Procès Thomas Sankara : L’audition des témoins, ce lundi 15 novembre

Selon Me Paul Kéré, membre du conseil du général, son client a été mis devant le fait accompli.

L’interrogatoire du général de brigade Gilbert Diendéré dans le jugement du procès Thomas Sankara est provisoirement clos, ce jeudi 11 novembre 2021. Malgré les multiples questionnements et observations du parquet militaire, l’accusés, est resté serein et imperturbable, et clame toujours son innocence et affirme même être prêt pour le front.

L’interrogatoire du général Gilbert Diendéré, qui est resté droit dans ses bottes, a pris fin au terme de l’audience de ce jeudi 11 novembre 2021, en attendant les phases de confrontation. En effet, à l’ouverture du procès en cette matinée du jeudi, le parquet militaire a ‘‘ cuisiné ” le prévenu, et tenté de démontrer que l’accusé a été un des pions ou complices de l’assassinat du capitaine Thomas Sankara.

Le parquet a d’abord voulu éclairer sa lanterne sur les mécanismes qui ont conduit à la fin subite de certaines unités militaires dont les chefs étaient bien acquis au président Sankara au soir du 15 octobre 1987. Il s’agit de l’ETIR basé à Kamboinsé, du BIA de Koudougou et de la FIMATS installée à Saaba. Ainsi, la procureure militaire, Pascaline Zoungrana, a affirmé que le général Gilbert Diendéré, chef de corps adjoint du CNEC et responsable de la sécurité du Conseil de l’entente, avait la pleine responsabilité de ses hommes qui ont exécuté le chef de l’Etat, Thomas Sankara et ses 12 compagnons.

Car, selon elle, Blaise Compaoré qui était le chef de corps était occupé dans ses fonctions de ministre de la Justice, mieux, prenant le Gal Diendéré au mot, elle a fait savoir que Blaise Compaoré était indisposé puisque ‘‘ malade ”, au moment des faits. Ainsi, toutes les responsabilités incombaient au chef de corps adjoint, a signifié la procureure. La preuve est que le général Gilbert Diendéré a convoqué la réunion de 9 heures, le 15 octobre 1987 sans informer Blaise Compaoré, a-t-elle souligné.

Et il a aussi fait, a-t-elle poursuivi, venir un renfort de Pô de son propre chef. Dans l’optique de mieux appréhender l’implication du général dans cet assassinat et pour situer les responsabilités, le président du Tribunal a demandé à savoir quelles sont les limites imposées à un chef de corps adjoint par rapport au chef de corps? Pour la procureure militaire, les deux ont les mêmes attributions, car le chef de corps adjoint a la possibilité de prendre des décisions et rendre compte au chef supérieur comme cela s’est passé.

A cette réponse, le général lance un sourire avant d’expliquer: « Je demande à madame la procureure de retourner à ses documents parce que qu’elle ne maîtrise pas la chose militaire. Il n’y a pas deux chefs dans un bateau. Le chef de corps adjoint ne peut que suppléer son chef en cas d’absence ou d’indisponibilité. J’ai exercé les fonctions de chef de corps adjoint, et je sais de quoi je parle ». Contestant toujours le Gal, le parquet a poursuivi dans ses observations en évoquant des attitudes incompréhensives par rapport au système de sécurisation au sein du Conseil de l’entente.

Le parquet a, en effet, trouvé curieux l’attitude du piquet d’intervention « resté inactif face à la fusillade du 15 octobre 1987 ». Mais le général a insisté sur le contexte de l’époque où il n’était « pas facile de contrôler toutes les actions des hommes ».

« Je suis prêt pour aller au front »

A leur tour, les avocats de la défense ont demandé un recadrage des débats. « Je voulais

Gilbert Diendéré : « en portant la tenue léopard, je veux donner le signal que je
suis prêt pour aller au front si cela est nécessaire ».

que Mme Sankara qui est dans la salle comprenne que parmi les avocats de la défense, il y a des sankaristes. Il faut que nous menions le débat autour de la responsabilité personnelle du général Diendéré. Je ne comprends pas comment le piquet peut-il refuser l’accès du Conseil à Hyacinthe qui était un Dieu au sein du Conseil de l’entente.

Ce qu’il faut retenir dans ce dossier, c’est que des éléments incontrôlés et isolés sont venus commettre l’irréparable. On ne doit pas se fourvoyer ou se débiner. Et la responsabilité personnelle est condamnable, selon le code pénal. Il faut que nous n’ignorions pas les principes fondamentaux et les éléments historiques afin d’aller au bout de ce procès historique », s’est exprimé Me Paul Kéré, avocat de la défense.

Moins ‘‘ destabilisateurs ” que leurs prédécesseurs, les avocats de l’accusé ont, tour à tour, posé quelques questions à leur client tout en insistant que le général, jeune lieutenant de 27 ans à l’époque, a été mis devant le fait accompli. Réagissant à la tenue léopard qu’il enfile chaque fois depuis l’ouverture du procès, le général de brigade Gilbert Diendéré a indiqué qu’il fait encore partie des effectifs de l’armée burkinabè, car n’étant pas radié et ne purgeant aucune peine.

« Je suis simplement en détention provisoire », a-t-il dit. Cette tenue qu’on attribuait au RSP, a-t-il dit, aurait été conçue par le capitaine Thomas Sankara et améliorée par Blaise Compaoré. Et de poursuivre en indiquant qu’en portant cette tenue, il se fait le descendant de ces deux chefs respectés. « Si aujourd’hui on voit cette tenue comme un uniforme de combat, alors je démontre par cette tenue, que je suis prêt pour aller au front », a-t-il laissé entendre.

Pour Me Mamadou Sombié, avocat de l’accusé Nabonswendé Ouédraogo, le procès est beaucoup plus profond qu’on ne l’imagine. Selon lui, les années 1980 ont été particulièrement sanglantes au pays des Hommes intègres. Il a évoqué les disparitions « criminelles » de plusieurs Voltaïques sous le Conseil national de la Révolution (colonel Yorian Gabriel Somé, Fidèle Guébré, Cdt Hamadou Sawadogo, l’étudiant Christophe Béouindé…). « L’ADN du CNR est imbibée de sang. Sous Thomas Sankara, il y a eu des exécutions qui n’ont jamais été jugées.

C’est donc dire que Thomas Sankara n’était pas un saint. Il avait aussi ce côté démoniaque en lui comme tout être humain », a-t-il critiqué sous le bourdonnement du public de la salle d’audience. Le procès a été suspendu autour de 13 heures et demie pour reprendre le lundi 15 novembre 2021 avec l’audition des témoins et de deux autres accusés.

Wanlé Gérard COULIBALY

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