Le dilemme zimbabwéen

L’heure n’est pas à la sérénité entre l’opposition et le pouvoir zimbabwéen. La tension est montée d’un cran entre les deux parties à l’approche d’une manifestation contre la corruption, prévue le vendredi 31 juillet 2020. Les autorités de Hararé ont haussé le ton, lundi dernier, en demandant des informations sur la localisation de 14 opposants, initiateurs de la contestation.

Parmi eux, l’on peut citer le syndicaliste Peter Mutasa, le député d’opposition, Job Sikhala ainsi que des responsables de la société civile. Comme pour montrer sa farouche détermination à en découdre avec ses adversaires, le pouvoir a mis aux arrêts la semaine dernière, deux autres figures emblématiques de la fronde du vendredi prochain. Il s’agit du journaliste Hopewell Chin’ono et de Jacob Ngarivhume, dirigeant du parti d’opposition «Transformer le Zimbabwe ». Tous poursuivis pour incitation à la violence, les deux hommes sont encore dans les liens de la détention. Pendant que
les autorités politiques zimbabwéennes parlent de visées obscures dont l’ultime but est de renverser le gouvernement par la violence, l’opposition, elle, rejette cette idée « montée de toutes pièces ».

Elle demeure convaincue que ces arrestations sont liées aux récentes enquêtes du journaliste Chin’ono qui a révélé des scandales de corruption dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la COVID-19 dans le pays. Lesquelles révélations ont conduit au limogeage, en début juillet, du ministre de la Santé, Obadiah Moyo. Cette situation d’hostilité a poussé certaines chancelleries, dont celle des États-Unis, à s’inquiéter de la répression des dernières semaines. Toute chose qui a fait sortir de ses gonds, la Zanu-PF, le parti au pouvoir. Le parti, faisant fi des règles diplomatiques, a indexé l’ambassadeur américain comme étant l’un des bras financiers des insurgés et par conséquent, l’a menacé de l’expulser du pays. Des déclarations qui passent mal dans les couloirs de la chancellerie américaine. En représailles, les États-Unis ont décidé de maintenir les sanctions économiques ciblées contre le Zimbabwe en raison de ce qu’ils considèrent comme un mauvais bilan en matière de droits de l’homme.

Au regard de cette passe d’armes, nul besoin d’être un charlatan pour se rendre compte que la journée du 31 juillet prochain risque d’être électrique à Hararé. Surtout qu’avec le nombre de cas de la COVID-19 qui augmente dans le pays, l’exécutif zimbabwéen a renforcé les mesures de confinement, imposant un couvre-feu du crépuscule à l’aube. A ce propos, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a également réagi à la suite des arrestations, demandant aux autorités de ne pas utiliser la lutte contre la COVID-19 pour réprimer les libertés après l’instauration d’un couvre-feu de plus en plus strict. Comment sortir de cette situation cauchemardesque ?

C’est le dilemme auquel l’actuel chef de l’Etat, Emmerson Mnangagwa, est confronté. L’homme que ses admirateurs ont surnommé le « crocodile » parviendra-t-il à sortir la tête de l’eau ? Le regard des Zimbabwéens est désormais tourné vers lui pour une relance de l’économie du pays, qui souffre le martyre depuis les violentes manifestations ayant conduit à la chute de l’ex-président, Robert Mugabé, en novembre 2017. Il ne reste qu’à prier afin qu’il se hisse au-dessus de tout subjectivisme pour une position éclairée et porteuse d’espoir pour ce pays de l’Afrique australe.

Abdoulaye BALBONE

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