Pollution : Ouagadougou, un dépotoir de sachets plastiques à ciel ouvert

Ce paysage est fréquent dans divers endroits de la capitale burkinabè.

La pollution plastique est causée par l’accumulation de déchets plastiques dans l’environnement. Dans certains quartiers de la ville de Ouagadougou, au Burkina Faso, cette pollution plastique, d’origine anthropique, bat son plein. Retour sur un phénomène à la peau dure et aux conséquences néfastes pour l’environnement ainsi que sur les conditions de vies des citoyens de la capitale.

Il est 13h lorsque nous allions à la rencontre de Dame Tenin Kafando, âgée d’une trentaine d’année et vendeuse de sachets plastiques, à Toudoubwéogo, un quartier de la ville de Ouagadougou situé dans l’arrondissement 4 de la commune. Bébé au dos, sous un soleil de plomb, elle s’affaire au ramassage des sachets plastiques le long de l’artère principale du quartier Toudoubwéogo.

Comme Tenin Kafando, beaucoup de femmes dans la ville de Ouagadougou s’adonnent, dès le lever du soleil, au ramassage de ses sachets plastiques qui constituent un véritable problème de salubrité publique. Pour la plupart de ces femmes, cette activité représente leur principale source de revenus.

« Je ramasse les sachets plastiques depuis plusieurs année et certaines entreprises les rachètent avec moi. C’est grâce au peu que je gagne que j’essaie de subvenir aux besoins quotidiens de ma famille », laisse-t-elle entendre.

Tenin Kafando ramasse des sachets plastiques pour les revendre.

En effet, ce problème de salubrité publique est visible dans plusieurs autres quartiers de la commune tels que Nonsin, Rimkieta, kamboinssin. Cette pollution plastique est causée par l’accumulation de déchets plastiques dans l’environnement.

Selon la Loi n°017-2014/AN portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation et de la distribution des emballages et sachets plastiques non biodégradables, les sachets et les emballages plastiques ont été définie comme des moyens faciles de conservation et de transport des aliments et autres.

En dépit de cette réglementation, des citoyens s’adonnent à une utilisation anarchique des sachets plastiques envahissant les rues.

C’est le cas du quartier Rimkieta. Ce lundi 13 mars 2023, il est 9 heures lorsque nous rencontrons Hermann Bandé. Âgé de la trentaine, sa raclette à la main et muni d’un sac poubelle, il s’indigne de l’état de salubrité de son quartier et du reste de la ville en générale.

Des sachets plastiques sont présents à de multiples endroits de la ville de Ouagadougou malgré ses nombreuses conséquences.

« Nous habitons à côté d’un espace vide à savoir le cimetière. Il arrive souvent que les ménages viennent déverser les déchets et n’y mettent pas le feu, ce qui fait que la plupart des déchets plastiques reviennent vers nos concessions et nos espaces de commerces », déplore-t-il.

Il affirme qu’ils sont obligés de ramasser les sachets et les mettre dans des trous afin de les brûler afin de rendre quelque peu salubre leur environnement immédiat. « Notre souhait est que la mairie mette à la disposition des habitants des bacs à ordures afin de gérer les déchets et de mieux préserver notre environnement ».

Mieux préserver notre environnement

Selon l’ex directeur général de la préservation de l’environnement, Roger Barro, de la définition de la loi n°017-2014/AN portant interdiction, de la production, de l’importation, de la commercialisation et de la distribution des emballages et sachets plastiques non biodégradables, il ressort que l’utilisation des sachets plastiques facilite la tâche aux populations dans l’emballage de leurs marchandises.

Le ramassage de ces ordures plastiques est la principale source de revenu d’autres femmes dans la commune.

« Cette utilisation massive est donc encrée dans les mœurs des populations du fait que le sachet plastique soit donné à titre gratuit, sa facilité aussi d’utilisation c’est-à-dire sa maniabilité fait que l’utilisation est populaire », dit-il.

Aussi, il ajoute que les sachets plastiques sont produits facilement d’où leur disponibilité. La multiplicité de l’utilisation ou de l’usage du sachet plastique encourage à cette utilisation.

« Les sachets qui sont communément utilisés et autorisés par le gouvernement, sont ceux qui se dégradent au bout de 5 ans soit 60 mois car ils ont été réadaptés », signifie-t-il.

Cependant, d’autres plastiques qui ne sont pas visés par la loi en vigueur au Burkina-Faso, mette environ 400 ans pour se dégrader.

« Ils sont faits à base de produits pétroliers et d’autres additifs comme les polymères qui prennent 400 ans pour se détériorer ». Cette utilisation massive n’est pas sans conséquences tant sur la santé des riverains, des animaux et que sur l’environnement lui-même.

