La tragédie du Maréchal Déby

Au-delà de ce qui s’est passé au Tchad, de tout ce que l’on peut reprocher à Idriss Déby, aucun Africain ne doit ou ne peut se réjouir pour telle ou telle raison, de la tragédie tchadienne. Parce que de cette tragédie pourrait naître le pogrom africain et rien ne sert de toucher du bois ; la boîte de pandore est mal fermée. « Tuez votre chien méchant et la chèvre du voisin vous mordra » ! Deby n’était pas un ange ; tout le monde le savait, même les hypocrites courtisans en boubou ou costume de salons feutrés. Déby n’était pas un démocrate à l’état pur du haut de ses galons de maréchal et de ses trente ans de règne sans partage. Mais cela n’empêchait pas la tour Eiffel de se plier en quatre pour bénéficier des largesses du « bouclier dictateur éclairé ». Il paraît que même avec de l’eau sale on peut éteindre un incendie. Alors, pourquoi se retenir d’entretenir des eaux sales pour en user en cas de besoin pressant ? Déby n’a pas duré au pouvoir parce que seulement son peuple l’a voulu mais plutôt parce que d’autres peuples d’autres cieux l’ont voulu et l’ont imposé au nom de leurs intérêts. Il suffit de lire un peu dans l’histoire pour se rendre compte que l’histoire politique africaine est une série de répétitions fatales. Malheureusement, ceux qui ont tiré leçon du jeu de dupe ont fait leur baluchon pour un voyage de non-retour. Rien ne sert de citer des noms qui fâchent ou suscitent la révolte. L’Afrique n’appartient pas aux Africains ! Les vrais propriétaires de l’Afrique sont hors de l’Afrique et ce sont eux qui imposent la guerre à l’Afrique pour lui vendre en toute « légalité » des armes et piller ses ressources à ciel ouvert parfois sous le couvert d’une communauté dite internationale vénale mais absoute d’office de toute poursuite pénale. Souvent avec la complicité de dirigeants dirigés et dépouillés de pouvoir de décision souveraine sur fond d’accords secrets suicidaires.
Idriss Déby est-il vraiment mort au combat, comme il aimait lui-même le répéter avec gloriole ? Déby, du haut de son rang de président de la République, a-t-il vraiment pris les devants de sa troupe comme un simple soldat du rang au point de s’exposer et d’exposer tout le reste au chaos ? Itno, a-t-il vraiment poussé l’outrecuidance au-delà du bon sens en pointant le front au front sans penser marquer le moindre iota en arrière-plan ? Même Maréchal, est-ce qu’un président de 68 ans, fraîchement réélu, peut ou doit se battre au front comme un trentenaire gladiateur ? Bref, que de questionnements qui ne laissent indifférent le profane et l’initié aux armes. Mais chacun peut se faire une idée en voyant les images de l’atrocité perpétrée. Une atrocité qui fait fi du sort des compagnons de guerre du maréchal président réduit en lambeaux ou peut-être volatilisés entre les dunes du désert. De toute façon, le vin est tiré, il faut le boire ; et boira bien qui boira jusqu’à la lie. Espérons seulement que quelqu’un ne nous dira pas de nous préparer au pire. Du reste, Déby était un homme pragmatique qui n’était pas dans la langue de bois mais dans la real politik avec une certaine vérité au chaque bout de chaque phrase. Déby était le barrage haut débit qui freinait la déferlante hydre terroriste venue de Lybie pour inquiéter le reste de l’Afrique. Courtisé par la métropole qui n’a d’amis que les intérêts et bannis par les siens pour son goût prononcé pour le pouvoir, l’homme était malaimé et adulé à la fois. Après trente ans au pouvoir et à l’orée d’un 6e mandat consacré par la voix du « peuple », Idriss Déby était un homme fort. Et cette force était le ténor d’un G5 Sahel timide et insipide, beau parleur et mauvais acteur. Pour accepter cette vérité, il suffit de faire le simple calcul mental : G5-G1. Mais il faudra désormais savoir compter sur soi ; il faudrait aller au front et se donner à fond jusqu’à toucher le fond trouble de cette guerre dite asymétrique, suffisamment bien coordonnée pour laisser entrevoir une certaine symétrie cachée. On pourrait penser à une malédiction en voyant des Africains combattre et tuer d’autres Africains, avec des armes venues d’ailleurs, parce que fabriquées ailleurs ; vendues ou gracieusement offertes, achetées ou empruntées pour abattre les siens comme des chiens et crier victoire dans le sang de la fraternité sacrifiée. Sur l’autel du pouvoir et des gloires éphémères, d’impénitents hommes forts sans fort bandent les muscles et se tapent la poitrine. Mais comme dans la tragédie du maréchal Déby, ils se font trouer la caboche et le tronc à l’arme lourde comme un gros gibier de chasse. Finalement, à quoi sert un mandat de plus quand il est déjà de trop ?

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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