Economie informelle: Ces dames qui font de Ouagadougou la capitale la moins chère au monde

Une «brigade» de vaillantes femmes, plus matinales que le lever du soleil, ravitaillent Ouagadougou de légumes, légumineuses et fruits frais. En ce mois de janvier, réputé  pour  être la période de la récolte, elles inondent les marchés de produits divers et participent à réduire considérablement les coûts des légumes qui font de Ouagadougou l’une des capitales les moins chères du monde. Constat à Larlé Yaar de Ouagadougou.

Les émeutes de la faim ont secoué Ouagadougou en 2008. Néanmoins, la capitale burkinabè reste de loin l’une des grandes villes les moins chères. Plus d’un millier de femmes, à moto, à vélo et maintenant en tricycle, alimentent la capitale de légumes frais, de fruits, de tubercules et de bien d’autres produits alimentaires.

« Venez voir de belles tomates ; du haricot vert  bien frais». C’est par ces mots que nous avons été accueilli à Larlé yaar en cette matinée de vendredi 18 janvier 2019 par une vendeuse. L’alerte est ainsi donnée.  Aussitôt nous nous trouvons au milieu d’un attroupement de vendeuses proposant une variété de légumes. Tomates, concombres, carotte, oignon, salade, choux, haricot verts, pomme de terre… Tout le long de la rue bitumée traversant le marché, sont exposés ces produits. On a l’embarras du choix. Les concurrentes mettent leurs talents oratoires en jeu. Loin de toutes ces « cafteuses » de clients, se trouve Zénabou Guigma. Assise à l’ombre d’un parapluie, elle vend de la pomme de terre, du haricot et surtout de belles tomates attirantes. «Je vends le kilo de la pomme de terre à 500 FCFA (soit 1 dollar), celui du haricot vert à 250 FCFA, la tomate à 200 FCFA le tas», se presse-t-elle de lancer. C’est la pomme de terre de Ouahigouya, nous informe Mme Guigma. Il faut comprendre que ce n’est point la ville qui est productrice de la pomme de terre. Mais toute la région du nord qui est réputée être une grande productrice de culture de contre-saison au Burkina Faso. Quant au haricot vert,  il vient de la province du Bazèga. Selon elle, le kilogramme du haricot vert est acheté à 200 FCFA avec les fournisseurs qui sont essentiellement des hommes, dont le fils de Mme Guigma.  C’est une question de famille car elle aussi en a appris avec ses parents. « J’ai grandi ici. Toute ma vie est ici», déclare-t-elle. Chaque jour que Dieu fait, de 4 heures du matin à 19 heures,  elle est sur ces lieux. Il faut être présent à cette heure au marché, pour ne pas rater les clientes matinales. C’est ainsi qu’elle gagne sa vie et est arrivée à subvenir aux besoins de sa famille. Bien que ces enfants aient pris la relève, cette dame de 47 ans n’entend pas céder de si tôt sa place.

« Cette routine me manquera »,affirme la vendeuse.

A quelques pas de notre interlocutrice se trouve Henriette Sourwema. Devant elle, sont exposés, des paniers de haricot vert, de pomme de terre, d’oignons. Elle aussi, est sur ces lieux depuis belle lurette. A l’entendre, les affaires ne marchent plus comme avant. Elle explique  «Avant je pouvais écouler 10 sacs de 50 kilo de légumes. Mais aujourd’hui, je vends difficilement 3 sacs». A l’entendre, avec le kilo acheté à 400 pour être vendu à 500 FCFA, il faut vendre plus pour espérer faire des bénéfices.  Pour combler le manque à gagner, cette dame la cinquantaine sonnée, s’est lancée dans l’exportation vers le Togo. Grâce à cette activité, elle gagne sa vie. Argent des popotes et scolarité des enfants sont assurées.

Nathalie Ouédraogo, 42 ans, elle, a abandonné tôt l’école pour s’adonner à la vente des légumes à Larlé yaar, principale activité de sa maman.  Sur un étal en plastique à même le sol, elle expose, ses marchandises composées de concombres, de salade et de tomates.

«Le tas de 3 petits concombres coûte 100 FCFA. Celui de 5, plus gros, est 200 FCFA », indique-t-elle. Elle se fait livrer les légumes sur place. Mais Mme Ouédraogo annonce qu’il lui arrive de sillonner des villages elle-même, pour s’en procurer.  Cela dans le but d’exporter vers le Togo. Comme les précédentes, elle se plaint de la morosité du marché. «Avant je pouvais facilement vendre 10 à 15 sacs de 50 kilo de légumes par jour. Un sac de concombre par exemple acheté à 6 000 Fcfa est vendu à 8 000 FCFA. Il est  midi et je n’ai vendu que 4 sacs. Alors que c’est le matin que l’affluence est élevée», regrette-t-elle. « Comme la plupart des femmes ici, je subviens au besoin de ma famille. Actuellement, le marché est morose. Les hôteliers clients ne commandent plus beaucoup. Ils se plaignent  de la rareté des client ». C’est pourquoi toutes nos interlocutrices ont souhaité la paix et le succès dans la lutte contre l’insécurité au pays.

 

Habibata WARA