Sénégal: un saut dans l’inconnu

Le président sénégalais Macky Sall a mis fin au suspense qui entourait son éventuelle candidature.

Le 25 février 2024 ne sera pas la date prévue pour l’élection présidentielle au Sénégal. La décision est tombée comme un couperet sur la classe politique, le samedi 3 février 2024 alors que les candidats en lice étaient à leurs derniers réglages pour entamer la campagne électorale qui devrait s’ouvrir dans les heures qui suivent. En effet, le Président sénégalais, Macky Sall a annoncé, l’abrogation du décret portant convocation du corps électoral. Une annonce qui reporte de facto, la tenue du scrutin à la date indiquée.

Le chef de l’Etat justifie sa décision par la nécessité de lever le voile sur des différends concernant des candidatures et des accusations de corruption. Cette décision intervient au moment où, une commission parlementaire vient d’ouvrir une enquête sur le processus de sélection des candidats. En effet, des soupçons de corruption pèsent sur deux juges du Conseil constitutionnel et une candidate qui aurait menti sur sa nationalité.

Pour le président sénégalais, ces éléments risquent d’entacher négativement le scrutin et par ricochet entrainer des contestations des résultats de la présidentielle. D’où la nécessité du report de l’élection. Si une partie de l’opinion nationale semble comprendre la position de M. Sall, il n’en demeure pas moins que bon nombre de ses concitoyens restent méfiants sur cette décision. Leur réserve est fondée sur le fait qu’aucune date n’est fixée après le report.

Le président s’est contenté de convoquer les forces vives de la Nation pour un dialogue social en vue de réunir les conditions d’élections libres et transparentes. Mais des questions taraudent toujours les esprits des Sénégalais. Aucune date n’a été arrêtée pour ce dialogue, encore moins la stratégie que le chef de l’Etat compte mettre en place dans un contexte où, la classe politique sénégalaise est plus que jamais divisée avec les leaders de l’opposition incarcérés.

Il est vrai que le président sénégalais a réaffirmé sa décision de ne pas briguer la magistrature suprême. Cependant, une certaine opinion soupçonne Maky Sall dont le mandat prend officiellement fin, le 2 avril 2024 de nourrir un agenda caché. Il est conscient que son parti est divisé après le choix de Amadou Ba comme son candidat à la présidentielle. Certaines voix parlent même d’une possibilité pour le parti de revoir sa copie en proposant un autre candidat de consensus.

Qui sera le prochain élu ? Pour l’heure, rien n’a filtré. Cependant, il est vrai que le président sortant a réaffirmé sa décision de ne pas briguer la magistrature suprême. Mais, sait-on jamais car en politique tout est une question de rapport de force en présence. Dans ces conditions, ne serait-il pas en train de créer des conditions d’une instabilité institutionnelle dans ce pays qui continue de donner des leçons de démocratie à ses voisins ?

Déjà, la décision passe mal chez certains Sénégalais qui ont inverti les rues, avec à la clé des échauffourées entre manifestants et force de l’ordre. La Commission de la CEDEAO dans un communiqué a exprimé sa préoccupation quant aux circonstances qui ont conduit au report de l’élection. L’institution sous régionale a lancé, un appel aux autorités sénégalaises à accélérer les différents processus afin de fixer une nouvelle date pour l’élection. Vivement que cet appel soit entendu du coté de Dakar afin d’éviter au pays de la Teranga de faire un saut dans l’inconnu.

Abdoulaye BALBONE

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