Le prix de la persévérance

Un grand pas contre l’impunité vient d’être fait au pays des Hommes intègres, avec l’achèvement du procès du capitaine Thomas Sankara et ses douze compagnons. En effet, le verdict du procès du père de la Révolution burkinabè et de ses infortunés compagnons, tués le 15 octobre 1987, est connu depuis hier mercredi 6 avril 2022. Pour un procès marathon, c’en était un, si l’on s’en tient au temps mis pour parvenir à cet épilogue judiciaire. La plupart des accusés, selon le délibéré, ont écopé chacun au moins d’une peine d’emprisonnement, allant de trois à vingt ans ferme.

Cependant, ce qui retient le plus l’attention, au terme de ces longues journées de joutes oratoires et qui auront duré six mois, c’est la sentence prononcée par le Tribunal militaire contre les principaux accusés du dossier. Il s’agit de l’ancien président Blaise Compaoré, du général Gilbert Diendéré et de Hyacinthe Kafando. Reconnus coupables d’attentat à la sûreté de l’Etat, de complicité et d’assassinat du leader de la Révolution burkinabè, ils ont, tous les trois, été condamnés à vie, à la grande satisfaction des parties civiles. Et, il n’est donc pas étonnant que ce verdict soit perçu comme un soulagement pour des acteurs dont il faut reconnaitre la patience et la témérité qui a conduit à l’aboutissement de ce dossier pour le moins emblématique.

Cela, au regard de la personnalité de Thomas Sankara, de l’idéal qu’il incarnait aux yeux de plusieurs générations d’Africains mais aussi des enjeux et perspectives dont il était porteur pour son pays et le reste du continent. Faut-il encore le rappeler, cela fait 35 ans que les proches des victimes et les Burkinabè et même au-delà des frontières, attendent cette décision de justice. Toutefois, si bien d’observateurs auraient souhaité la présence de certains accusés pour connaitre davantage la vérité sur la question, l’on peut tout de même se réjouir que ce procès se soit tenu, en dépit des difficultés que le Burkina traverse actuellement. Tout compte fait, avec la fin de ce jugement, il est loisible de dire qu’une nouvelle page de l’histoire s’écrit d’autant plus que les circonstances de l’assassinat de Sankara sont connues. Car, ce qui importait, c’était de savoir « rien que la vérité » sur les péripéties réelles des évènements du 15 octobre 1987 et surtout les vrais commanditaires de ce crime crapuleux. Par-delà tout, c’est un procès historique qui vient de se tenir, à l’actif du peuple burkinabè tout entier, permettant ainsi à la justice burkinabè de redorer son blason tout en renforçant sa confiance vis-à-vis des justiciables. Autant dire que ce procès devrait bien plus inspirer nombre d’Etats en Afrique. Inspirer dans quel sens ? Serait-on tenté de se demander ?

Toute proportion gardée, le jugement du dossier Sankara démontre à suffisance que les Africains sont capables d’organiser un procès de cette envergure sans même éprouver le besoin de recourir à une quelconque juridiction internationale comme la Cour pénale internationale. Nul ne saurait être puissant pour être au-dessus de la loi tout le temps, c’est aussi l’enseignement que l’on peut tirer de ce procès. Il prouve, dans cette même dynamique, que la lutte, la ténacité et la persévérance finissent par payer, quelles que soient les embûches dressées par les maitres du moment. Et, dans un contexte où le Burkina Faso demeure résolument engagé sur le chemin de la réconciliation, la fin de ce procès contribuera à tourner les pages sombres de notre histoire et privilégier les sentiers de la cohésion sociale. Au demeurant, il appartient aux autorités de pouvoir s’en saisir afin d’apaiser un tant soit peu les cœurs et de travailler à réunir le peuple burkinabè autour de l’essentiel, c’est-à-dire vers un idéal commun, pour des lendemains meilleurs.

Soumaïla BONKOUNGOU

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