A l’instar de plusieurs autres pays, le football burkinabè est en plein essor et sa section féminine n’est pas en reste. Cela a pour conséquence la féminisation de certains métiers jadis l’apanage des hommes. Parmi ceux-ci, le poste d’entraineur qui intéresse de plus en plus de femmes au Faso. Elles sont décidées à se faire une place au soleil même si pour l’heure, la marche est difficile.

Contrainte à une pause maternité, c’est au téléphone que depuis plusieurs semaines maintenant Mariam Ouédraogo, l’une des rares coaches principales d’équipes de football au Burkina coordonne le travail technique depuis le domicile avec son adjoint. « Je lui envoie le programme de travail, soit il le fait et il me le soumet pour appréciation. Puis il conduit les séances et après nous faisons le débriefing pour voir les aspects à améliorer. Pour les matchs, comme je connais les différentes équipes je propose le système adapté et ce au téléphone. Pendant la rencontre, s’il y a des difficultés le coach m’appelle, je donne des orientations et ensemble nous essayons de corriger ce qui doit l’être », explique l’entraineuse. Il y a plus d’une année qu’elle occupe ce poste et son équipe, AS DJELGODJI est actuellement 4e du championnat national de première division. C’est après quatre ans passés aux côtés de son mentor Pascal Sawadogo, entraineur de ETINCELLES et sélectionneur des Etalons Dames, comme adjointe que l’ancienne joueuse du club a décidé de relever ce nouveau défi.

Au même moment, dans la division inférieure, une autre ancienne joueuse des Lionnes du Houet et de GAZELLES FC, cheffe de l’encadrement technique de FADA ACADEMIE ne ménage aucun effort pour voir son équipe accéder à la première division. 2e au classement à deux points du leader et à moins de cinq matchs du terme, Mariam Bamouni/Lengané connue sous le sobriquet de Madéni n’entend rien lâcher jusqu’au dernier coup de sifflet final. Derrière ces deux titulaires de la License C CAF qui officient au plus haut niveau de l’encadrement technique de leurs équipes, la situation d’ensemble des entraineuses au Burkina Faso en termes de chiffres est moins reluisante. Un coup d’œil sur les statistiques laisse voir un engouement grandissant ces dernières années mais le chemin reste long. En effet, il ressort, selon les données de la direction technique nationale de la Fédération burkinabè de football, qu’il y a très peu de dames dans le métier. Une seule dame est diplômée de la Licence A CAF, un certificat essentiel qui donne de l’éligibilité aux entraîneurs. Trois ont la Licence B CAF qui leur permet d’être entraineuse principale de club amateur, d’équipes de jeunes jusqu’à 16 ans ou d’être adjoint dans de clubs professionnels. Elles sont sept à détenir la Licence C CAF, le niveau minimum requis pour exercer en première division et huit sont titulaires de la Licence D. En tout donc pour ce qui est des diplômes CAF, elles sont au nombre de 19 titulaires contre 429 hommes titulaires des mêmes diplômes. Lorsqu’on ajoute les diplômes fédéraux, il ressort un cumul de 261 dames pour 690 hommes. Cette situation est due à plusieurs facteurs. Le directeur technique national de la FBF, Pascal Yougbaré, est convaincu que la situation des femmes dans l’encadrement rime avec le football féminin « car il est difficile pour les femmes d’entrainer les hommes mais plus le football féminin va se développer, plus on aura besoin d’entraineuses », explique-t-il.

De multiples obstacles

Mais à côté de ces contraintes pratiques, il y a la condition féminine des premières concernées et les pesanteurs y relatives qui constitue un obstacle majeur. « Tu dois être à la fois entraîneur, maman et grande sœur », souligne Somedèbda Aïcha Ouédraogo, coach adjointe de l’ASAF, actuel leader de la Ligue 2. C’est un travail qui est très prenant et la conciliation avec les charges et obligations de femme au foyer n’est pas facile à réussir, selon Mariam Ouédraogo.
« Nous avons connu beaucoup de femmes qui ont commencé la formation pour intégrer l’encadrement mais qui ont abandonné du fait de leurs obligations et des contraintes du métier. Tu entraines et tu donnes les cours gratuitement sans compter le carburant que tu dois débourser pour les déplacements. Mais il le faut car la matière même que sont les joueuses est rare », précise-t-elle tout en soutenant cependant qu’avec une bonne planification et le soutien des proches, ces obstacles sont surmontables. Florence Ouédraogo est la 3e adjointe à l’USFA, tenante du titre, depuis 2019. Elle joint à ces difficultés la réticence de certains parents à laisser leur fille pratiquer le football. Ce qui à son avis, peut démoraliser les entraineurs et les dissuader de poursuivre leur formation pour se hisser plus haut. Qu’à cela ne tienne, Mariam, Aicha, Madéni et Florence n’entendent pas baisser les bras dans la bataille quotidienne qu’elles livrent pour vivre pleinement leur passion. Surtout lorsqu’elles sont encouragées par leurs homologues hommes avec lesquels elles disent entretenir de bons rapports professionnels. Idrissa Congo est l’entraineur de l’AS POLICE. Il salue surtout la volonté et la motivation que ces femmes mettent dans le métier. « Pour moi, il leur manque un exemple de réussite qui les aiderait à se décomplexer et faire tomber certains préjugés pour leur permettre de jouer véritablement le premier rôle dans nos équipes féminines, pourquoi pas dans les équipes masculines », dit-il. Dans le même sens, Antoine Ilboudo, coach adjoint de l’AS DOUANES estime que la question du genre n’est plus de mise dans les différents métiers du football. Pour lui, les femmes ont même une longueur d’avance dans le coaching des équipes féminines car elles maîtrisent mieux la psychologie de la femme.
Du côté des instances dirigeantes, l’on s’active pour améliorer la situation. « Il nous faut développer un programme spécial en accord avec la FIFA pour augmenter le nombre et c’est ce que nous faisons. Nous avons bientôt un cours Licence D qui va regrouper une trentaine d’anciennes joueuses ou qui sont en passe de raccrocher. Et après nous les accompagnerons pour la Licence C. Au niveau de la FIFA, il y a des offres de bourses que nous avons obtenues et nous poursuivons pour en avoir plus pour leur permettre d’être formées à l’international », confie le DTN, Pacal Yougbaré.
Ceci dans l’optique de se conformer aux exigences de la FIFA qui, affirme-t-il, demande que les staffs des équipes féminines soient presqu’à 100% féminisées.

Voro KORAHIRE

 

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