Ma main, voici ma main … !

Une nation, c’est comme le corps de l’homme. Elle fonctionne par organes interposés, interconnectés et interdépendants, dans une alchimie de liens intimes. Tout comme la famille, la nation doit sa survie à la concorde des fils et filles du cocon. La moindre négativité irradie l’espoir des lendemains meilleurs, car il n’y a point de lendemain avec une seule main. Dans nos divergences quotidiennes, nous oublions souvent l’intérêt de la nation. On se contente de se caresser le nombril en pensant à son ventre.

On ne fait plus rien pour rien et tout ce que l’on dit n’a de valeur que pour soi. A force de regarder l’autre dans le prisme de l’idéologie ou de la politique, tout le monde à tort et chacun à raison. On se bouche les oreilles pour mieux s’entendre. On ferme les yeux pour voir au-delà ou en deçà de la réalité. On se ment vertement pour mieux parvenir à la vérité. On plaide non coupable comme dans une fable pour mettre le vrai à l’épreuve l’ivraie. Qui avait dit qu’il était prêt à mourir pour la nation ?

Qui avait juré de conjurer le mal de la nation sans bastion ? Pendant que les uns construisent à mains nues, les autres détruisent sans porter des gants. La droiture que l’on clame pour les autres est une faucille que l’on aiguise en soi. Le discours politique n’a plus de sens, parce qu’il ne donne plus un sens à la pensée. Il est même utilisé comme une panacée pour endormir ceux qui en ont assez. Le pouvoir, rien que le pouvoir est devenu le slogan d’un idéal, une faim sans fin.

La nation peut sombrer sous le regard des pompiers dépourvus d’extincteur ; on portera son scaphandre pour regarder le reste du monde qui s’effondre. La case du voisin peut brûler, on y jettera des bonbonnes d’eau remplies d’huile pour l’éteindre. Drôles de paradoxes ! La nation, c’est aussi le champ de tous et de personne. Chacun cultive son lopin en souhaitant que la pluie ne tombe chez le voisin. La bouche pleine et les mains dans le plat, il empêchera le gueux qui lorgne de picorer les miettes qui tombent.

Désormais, c’est chacun pour soi ; personne ne prendra la croix du supplicié du calvaire ; ils feront à l’unisson des signes de croix cent fois mais sans foi sur le sort du condamné à tort. La vraie bénédiction ne vient plus d’en haut ; elle se trouve dans les comptes en banque et dans l’obsession de la possession. L’essentiel c’est mon fils, ma fille et ma femme ; le plus important, c’est ma mère, mon père, mon frère et ma sœur. Peut-on vraiment être quelqu’un sans personne ? Qui peut soulever seul le toit de chaume de sa case sans compter sur l’inconnue qui passe ?

Entre les cinq doigts de la main, il y a un réflexe de solidarité, sinon l’index seul ne peut avoir du doigté. Le majeur, même le plus grand ne peut esquisser un vrai «V» de la victoire si le pouce ne se joint pas aux deux autres. Le court et gros pouce ne peut rien prendre sans un autre coup de pouce. L’annulaire ne peut seul se vanter de porter l’anneau en or s’il n’est pas en parfaite alliance avec les autres. Et l’auriculaire, le plus petit ne sert à rien s’il se vante d’être le benjamin choyé de la fratrie.

Voilà pourquoi la paume au centre, accepte de s’ouvrir et de se refermer selon l’unanime volonté des cinq phalanges. C’est ensemble que l’on bâtira cette nation ; c’est ensemble que nous la détruirons. Chacun doit accepter de penser honnêtement, d’agir selon le bien de la communauté, loin du fébrile nombril. Parce qu’autant on a besoin d’un plus petit que soi, autant la grandeur ne se trouve pas dans la force mais dans le bon usage de la force. Soyons les doigts d’une main pour bâtir demain, loin de nos égos perso, de nos animosités personnelles, de nos ignorances coupables et de nos incroyances pècheresses.

Entre les cinq doigts de la main, il n’y a pas de jalousie ; il n’y a point de convoitise ; même le doigt accidenté amputé, participe toujours au mouvement qui requiert son geste. Entre les cinq doigts, il n’y a pas un seul qui ne sert à rien dans la dynamique de l’action. C’est pourquoi le colibri ira à la mer pour remplir son gosier d’eau et revenir la verser dans l’incendie de la forêt. Mais à quoi sert la goutte d’eau du gosier d’un colibri sur les flammes d’un feu de brousse ? Le geste du colibri est-il une peine perdue, une aberration ou une contribution ?

Clément ZONGO

clmenzongo@yahoo.fr

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