C’est un début de soulagement pour les personnes concernées et un pas important vers la réconciliation nationale. Le comité interministériel d’indemnisation des victimes et ayants droit de victimes des différentes crises socio-politiques au Burkina Faso a été officiellement installé, le mardi 16 mai 2023. Dirigée par le secrétaire général du ministère en charge de l’action humanitaire, Karim Zina, cette structure a pour principal objectif d’examiner et de liquider les nombreux dossiers hérités du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN).
Cette institution avait bouclé sa mission de cinq ans, en 2021, par la remise de son rapport définitif à l’Etat pour suite à donner. D’après le bilan provisoire, dressé en juillet 2022, par l’ex-ministre d’Etat en charge de la Réconciliation nationale, Yéro Boli, le HCRUN a enregistré 5 600 dossiers collectifs et 30 000 dossiers individuels couvrant la période de 1960 à nos jours. Les détails indiquent 179 dossiers de pertes en vies humaines, 839 dossiers de destruction de biens individuels, 543 dossiers de blessés, 71 dossiers de destruction des biens des sociétés, 282 dossiers relatifs au contentieux foncier urbain et 28 000 dossiers du contentieux administratif.
Il faut adjoindre à ce lot, les dossiers des 600 anciens étudiants de Cuba, surnommés les « orphelins de Sankara » et ceux de 7 215 travailleurs déflatés liés à la mise en œuvre des Programmes d’ajustement structurels (PAS) dans les années 90. Au regard de la sensibilité des dossiers qui l’attendent, le comité interministériel d’indemnisation a du pain sur la planche. Les charges qui reposent sur les épaules de ses 23 membres sont énormes. Ils devront passer au peigne fin les dossiers soumis à leur appréciation, échanger avec certaines victimes pour s’accorder sur le paiement des dommages et faire des propositions de règlement sur la base des résultats découlant des simulations faites par le HCRUN.
Les dossiers examinés par cette défunte organisation sont évalués à 65 740 623 886 FCFA. Le paiement se fera par échelonnement, jusqu’à épuisement total du montant établi. Pour l’année 2023, le gouvernement va débloquer 10 milliards F CFA au profit des bénéficiaires. Quand on sait que les victimes et les ayants droit de victimes des différentes crises socio-politiques au Burkina Faso attendent réparation depuis des années, il faut se réjouir de la prise en charge du volet indemnisation par l’exécutif.
Il n’est jamais tard pour bien faire, comme on a l’habitude de le dire. Au fil des années, certains bénéficiaires ou leurs ayants droit avaient perdu espoir, préférant s’en remettre au Bon Dieu pour obtenir réparation. Une telle résignation se comprend, dans la mesure où le traitement des dossiers de cette nature découle d’une volonté politique. Fort heureusement, les plus hautes autorités du pays sont allées dans le sens des aspirations des victimes.
La question de l’indemnisation, entrant dans le cadre du processus de réconciliation nationale, a été inscrite comme une priorité au plus haut sommet de l’Etat, avant que les procédures y afférentes ne soient enclenchées. Il a fallu donc que le HCRUN balise le terrain, en enregistrant et en traitant les dossiers, pour que le gouvernement prenne le relais avec la mise sur pied du comité d’indemnisation. Le bout du tunnel n’est plus loin, puisque des victimes et des ayants droits des victimes des différentes crises socio-politiques devront bientôt avoir gain de cause. Si l’action pénale est importante, le volet indemnisation n’est pas en reste.
Même si elle ne permet pas de satisfaire totalement les victimes ou leurs ayants droit, l’indemnisation contribue à apaiser un tant soit peu leurs cœurs. Dans le cas de quelqu’un qui a perdu un proche par exemple, la compensation financière ne pourra jamais remplacer la vie fauchée, mais elle peut remonter le moral. Recevoir une indemnisation suite à un préjudice n’est pas anodin, surtout dans un contexte de promotion de la réconciliation nationale. Cela contribue à combattre la culture de l’impunité et à renforcer le sentiment d’appartenance à la nation.
Les victimes et les ayants droit ne peuvent que se sentir respectés et pris en compte dans leur propre pays. Ce qui est de nature à consolider l’unité et la concorde nationales. En un mot comme en mille, la concrétisation du comité interministériel d’indemnisation est une action qui sert éminemment le processus de réconciliation nationale.
Kader Patrick KARANTAO