Sidwaya (S.) : Vous avez pris part à deux rencontres de haut niveau à Dakar. Quelles sont les grandes décisions qui ont été prises en ce qui concerne la CEDEAO et l’UEMOA?
Président du Faso (P.F.) : D’abord je dis que nous sommes allé à Dakar pour la 49e session ordinaire de la CEDEAO et pour une conférence extraordinaire des chefs d’Etat de l’UEMOA. Il s’agissait au cours de ses deux réunions, de discuter des questions politiques dans les différents Etats. C’était l’occasion pour nous, non seulement de féliciter le président Patrice Talon qui venait d’être élu président de la République du Bénin et également le président Issoufou qui a été reélu chez lui au Niger.
S. : La nouvelle présidente en exercice de la CEDEAO demande des troupes pour pouvoir lutter contre le terrorisme au moment où le Burkina veut ramener certains de ces hommes à la maison. Est-que vous allez consentir à cette demande?
P.F. : D’abord, le Burkina Faso a deux choses. La première, c’est que nous avons demandé au niveau de la MUNISMA au Mali, de pouvoir rapatrier un certain nombre de nos militaires à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso. Comme vous le savez, nous avons engagé cette discussion avec le représentant de l’ONU à Dakar, mais également avec le président Ibrahim Boubacar Keïta. Nous sommes d’accord que ces dispositions vont être prises pour que nous puissions sécuriser notre frontière du Nord. Egalement, il a été dit qu’il fallait relever le mandat de la MUNISMA pour qu’elle ne soit pas simplement une force de maintien de la paix, mais que ce soit aussi celle qui puisse riposter en cas d’attaque pour permettre une lutte conséquente contre le terrorisme.
S. : A la rencontre avec la communauté burkinabè au Sénégal, il a été question de l’ancien Premier ministre, Isaac Zida. Qu’en est-il exactement?
P.F. : Disons que nous avons répondu aux questions qui nous ont été posées. Je crois que vous n’êtes pas étranger dans ce pays. Mieux que quiconque, vous savez ce qu’il y a. J’ai toujours dit que nous avons donné une autorisation d’absence au Premier ministre Zida qui est expirée depuis le 19 février 2016. Et j’ai toujours rappelé devant la presse qu’il était forcément indispensable et obligatoire qu’il rentre. Quand on assume des responsabilités à un certain niveau, on a un devoir de rendre compte, d’explication. Si vous êtes accusé de quelque chose et que vous n’êtes pas là, vous assumez forcément le dossard que vous devez assumer. Et j’ai expliqué clairement en ce concerne le Premier ministre Zida.
S. : Est-ce qu’il y aura un ultimatum?
P.F. : Nous n’avons pas d’ultimatum à donner à Zida. Je pense qu’il y a des règles élémentaires qui sont là. Si elles ne sont pas respectées, nous sommes obligés de considérer comme tout militaire, que c’est une désertion en période de paix. Et nous assumerons nos responsabilités en la matière, parce que, par delà, il y a quand même un manquement à l’autorité. Lorsque nous lui avons écrit tout récemment, j’ai demandé à notre ambassade au Canada de lui porter à mains propres la lettre. Je disais que s’il ne régularise pas sa situation, évidemment, il serait considéré comme un déserteur. C’est à ce moment que nous avons reçu une lettre du Premier ministre Zida, nous demandant de le mettre en position d’évacuation sanitaire. Nous lui avons dit que l’évacuation sanitaire répond à des règles. Nous n’avons pas de dossier médical. De quelle maladie s’agit-il, nous ne savons pas. Nous lui souhaitons certainement un prompt rétablissement, mais je veux dire que nous considérons simplement que ce n’est pas la bonne procédure pour faire encore traîner des situations inutilement. En tout état de cause, il lui est loisible de rentrer, il répondra au peuple. Si ça nécessite que la justice s’en mêle, elles s’en mêlera. Au-delà de cela, il y a rien du tout pour l’instant.
S. : Est-ce que vous allez demander au gouvernement canadien de vous rapatrier le général en désertion en tant que tel?
P.F. : C’est une question de justice. On n’en est pas encore là. Quand on en arrivera, vous saurez ce qu’on fera. Tout est transparent. Donc, il n’y a pas de problème.
S. : Le président de l’Assemblée nationale était récemment à Abidjan. Etait-il de son rôle, quand il a accompagné certains membres de l’exécutif pour demander à ce que la Côte d’Ivoire aide le Burkina à relever son économie?
P.F. : Non! Nous ne comptons pas non plus forcément sur la Côte d’Ivoire pour relancer l’économie du Burkina Faso. Nous sommes dans une zone intégrée. Nous sommes ensemble, je dirai, dans l’UEMOA; nous sommes ensemble dans la CEDEAO. Il est évident que nous devons travailler ensemble afin que nos économies se supportent mutuellement. Je pense qu’il est de mon droit effectivement, parce que le Premier ministre également avait un certain nombre de chantiers, de demander au président de l’Assemblée de conduire une délégation. Parce que, c’est quand même, quoiqu’on dise, la deuxième personnalité aussi de l’Etat. Quand j’étais président de l’Assemblée, j’ai eu, au titre de la présidence, à exécuter des missions au nom du président du Faso. Je vois parfois des gens qui me disent: y a-t-il deux Premiers ministres au Burkina Faso? Il n’y a qu’un seul. Il n’y en a pas deux. L’Etat est organisé de manière à ce que quand le Premier ministre est absent, moi, je ne peux pas voyager. Quand je suis absent, lui aussi, il ne peut pas voyager. Donc, forcément, il faut qu’à un moment donné, nous sachions que la séparation de pouvoirs, ce n’est pas des murailles de cime. Et que de ce point de vue là, il est tout à fait loisible que je puisse demander au président de l’Assemblée de conduire une délégation. Et je voudrais dire que depuis un certain temps, nous avons un accord de coopération avec la Côte d’Ivoire et que probablement d’ici le mois de juin ou juillet, nous devons réunir la commission de nos deux pays pour discuter des projets communs que nous pouvons réaliser ensemble. Donc, je voudrais à ce niveau rassurer les uns et les autres qu’il n’y a pas deux Premiers ministres au Burkina Faso. Le président de l’Assemblée a sa mission. Le Premier ministre aussi a la sienne. Mais je veux dire que nous ne sommes pas dans une muraille fermée. Et je pense que nous devons dans la courtoisie républicaine, faire fonctionner l’Etat dans tous ses compartiments.
Bakary SON (De retour de Dakar)