Une lueur d’espoir ?

« J’ai présenté aujourd’ hui ma lettre de démission au Président du Faso, Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian Kaboré qui l’a acceptée. (…) Je reste convaincu que c’est dans une unité d’action que nous pouvons relever les défis auxquels notre pays et notre peuple sont confrontés. Vive le Burkina Faso. » C’est par ces mots que le Premier ministre Christophe Joseph Marie Dabiré a annoncé son retrait de la tête d’un Gouvernement dont les ministres assurent désormais l’expédition des affaires courantes.

C’est parti !

Ce départ était attendu. Ce ne fut donc pas une surprise, loin de là. Et pourtant ! « Il était temps. Vivement que ce soit un changement qui augure des lendemains meilleurs. », écrit un internaute pour qui donc cet acte n’est qu’une étape. La suivante, ce sera la composition du nouveau Gouvernement. Et puis, et puis… Chacun a son « mouton noir » qu’il souhaite voir partir, sauté, gommé, effacé. Si ce n’était pas le cas, ce changement n’en serait pas un ! Comme si tout le prochain gouvernement, quel qu’il soit, n’en serait pas un si X restait. Comme si la présence d’X ou Y, telle un virus, corromprait tout le reste, tout « l’entourage » (comme ils disent), du Président du Faso ! Le général-président Sangoulé Lamizana disait en substance, devant le TPR (Tribunal populaire de la révolution), à son jugement, à la Maison du peuple : « Si cela peut faire du bien au peuple, faites-le et qu’il en soit ainsi ! » En tout état de cause, c’est parti ! Des changements dans le commandement de l’armée, il y en a eu.

Et ce ne fut pas qu’un simple jeu de chaises musicales. Des mises à la retraite, il y en a eu aussi…normalement et surtout…annoncé et publié, comme pour prendre le public à témoin et lui dire : « Voilà, c’est fait !! » Le tout nouveau premier responsable ministériel de la Défense dont on ne doute pas qu’il soit du Gouvernement à naître est même monté, plutôt, allé au front Nord, Inata, Djibo, pour gonfler le moral des troupes. On l’a « vu » exhortant les « boys » et se faisant applaudir par la population. Bien sûr que c’est de la mise en scène ! Bien sûr que cela est nécessaire ! Bien sûr qu’il en faut plus ! Mais bien plus, pour tout le monde et par tout le monde ! Ne soyons pas naïfs. Si non, nous reprendrions immédiatement après le procès en incompétence notoire du régime. Tout comme une goutte d’eau à elle seule ne fait pas la pluie, ces mesures en cours, à elles seules, ne peuvent assurer le changement souhaité et attendu…impatiemment et parfois, déraisonnablement, par les Burkinabé. Il faut rester lucide : on ne guérit pas une plaie en un jour. Une gangrène ne s’efface pas d’un coup de canif ou de baguette magique. Cette situation que nous vivons est le résultat de fautes et d’erreurs cumulées qu’il faut corriger en intégrant le facteur temps qui manquera cruellement au nouvel Exécutif ! Au moins, il n’y a pas eu de « rectification » à la Blaise Compaoré ! Avec son lot d’assassinats, de tortures, d’enterrements à la sauvette et d’injures, pour ne pas dire plus ! Une certaine histoire ne se répètera pas. Même si le conditionnement de l’opinion avait déjà commencé par des rumeurs faisant état de préparatifs de fuites de responsables du régime vers nos frontières. Tant de haine ! Tant de bave ! Tant d’aveuglement !

Des débris aux résidus

Le président du Faso a parlé de « changement de paradigme ». Soit ! Si nous voulons aller loin, nous avons des leçons à apprendre du passé le plus lointain autant que le plus récent ! Tournons le regard vers Ouaga 2000, vers le Tribunal où l’un des principaux accusés au procès « Thomas Sankara et douze autres » a lâché qu’ils « n’avaient pas prévu qu’ils seraient jugés un jour » ! La non-retransmission en direct de l’évènement, car c’est un Evènement, malgré sa négation par ceux qui prennent des vessies pour des lanternes, cette non-retransmission a privé le peuple de l’expérience directe d’une déliquescence systématisée, programmée par des ennemis extérieurs et intérieurs de notre peuple qui ont investi notre administration, détruit pendant une trentaine d’années, notre armée, sa flotte aérienne, cloué au pilori ses patriotes et érigé le mensonge et la corruption en mode de gouvernance ! La « déconnexion » des acteurs internationaux de nos malheurs, nous prive d’un éclairage indispensable à la compréhension des mécanismes d’assujettissement et d’exploitation de nos peuples.

Elle ne permet pas de dénoncer ceux qui ont été souvent peints comme des sauveurs venus d’ailleurs et qui sont en réalité, la source de nos malheurs, ceux qui ont conçu et mis en œuvre le nouvel esclavage. Et dire que certains de nos « anciens combattants » naïfs et politiquement bornés, sont allés jusqu’à donner des noms de nos bourreaux à leurs enfants ! Nous ne pouvons qu’encourager ceux qui le peuvent, à ne pas se contenter de compte-rendu forcément partiels et…partiaux d’une certaine presse et à aller assister, ne serait-ce que deux fois plutôt qu’une, en passant, aux séances de dépouillement si non de « déshabillement » du mécanisme qui nous a fait reculer de manière structurelle dans la maîtrise de notre destin.

Ils découvriraient des résidus d’hommes sans honneur, sans personnalité, sans dignité, tentant désespérément de cacher le peu de ce qu’il leur reste de pudeur. Des résidus d’êtres dont on découvre l’inhumanité. Des gens qui se sont acharnés sur les vies des autres qu’ils qualifiaient de « débris », de « petits » ! Si vous le voyiez au tribunal, celui-là qui se pavanait aux lendemains du massacre du 15 octobre 1987, la cigarette au bec, un pistolet à la main, accompagné, ou plutôt, flanqué d’un commando, kalachnikov en évidence ! Il avait perdu de sa superbe ! Lui qui était plus qu’impoli, plus que vulgaire, plus que tout, parce qu’il n’était rien moins que l’allié de tueurs en série ! C’est plus qu’une leçon de suivre ce procès animé par des procureurs pointilleux, des avocats vigilants, conduit par un président de tribunal ferme, ayant le sens de l’humour, prompt à recadrer les déviances par rapport à l’objectif ultime qui est de favoriser la manifestation de la vérité.

C’est une éducation à la vie civique, une leçon de droit, un exemple de mise en œuvre de la loi et de la justice. Il est encourageant tout de même de voir la manière admirable dont certains de nos compatriotes se battent quotidiennement pour expliquer, conscientiser et mobiliser les Burkinabé sur les vrais enjeux de nos libertés et les responsabilités qui vont avec ! C’est en étant conscients de nos devoirs que nous accepterons plus facilement les sacrifices nécessaires à notre remontée vers la lumière du jour, vers la vérité et vers notre vraie libération des chaînes savamment tissées et entretenues par tant de personnes dont les intérêts sont radicalement contraires à ceux de nos peuples ! A bientôt !

Dr Jean-Hubert BAZIE

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