Près de 40 milliards FCFA de pertes

Le conseiller technique du Président de la délégation spéciale (PDS) de Ouagadougou, Sidi Mahamadou Cissé, est de cet avis.

« La ville de Ouagadougou génère annuellement 600 000 tonnes d’ordures ménagère avec environ 15 % de déchets plastiques, soit environ 90 000 tonnes de déchets plastiques et chaque jour elle produit 1 600 tonnes environ », évalue-t-il.

Le conseiller technique du PDS de Ouagadougou, Sidi Mahamadou Cissé : « c’est l’homme qui produit les déchets plastiques, les utilise et les jette dans les rues ».

Il estime que cette pollution peut avoir des effets néfastes sur la terre, les rivières en affectant la faune et l’habitat mais aussi sur la santé humaine. Ces débris de plastiques, explique-t-il, représentent une pollution chimique à plusieurs titres. Pour ce qui concerne le secteur de l’environnement, c’est « sa beauté » qui est entamée, de l’avis du conseiller technique.

En effet, après leur utilisation, ils sont, pour la plupart, jetés dans la rue, ce qui enlaidi le cadre de vie et le paysage. En plus, ajoute M. Cissé, lorsque les déchets sont brulés, ils émettent des substances nocives telles que les dioxydes contribuant ainsi à l’émission des Gaz à effet de serre (GES) et affaiblissant la couche d’ozone.

Par ailleurs, les sachets plastiques affectent également la croissance des cultures, en entravant le processus de photosynthèse dans les champs agricoles.

Selon lui, la mort du cheptel fait aussi parti des conséquences liées à la pollution plastiques. « Quand vous allez à l’abattoir, à chaque fois qu’on amène du bétail, le nombre d’animaux mort par l’ingestion des déchets plastiques est élevé. Cela représente 30% et en termes d’argent, autour de 40 milliards FCFA comme pertes », relève-t-il.

En raison des additifs chimiques utilisés lors de leur production, souligne M. Cissé, les plastiques ont des effets potentiellement nocifs sur la santé humaine. En effet, l’exposition aux produits chimiques toxiques, issus du plastique, peut provoquer des cancers, des malformations congénitales, des déficiences immunitaires et d’autres problèmes de santé.

« Encore, quand l’emballage plastique est utilisé comme contenant d’aliment chauds, et pourtant les plastiques sont faits à base de produit pétroliers, peuvent contaminer les aliments. Donc, c’est une source de maladie non maitrisée », explique-t-il.

Les déchets plastiques constituent des gites larvaires dans lesquelles le moustique se développe et sont donc sources de paludisme.

Le reconditionnement, une nécessité

Au regard de toutes ces conséquences, Sidi Mahamadou Cissé invite la population à changer de mentalité, de paradigme, de comportement vise à vis de l’utilisation des sachets plastiques.

Le riverain de Rimkèta, Hermann Bandé, estime qu’il faut beaucoup d’efforts si l’on veut diminuer cette pollution des sachets plastiques à Ouagadougou.

Celle-ci, doit, selon lui, adopter un comportement éco-citoyen respectueux de l’environnement en les pré-collectant et éviter de transformer le domaine public en dépotoir.

Il affirme qu’ils ne doivent plus être considérés comme des objets n’ayant pas de valeur, mais plutôt comme étant des ressources auxquelles on peut donner une nouvelle vie, à travers leur valorisation, leur reconditionnement.

« C’est l’exemple de la partie fermentescible qu’on transforme en composte, ou valorise sous forme de produits utilitaires comme des bassines, des seaux, des fournitures scolaire, etc. ».

Des efforts continuent d’être réalisés, de son point de vue, dans la gestion des déchets plastiques dans la ville de Ouagadougou. Il en veut pour preuve le travail de collecte d’une trentaine de femmes de l’Unité de valorisation des déchets plastiques du Centre de traitement et de valorisation des déchets (CTVD) de Toudoubweogo.

Chaque jour, après la collecte des sachets plastiques, elles les trient par couleur, les lavent, les sèchent au soleil, les passent au broyeur pour en tirer des granulées qui sont vendus auprès de sociétés de plastiques de la place pour la fabrication, entre autres, de fournitures scolaires.

L’ex directeur général de la préservation de l’environnement, Roger Barro : « pour résorber ce phénomène, il est nécessaire de travailler à éliminer de la chaine de production et de consommation des emballages plastiques à usage unique ».

A cet effet, le conseiller technique du PDS de Ouagadougou lance un appel aux ministères en charge de l’environnement, de l’éducation et de l’enseignement supérieur à accompagner ces initiatives.

Ce, pour augmenter les productions des femmes et dynamiser leurs activités afin de contribuer à résorber la prolifération des déchets plastiques et le chômage.

Estelle KONKOBO

(Stagiaire)

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