Un proverbe moaga dit que quand le tô sera bon, cela se pressent déjà à travers la qualité de la farine. Deux semaines après l’accession au pouvoir du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), dirigé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, des éclaircis se mettent en place. Le nouveau pouvoir sait en réalité où il mène les Burkinabè. Les premières mesures à la fois souples mais fermes visent à faire comprendre aux Burkinabè qu’il faudra accepter le sacrifice pour la patrie. A dose lente mais sûre, la visibilité se dégage pour indiquer la trajectoire du Burkina de demain. La série de rencontres sectorielles devra certainement contribuer à baliser les missions possibles de la Transition. Celle qui parait la plus indiquée sera de faire en sorte que plus jamais les Forces de défense et de sécurité (FDS) ne se sentent obligées d’intervenir dans les affaires de l’Etat. En somme, prendre le mal par sa racine et extraire toutes les incohérences qui fragilisent la portée d’une gouvernance vertueuse.
Pour ce faire, les nouvelles autorités doivent faire leur cette ambition affichée en 1986 par Jerry John Rawlings, père de la démocratie d’un Ghana exsangue sorti de plusieurs coups d’Etat. « Ce que nous voulons faire du Ghana, c’est de mettre en place des institutions et des pratiques tellement fortes que même si le diable lui-même venait à diriger le pays, qu’il ne puisse pas faire ce qu’il veut, mais soit obligé de respecter les lois en place ». La refondation promise par le MPSR appelle l’instauration d’un socle véritablement démocratique, différent du fétichisme de l’organisation rapide d’élections qui ont jusque-là créé les conditions de l’irruption des militaires dans le jeu politique. Cela implique qu’il faudra s’attaquer avec toute la rigueur au mal endémique que sont la corruption, les détournements de deniers pour lesquels des mesures sont abondamment proclamées mais insuffisamment mises en œuvre. Les Burkinabè attendent que la justice soit dotée de moyens conséquents pour sortir des tiroirs tous les dossiers sombres de la république. Il y a bien tous ces miasmes qui donnent la nausée et auxquels il va falloir ne pas laisser de répit. Mais échaudés par la crise sécuritaire, nul doute que les Burkinabè auront à la fois l’ouïe et les yeux rivés sur cette question. Il faut enrayer le mal, pour permettre à des Burkinabè de ne pas être étrangers dans leur propre pays. Les personnes déplacées internes qui frisent les deux millions doivent pouvoir regagner leurs domiciles.
Il y a la lutte contre le terrorisme, mais aussi la réconciliation nationale. Une blessure qui tarde à se cicatriser, mais invoquée comme un passage cathartique obligatoire pour apaiser les cœurs et mettre à l’unisson les Burkinabè. Le peuple silencieux, mais qui sait donner de la voix lorsqu’il se sent écarté, a toujours souhaité un redimensionnement des organes de lutte contre la corruption jugés budgétivores, et verra d’un œil satisfait que le MPSR s’y penche. Assurément l’après-16 février qui consacre l’investiture du Président du Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba et lui donne cette légitimité, verra le pays prendre une autre allure. Il faudra engager une course contre la montre. Les organes de la Transition comprendront un parlement, un exécutif et une administration, auxquels il faudra trouver un organe de suivi des décisions. Notre transition devra éviter d’être très longue, mais aussi d’être brève comme celle de 2015. Les douze mois qui lui étaient impartis n’ont suffi qu’à relire précipitamment des textes pourtant fondamentaux dont certains étaient en plein détricotage avant l’avènement du MPSR. Maintenant que le compteur sera mis à zéro, il importe à chaque acteur de dépasser les clauses ultra partisanes pour voir l’intérêt d’un pays qui regorge de toutes les matières pour vraiment se développer. Des matières premières, mais un capital humain qui aura connu toutes les expériences. De la démocratie plurielle aux pouvoirs kaki. Le Burkina a la chance de s’illustrer comme un pays qui pourra résolument se mettre sur la voie de la stabilité, de la bonne gouvernance.
Encore une fois, cela ne dépendra ni des FDS ni des intellectuels diplômés de nos grandes universités, seulement. Mais de tout le peuple dans sa diversité et sa différence. Saurons-nous répondre à haute et intelligible voix ? Et si nous n’avions pas d’autres choix, que de faire bloc ensemble ? On a bien envie de dire que le travail de déblayage a déjà été fait en pensant à la Transition de 2015. Mais aussi en se rappelant que les éléphants blancs, ces usines montées ailleurs et implantées dans nos pays, n’ont pas permis à l’Afrique des années 1980 de décoller. Une évidence lorsqu’on se rappelle que notre Transition de 2015, viciée par les calculs divers, n’a pas contribué vraiment à solutionner notre crise. La preuve, la voilà. L’appel à contribution pour une Transition réussie ouvert à tous permettra au moins d’éviter les camisoles de force de la communauté internationale et des officines partisanes. Cette fois il y a lieu d’essayer ‘’ du sur mesure’’ d’une Transition à la cotonnade fait maison.
Mahamadi TIEGNA
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