Changer son fusil d’épaule

Les images des manifestations monstres à Bamako qui ont fait le tour des chaines de télévisions à travers le monde et reprises sur la toile montrent que plus rien ne va entre une partie des Maliens et leur président, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK). Répondant à l’appel d’un collectif d’organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition, des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour réclamer le départ du chef de l’Etat. Parmi les principaux organisateurs, figurent le Front pour la sauvegarde de la démocratie qui regroupe les partis politiques de l’opposition et la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) du très influent imam Mahmoud Dicko. Les manifestants reprochent à IBK, sa gestion « calamiteuse » de la crise sécuritaire, dans laquelle sombre le Mali depuis 2012 face à des groupes terroristes déterminés à prendre le contrôle de la partie Nord du pays.

Comme il fallait s’y attendre, les marcheurs ont réclamé la libération, sans délai, du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, enlevé le 25 mars par les terroristes, alors que ce dernier était en campagne pour les élections législatives dans le centre du pays. Le chômage des jeunes, la corruption à grande échelle jusque dans la haute sphère de l’Etat, la pauvreté grandissante, le manque d’accès à l’eau et à l’électricité ou encore l’état pitoyable des hôpitaux et centres de santé ont aussi été dénoncés par les manifestants. Pancartes en main, ces derniers dans leur procession scandaient « IBK dégage ! ». Le point d’orgue de la marche a été le moment des discours. Devant la foule rassemblée autour du podium érigé pour la circonstance à la Place de l’Indépendance, l’imam Dicko, star incontestable du jour, a pris la parole pour sommer IBK de démissionner. Cette marche-meeting a fini de convaincre ceux qui étaient encore sceptiques du balbutiement de la gouvernance de l’actuel président malien. Après sa réélection contestée en 2018 pour un second mandat, IBK encore appelé le « vieux » commence à faire face à une rue qui ne veut plus tolérer l’amateurisme dans la gestion de l’appareil d’Etat. Cette grande manifestation semble être le début d’un nouvel épisode de tension entre le pouvoir et l’opposition. Certes, les marcheurs ont été stoppés dans leur progression vers la résidence du chef de l’Etat située à Sébénikoro, mais pour autant IBK ne doit pas être sans soucis.

Ces ennuis étaient prévisibles pour qui connaît le bilan catastrophique du premier mandat d’IBK et les contestations nées de la proclamation des résultats qui lui ont donné pour vainqueur. Bon nombre de Maliens n’avaient pas caché leur déception face à la mauvaise gestion de la situation sécuritaire pendant les cinq premières années du régime d’IBK. L’élection présidentielle a failli déboucher sur une crise postélectorale, puisque l’opposition a dénoncé un bourrage des urnes au profit du président sortant et candidat à sa propre succession. On peut donc dire que ce qui s’est passé la semaine à Bamako, résulte de l’accumulation de frustrations et de haine chez des citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer. Après les grondements dans la rue, si rien n’est fait, il est à craindre de nouveaux regroupements pour se faire entendre. Il est impératif pour le président IBK et son camp de changer leur fusil d’épaule en engageant des concertations avec l’ensemble des forces vives du Mali, en vue de la recherche de solutions aux défis sécuritaires et de développement auxquels le pays est confrontés. Le peuple malien souffre déjà suffisamment des conséquences des attaques terroristes qui plombent l’économie nationale. Il faut donc lui éviter une autre crise !

Beyon Romain NEBIE

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