Régions du Centre-Ouest et des Hauts-Bassins : grande offensive de l’Agence burkinabè de l’électrification rurale

Le gouvernement burkinabè entend porter de 3%, en 2019, à 19%, d’ici à la fin de 2020, le taux d’accès à l’électricité en milieu rural. Dans cette logique, l’Agence burkinabè de l’électrification rurale (ABER), appuyée par l’Etat burkinabè et les partenaires techniques et financiers, a permis, courant mai-juin 2019, à des milliers de ruraux dans les régions du Centre-Ouest et des Hauts-Bassins, d’avoir accès désormais à l’électricité.

A la faveur de l’électricité à Makognèdougou, tout comme dans les autres localités électrifiées, fini, le calvaire des populations pour charger leurs portables.

Plusieurs ménages dans les régions du Centre-Ouest (Nariou, Tyélé, Kouloudié, Naton, Villy, Lilbouré, Gounghin, Ouézindougou, Balélédo, Koualio, Tio, Tiogo, Kilsio, Kamedji) et des Hauts-Bassins (Sébédougou, Pé, Bonsé, Pohin, Lopohin, Dougoumato 1 et 2, Djguié, Kongolikan, Obaga, Poya, Déguélé, Makognèdougou) ne vivent plus dans le noir. En effet, « enchaînés », trois ans pour certains et plus, pour d’autres, dans l’obscurité, depuis 2016, ils découvrent, enfin, la lumière courant mai-juin 2019 grâce à l’Agence burkinabè de l’électrification rurale (ABER). Fait partie des bénéficiaires, Martine Nikiéma, mariée et mère de trois enfants, la quarantaine révolue. Elle observe, dès cet instant, la présence du réseau électrique dans son village, Ouézindougou, dans la région du Centre-Ouest. Par ailleurs, opérationnel dans la région des Hauts-Bassins, ce réseau, constitué de hauts pylônes, supportant des lignes électriques, couplées à des compteurs de trois ampères (A), cinq A et triphasés, trône majestueusement dans les confins de la vingtaine de villages. Ceux-ci viennent s’ajouter à 245 autres localités rurales mises sous-tension à la date du 31 décembre 2018 par l’ex-Fonds de développement de l’électricité (FDE), actuel ABER. Visage souriant, Martine Nikiéma n’attendait que le « jus » pour éclairer son domicile et se projeter, dit-elle, dans une activité économique. Elle se targue, ainsi, d’avoir « enfin vécu un rêve longtemps rêvé », celui d’avoir reçu de l’électricité, sous la facilitation de l’Agence. Comme elle, également, de milliers de ruraux de ces localités scrutent, alors, chaque jour, depuis 2016, les installations électriques pour, enfin, dans la première moitié de 2019, être satisfaits de leur accès à l’électricité.

La lumière, la visibilité et l’eau fraîche

C’est le cas des habitants de Nariou, localité située à 79 kilomètres (Km), à l’Ouest de Ouagadougou : Issiaka Koalla, exploitant d’un kiosque, Issiaka Zongo, commerçant et Rabi Moïse Koalla, cultivateur qui applaudissent l’arrivée de la lumière. « Nous avons trop attendu le courant et la venue de l’électricité va procurer au village de la lumière, la visibilité et l’eau fraîche », explique l’agriculteur, Rabi Moïse Koalla, l’air joyeux. A Nariou, Ouézindougou et dans bien d’autres localités des régions du Centre-Ouest et des Hauts-Bassins, les esprits se sont, à un moment donné, surchauffés dans la « grande patience ».

Des responsables de COOPEL parlent même d’esprits désespérés, car, disent-ils, à force d’attendre, des habitants ont fini par se désolidariser des activités menées par les coopératives d’électricité. « Après trois ans de promesse, les gens se sont résolus à reprendre leurs sous qu’ils avaient cotisés à la COOPEL où sont entassés des compteurs en attente d’être fixés », déplore le président de la COOPEL de Ouézindougou, Yamba Ablassé Zongo. Avant la mise sous- tension, plusieurs activités fonctionnaient à base de l’électricité fournie par des instruments solaires à faible capacité et des plateformes multifonctionnelles couplées à des moteurs à gas-oil faisant tourner des compteurs, confient les autochtones de Tyélé dans le Sanguié (Centre-Ouest). C’est l’exemple, à Nariou, du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) qui vivait, depuis deux ans, dans des conditions énergétiques précaires en utilisant l’énergie solaire à moindre capacité.

Reconnaissance à l’ABER

Cette situation décrite comme alarmante n’a cependant, pas ôté tout espoir chez l’Infirmier-major du CSPS, Yivamoumawé Konaté. Nonobstant le chemin plein d’embûches pour accéder à l’électricité, les populations des localités bénéficiaires, en majorité, ont balayé toute idée de tomber dans le désespoir et l’amertume. Leur joie intervient lors des mises en service officielles des installations électriques de leurs zones respectives, le 10 mai 2019, à Nariou, le 12 mai 2019, à Makognèdougou et le 29 juin 2019, à Balélédo, par le ministre de l’Energie, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo qui soutenait, lors de ces cérémonies, que l’énergie est à la base de tout développement. A ce propos, Martine Nikiéma et les siens brandissent l’étendard de l’ABER, « petit frère » de la SONABEL, ayant financé la mise en fonction des installations électriques grâce aux ressources de la Taxe de développement de l’électricité (TDE) estimées à plus de 380 millions F CFA. La soixantaine révolue, polygame et père de 18 enfants, le chef du village de Makognèdougou, Dofinidougou Badoun, se montre, aussi, reconnaissant à l’ABER. Dans l’après-midi du mercredi 27 novembre 2019, aux environs de 16h 30 mn, nous le rejoignions à son domicile royal, assis sur une longue chaise en bois, très joyeux.

