pénitentiaire, Douanes, Eaux et Forêts,…). IRAPOL est un dispositif intégré prenant en compte la gestion des bases de données, la vidéosurveillance, la communication et la biométrie.
IRAPOL se présente comme l’outil informationnel global de la stratégie nationale de sécurité intérieure, en vue de renforcer les performances dans la maîtrise du phénomène de l’insécurité, de systématiser la collaboration des acteurs, d’optimiser l’interopérabilité des systèmes et de réduire les coûts en partageant les ressources. La mise en œuvre du projet a permis d’atteindre plusieurs résultats dont la réalisation de salles techniques IRAPOL et l’installation de serveurs aux niveaux des entités police, gendarmerie et garde de sécurité pénitentiaire, l’interconnexion de 25 services de police, de gendarmerie et de garde de sécurité pénitentiaire par l’installation d’une douzaine de pilonnes et d’antennes de faisceau hertzien sécurisé de grande capacité, la formation de plus de 1000 agents de police et de la gendarmerie aptes dans le processus de collecte des informations de police judiciaire, de la saisie, du contrôle, et la validation des données dans la base IRAPOL, la saisie de toutes les affaires de police judiciaire de 1960 à nos jours. L’outil a également permis de traiter des milliers de requêtes dont plus de 200 affaires relatives à des actes terroristes. Aujourd’hui, de nombreuses cellules (terroristes, bandits de grand chemin) sont démantelées grâce aux données fournies par IRAPOL.
IRAPOL ou la manifestation de l’intelligence collective
Rapidité, économie d’énergie, fiabilité et sécurité des informations sont donc les maitres-mots de cet outil. Après une phase pilote débutée en 2014, le projet IRAPOL a été créé par un nouvel arrêté en juin 2020. Il est rattaché eu programme budgétaire « sécurité intérieure » du ministère de la sécurité. Le projet s’étend sur l’ensemble du pays. L’actuel ministre de la sécurité y accorde la plus grande importance. Il travaille d’arrache-pied pour la viabilité et la durabilité du projet. La pertinence du projet et l’engagement des plus hautes autorités ont du reste convaincu l’Union Européenne à soutenir IRAPOL dans le cadre du PARSIB, le Projet d’Appui au Renforcement de la Sécurité Intérieure au Burkina Faso. Le Budget total du projet est d’un peu plus de 38 milliards FCFA. De 2015 à 2020, le soutien de l’UE se chiffre à plus de 885 000 Euros soit plus de 581 millions FCFA. Ces financements ont permis d’interconnecter de nombreux sites à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso.
Pour 2021, les besoins prioritaires se chiffrent à 3,7 milliards de FCFA. Ces fonds serviront à l’interconnexion en faisceau hertzien de l’axe Ouagadougou à Bobo-Dioulasso, l’interconnexion de nouveaux services à la plateforme, la saisie des stocks de données dans les services de la sécurité intérieure, la formation du personnel d’IRAPOL et des OPJ, l’achat d’équipements et de logiciels. Le projet IRAPOL force l’admiration dans la sous-région et au-delà. Il participe clairement à la mise en œuvre de la politique de sécurité nationale. Les dépenses de sécurité sont des dépenses de souveraineté. Il appartient donc à l’État burkinabè de mettre les ressources nécessaires à la disposition des acteurs concernés pour une mise œuvre adéquate d’IRAPOL. Les enjeux du projet IRAPOL sont ceux d’un environnement national sécurisé, garantissant la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la liberté d’aller et de venir des citoyens. Le projet permet à l’ensemble des acteurs de la lutte contre l’insécurité de disposer et d’accéder de manière sécurisée, à des informations fiables dans les meilleurs délais, en vue de prendre les décisions appropriées. C’est une initiative à soutenir résolument. Elle est une illustration parfaite de l’intelligence collective que le Burkina Faso doit continuellement construire.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou