
Kidumu. C’est la dénomination sous laquelle il est connu dans l’univers du football burkinabè. Passionné de la formation à la base, il a façonné des joueurs et non des moindres, pour les différentes catégories des Etalons et de nombreux clubs d’ici et d’ailleurs. Moumouni Dagano, Mahamoudou Kéré, Alassane Ouédraogo, Bassirou Ouédraogo ou encore Patrice Zoungrana sont de ceux-ci. Après plusieurs décennies de labeur, l’homme est plus que jamais déterminé à poursuivre son œuvre.
En cet après-midi du mois d’avril, le soleil ne semble pas relâcher son emprise sur la capitale burkinabè. Malgré la forte chaleur, un homme, adossé à un mur du bâtiment du CEG de Kouritenga scrute les allées et venues dans la cour de l’école. Il se nomme Abdoul Kader Compaoré dit Kidumu. Avec sa silhouette svelte et ses 1,85 m de taille, c’est un nom bien connu du football national. Il est en avance pour la séance d’entrainement du jour car le terrain de l’établissement lui sert de cadre pour l’expression de sa passion : la formation des jeunes aux fondamentaux du football.
Cela fait maintenant plus de trente ans qu’il s’y adonne et l’homme âgé aujourd’hui de 56 ans le fait toujours avec le même engagement. Un engagement né chez le jeune Abdoul Kader à la fin des années 1980 alors qu’il avait à peine la majorité. Celui que tout le monde surnomme Kidumu du nom du capitaine des Léopards du Zaïre, Kidumu Mantantu, réputé dans les années 1960 et 1970 pour son rôle de milieu de terrain, dans lequel il excellait par sa vision du jeu et sa capacité à organiser les attaques de son équipe, n’a pas eu la chance d’avoir un parcours similaire à celui par qui on l’identifiait.

Très tôt, il comprend que malgré ses qualités, il lui sera difficile de passer des terrains de quartier à un vrai club surtout, si celui de ses rêves à l’époque se nomme Jeanne D’Arc devenu plus tard ASFA Yennenga. « Les opportunités étaient rares car c’était pratiquement les mêmes recruteurs qui sillonnaient les différents quartiers et ils n’arrivaient pas à donner la chance à tous les jeunes qui avaient du potentiel », se remémore-t-il. Kidumu quitte les terrains pour se lancer dans le commerce.
Il ne renonce pas pour autant à sa passion pour le football. Il a même en tête une idée pour la vivre autrement. Parmi ses articles de commerce figurent des ballons de football dont il décide d’utiliser une partie ainsi que des revenus de ce nouvel emploi pour permettre aux plus jeunes que lui d’accomplir ce qu’il n’a pas pu. « Si aujourd’hui il est dans une situation financière difficile je peux dire que c’est en partie à cause de nous car, il n’hésitait pas à investir le peu d’argent qu’il gagnait dans son petit commerce pour résoudre nos problèmes d’équipement en chaussures ou autres besoins de base », reconnait Moussa Convolbo un de ses ex-pensionnaires.
C’est ainsi que Kidumu le joueur devient Kidumu le formateur à moins de 20 ans. Avec ses « jeunes frères » qu’il entraine, il prend part régulièrement à des compétitions plus ou moins formelles dont la plus emblématique, se souvient-il, reste le tournoi de petites catégories organisé pour la commémoration de chaque 14 juillet marquant la fête nationale française. A cette occasion, des coopérants initiaient des séances de formation au profit des entraineurs ou formateurs engagés. Kidumu en profite à fond pour renforcer ses aptitudes acquises auprès de ses devanciers du quartier.
Parmi ces derniers, Tiékoura Ouandaogo, responsable-fondateur de SANTOS FC dans le quartier Zangoétin une référence dans la formation à l’époque. A ses côtés, Abdoul Kader Compaoré va améliorer son art pendant sept ans grâce aussi au concours de techniciens hollandais de l’équipe d’Ajax avec laquelle le club burkinabè avait un partenariat. Parallèlement, il va aménager un terrain pour continuer son travail de formation des jeunes qu’il regroupe sous l’appellation « Juventus de Zangoétin ».
Nous sommes au début des années 1990 et l’effectif compte en son sein, dans la catégorie des minimes des noms comme Moumouni Dagano devenu plus tard capitaine et meilleur buteur de l’histoire des Etalons, Mahamoudou Kéré, un autre capitaine emblématique des Etalons ainsi que Alassane Ouédraogo, un autre ex-international burkinabè. « En 1993, huit de ces jeunes joueurs participaient à la montée en D1 de SANTOS FC », précise-t-il.
Un amour infaillible

Titulaire de la License B CAF depuis 1999, Kidumu, a apporté son expertise à plus d’un club au Faso. Notamment à l’ASFA-Y entre 1998-2015 où il a terminé comme coordonnateur général des petites catégories. A SALITAS FC, il a été conseiller sportif lorsque le club était en 3e division à la fin des années 2000, indique-t-il. Un riche parcours marqué par le même amour de ce qu’il fait, mais aussi des qualités qui le singularisent. Son collaborateur actuel, Abdoul Rachid Compaoré, entraineur adjoint à ses côtés depuis maintenant quelques années, retient de lui un homme porté sur le travail bien fait.
L’une des particularités de Kidumu réside dans le travail foncier. « Pour un jeune Africain, s’il veut être fort il lui faut beaucoup courir. Autrement dit, il faut travailler deux fois plus que ses homologues européens. C’est vrai qu’avec les générations actuelles et les nouvelles manières de travailler, il y a beaucoup d’exercices avec le ballon mais si un enfant est apte sur le plan physique il s’en sort facilement partout devant tout exercice demandé », explique le technicien. C’est ce dont a bénéficié, comme tous ses ainés, l’international Patrice Zoungrana, vainqueur de la CAN cadets avec l’équipe nationale en 2011.
« C’est à lui que je dois ma sélection en équipe nationale car c’est lui qui m’a amené au test lors duquel j’ai été sélectionné alors qu’il nous tenait à l’ASFA-Y. Nous sommes toujours en contact et je n’hésite pas à passer le voir mais ça fait mal de voir qu’il n’a pas eu plus de soutiens », témoigne le milieu de terrain qui évolue actuellement en Croatie. Le fait de n’avoir pas eu de moyens à la hauteur de ses ambitions, est d’ailleurs le seul regret du sexagénaire.
Mais loin de croiser les bras devant son loisir qui est le cinéma, Kidumu a abandonné toutes ses autres activités il y a trois ans pour se consacrer à son premier amour. Il a créé avec quelques collaborateurs un centre de formation dénommé Académie Football Club du Kadiogo (AFCK) avec plusieurs dizaines de pensionnaires minimes, cadets et juniors déjà bien aguerris aux méthodes de travail « Kidumu ». « Les enfants sont habitués à son rythme si bien que nous rivalisons déjà avec des équipes qui ont une plus grande ancienneté », se réjouit le coach adjoint Abdoul Rachid Compaoré. Cette année, l’objectif c’est de réunir les conditions pour une affiliation du centre à la FBF comme club de D3 en dépit de la modestie des moyens.
« Actuellement nous sommes soutenus par le Fonds national pour la promotion des sports et loisirs sous la houlette du commandant Karim Souabo. C’est un monsieur qui nous soutient beaucoup depuis notre création à travers des ballons, des maillots, confection des poteaux, un soutien financier pour l’eau des enfants », confie Kidumu qui espère voir sortir bientôt de ce centre d’autres internationaux qui rajouteront à sa fierté.
Voro KORAHIRE