Bénéficiaire de l’électricité en fin juin 2019, il confie, avec une hospitalité légendaire propre aux villages burkinabè, que le « jus » aide ses enfants scolarisés à étudier la nuit en remplacement des lampes-torches, grandes consommatrices de piles. Pour lui, c’est une victoire de la lumière sur l’obscurité qui s’étendait à perte de vue sur Makognèdougou et ses environs, favorisant ainsi des malfrats et d’autres bandits rodant autour des poulaillers, la nuit tombée. « Tous les membres de ma famille utilisent mon compteur, pour le moment. J’en suis fier et je prévois respecter l’une de mes promesses selon laquelle, j’abattrai un taureau quand j’aurai l’électricité », précise-t-il, tout sourire. Selon le patriarche de Makognèdougou, la facture d’électricité n’est pas une pilule amère à avaler. Il déclare que le maximum des frais à payer est de 2 000 F CFA par mois.

Dans le cas contraire, détaille-t-il, la plupart du temps, lui et sa famille payent moins de cette somme, faisant ainsi leur fierté d’avoir adhéré à l’initiative de l’ABER par le biais des COOPEL. Pour le trésorier de la COOPEL de Makognèdougou, Paul Sankara, l’accès à l’électricité est une aubaine aux yeux des populations de sa localité, car, justifie-t-il, fini leur calvaire dans les activités qui nécessite le courant électrique. « Maintenant, nous pouvons charger nos portables en un temps record, faire fonctionner nos appareils électroménagers (frigo, congélateurs, radios, etc.) et suivre nos télévisions sur la place publique, dans des mini centres dénommés Canal+ ou à domicile », ajoute-t-il.

Des factures plus ou moins abordables

L’électricité a, également, « sauvé » un autre citoyen de Makognèdougou, Salam Sanogo, 64 ans, polygame et père de 13 enfants, qui utilisait un groupe électrogène à fuel, énergivore, consommant plus d’un litre de carburant par jour qui coûte plus de 700 F CFA. Depuis la mise en service du réseau électrique, il dit dépenser entre 5 000 F CFA et 6 000 F CFA par mois pour uniquement, la consommation électroménagère. « Je suis vraiment fier de la venue de l’électricité qui coûte moins cher par rapport au carburant que j’utilisais. Mais, le seul bémol est que j’ai du mal à comprendre la redevance comme plusieurs autres personnes du village », laisse-t-il entendre. Amélie Zongo/ Néya, 37 ans et mère de neuf enfants, elle, est habitante de Ouézindougou, dans le Centre-Ouest.

Elle accueille, comme ses prédécesseurs, avec enthousiasme l’électricité dans son village. Le jeudi 28 novembre 2019, nous la retrouvons dans sa cour illuminée par quatre ampoules, en présence de ses enfants et en l’absence de son mari. Avec l’énergie électrique, elle arrive à produire du « Bissap » et du jus de gingembre frais qu’elle revend afin de subvenir aux besoins de sa famille. Bien qu’elle paye près de 15 000 F CFA par mois, car utilisant des appareils qui consomment le courant électrique, elle affirme s’en tirer à bon compte. Son fils, Florentin Zongo, 14 ans, élève en classe de 4e, brandit, lui, ses bonnes notes grâce à l’électricité qui lui permet de « bosser » pendant longtemps, la nuit, à l’opposé des lampes-torches qui le « lâchaient » très souvent, faute de piles. « En 2018, ma plus forte moyenne était de 12/20 par rapport à 14/20 que j’ai enregistrée en cette année 2019 », clarifie-t-il. Dans la bourgade de Tiogo (commune de Ténado) dans le Centre-Ouest, des familles, « exténuées » et longtemps plongées dans le découragement par manque d’électricité, ont maintenant, elles aussi, le sourire aux lèvres à l’image de leurs homologues des autres confins éclairés. Le président de la COOPEL de Tiogo, Adama Bako, soutient que son village reçoit de la lumière avec sa mise sous-tension.

« Nous avons maintenant des couveuses qui fonctionnent sur la base de l’énergie électrique pour permettre l’éclosion facile et rapide des œufs, au bout de 14 jours », ajoute-t-il. Il plaide pour que les quartiers du village, privés jusque-là de courant électrique, puissent en bénéficier. Selon lui, près de 200 bénéficiaires dans sa localité s’acquittent, sans difficulté, les frais de la facture. Une raison de plus, à l’entendre, pour que la SONABEL ait confiance aux habitants en matière d’acquittement de la facture, l’une de ses véritables préoccupations. Mais, pour Alassane Tiénoré, ressortissant de Tiogo et commerçant, ses premières factures ont été très salées. Pour deux mois de factures jumelées, il dit avoir payé 40 000 F CFA, une somme due, selon lui, à l’usage de son frigo-congélateur qu’il reconnaît « énergivore » en plus de trois lampes faisant partie de ses appareils électriques branchés à un compteur de 3 A dans sa boutique.

« Toutefois, la venue de l’électricité est une véritable chance à saisir par les populations de Tiogo pour subvenir à leurs besoins et développer le village », déclare-t-il. Aux dires de Alassane Tiénoré et les autres « élus » dans les régions du Centre-Ouest et des Hauts-Bassins, l’ABER et ses partenaires ont offert un « cheval » sur lequel il suffirait de monter et mener la bataille jusqu’à la victoire, celle du développement socioéconomique. Ce, conformément au programme présidentiel d’électrification rurale.

Boukary BONKOUNGOU
bbonkoungou@gmail.com

 

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