Transformation des produits locaux : Le savoir-faire des femmes de Boussé

La gérante de la boutique, Joséphine Yelkouni, se frotte les mains au passage des clients

Des croquettes à base de produits locaux ont envahi la ville de Boussé et ses environs depuis un certain temps. Ces produits bio transformés par les femmes de l’Association tind-yalgré (ATY) ne cessent d’attirer de nombreux consommateurs.

Des croquettes à base de produits locaux font leur petit bonhomme de chemin à Boussé, province du Kourwéogo (région du Plateau central). Dans l’enceinte du siège de l’Association tind-yalgré (ATY) où est logée l’unité de transformation, des femmes sont à pied d’œuvre pour donner de la valeur ajoutée à plusieurs produits. La fabrication des différents produits est une technique bien maîtrisée par les femmes.

Avant d’introduire, par exemple, les céréales dans les machines, la première des choses consiste à les débarrasser de leurs impuretés. Elles sont ensuite lavées à l’eau, séchées au soleil puis écrasées de manière à obtenir une pâte molle. Après, on associe tous les ingrédients nécessaires. Vêtues de blouses blanches, les femmes s’affairent à transformer ces pâtes en divers produits finis, prêts à être consommés sans modération. Au nombre de quatre, chacune exécute une tâche bien particulière.

La pâte est d’abord étalée sur une table soigneusement bien lavée. Elle est ensuite pétrie à l’aide d’un pressoir en bois avant d’être enfin façonnée en boulettes. De l’atelier de production, sortent des produits de tous genres: des biscuits à base de céréales (mil, sorgho, riz), d’arachide et de sésame. On transforme également les différents produits en bouillie, en couscous…

A entendre Madi Sawadogo, président de l’ATY, la valorisation des produits locaux fait partie des priorités de la structure qu’il dirige. La mise en place de l’unité de transformation répond, selon lui, à cet impératif. Les produits forestiers non ligneux ne sont pas en marge. C’est le cas du soumbala, un produit fait à base des graines de néré. Il est de plus en plus prisé des consommateurs qui ne veulent des bouillons importés dans leurs plats.

De l’avis des femmes, la transformation des produits locaux est une activité lucrative. Fati Ouédraogo est dans le domaine depuis des années. Aujourd’hui, elle y trouve son compte. « Je ne me plains pas », dit-elle. Ces produits, avance-t-elle, attirent du beau monde. En l’espace de 5 années d’activité, Odette Ouédraogo est sortie de la misère. « J’ai beaucoup profité des revenus issus de cette activité », reconnaît-elle.

A en croire Fati Ouédraogo, la transformation des produits locaux a donné une certaine autonomie à la femme du Kourwéogo. Membres de l’ATY, elles sont nombreuses, les femmes qui bénéficient directement ou indirectement des retombées de cette activité. Pour Madi Sawadogo, celle-ci permet aux producteurs de la province d’avoir facilement de l’argent.

Formés à coût de millions

Pour arriver à ces résultats, les transformatrices sont allées chercher le savoir partout à travers des formations financées par l’ATY.

Elles ont été formées sur place à Boussé, mais aussi à Ouagadougou et même hors du territoire national. Fati Ouédraogo et ses congénères affirment avoir accumulé un certain nombre de connaissances qui leur permettent de réaliser n’importe quelle activité entrant dans le domaine de la transformation des produits locaux. A écouter Mme Ouédraogo, rien que dans la fabrication du soumbala, elles ont un savoir-faire qui les place au-dessus de celles qui n’ont pas bénéficié de ces formations.

« On a pris du temps pour former le personnel », indique Madi Sawadogo. Mais à quel prix ? Selon lui, le problème à ce niveau est que beaucoup de formateurs en font un

Ces produits attirent de nombreux consommateurs.

business. « Ils gardent toujours par devers eux un secret de production que vous êtes obligé d’aller chercher auprès d’un autre», se désole-t-il. Consciente de cette pratique mafieuse, l’association a eu recours à plusieurs formateurs pour dispenser des cours sur les mêmes modules.

De plus, elle n’a pas lésiné sur les moyens pour envoyer des femmes se former au Maroc et au Sénégal. Aujourd’hui, Madi Sawadogo dit être ravi de constater que les femmes sont bien outillées à même d’assurer la bonne marche de leur activité. Beaucoup sont devenues des expertes en matière de formation et sont sollicitées un peu partout à travers le territoire national. « Nous donnons tout ce qu’il faut à nos apprenants», martèle le président de l’ATY.

Toutefois, il précise que toutes ces formations ont été financées à coût de millions.

Des produits naturels et appétissants

L’association dispose d’une boutique de vente de ses produits à son siège à Boussé. Les étagères sont bien garnies. Joséphine Yelkouni est transformatrice de profession avant d’être un agent commercial. Elle se félicite de l’engouement qu’il y a autour des produits exposés.

Avec un chiffre d’affaires de plus de 5 millions FCFA, les transformatrices comptent faire mieux les années à venir. D’après Madi Sawadogo, l’installation de ce point de vente traduit la volonté de l’association de faire connaître davantage ses produits à la population. Moussa Kinda, un client, est venu acheter les biscuits. Il encourage l’ATY à ne pas se lasser de soutenir les femmes. Ce sont des produits naturels, fait-il remarquer, ajoutant qu’ils sont appétissants et garantissent la santé du consommateur.

Une autre cliente est appâtée par ces produits. De passage à Boussé, Judith Bouda s’est procurée des biscuits au sésame et au petit mil. Elle aime consommer local et invite les uns et les autres à en faire de même. Toutefois, ce magasin n’est pas l’unique point de vente à Boussé. Les transformatrices approvisionnent également les alimentations et les boutiques. Pendgwendé Blaise Ilboudo est un gérant d’une mini alimentation à Boussé. Sont perceptibles parmi ses étals, les croquettes « made in Boussé ».

« Ces produits sont beaucoup sollicités par les consommateurs », observe-t-il. A l’écouter, bon nombre de voyageurs empruntant la voie Ouagadougou-Ouahigouya ne s’en privent pas. Il cite les chauffeurs de certaines compagnies de transport en commun qui font le tour dans sa boutique à chaque escale. « Dès qu’ils arrivent à Boussé, ils viennent acheter ces biscuits dans mon magasin », détaille-t-il. La qualité irréprochable des produits a fini par fidéliser certains clients. « Les consommateurs en raffolent parce que ce sont des produits bio », précise Blaise Ilboudo.

Il mentionne que les commandes ne trainent pas chez lui. Cerise sur le gâteau, la vente de ces produits rapporte gros. « Je réalise des bénéfices dans la vente de ces produits », note-t-il. Cependant, tous les commerçants de Boussé ne sont pas informés de l’existence de ces produits. C’est le cas d’Alexis Ouédraogo, boutiquier de son état. « Les femmes ne communiquent pas sur leurs produits. Je ne sais pas qu’on fabrique des biscuits ici », soutient-il. Alexis Ouédraogo ne semble pas bien apprécier le comportement des responsables de l’association qui les privent d’un produit aussi original que rentable.

Blaise Ilboudo, gérant d’une mini alimentation à Boussé : « Les biscuits à base de produits locaux sont très prisés des consommateurs »

« Nous vendons ce que les populations veulent, je ne comprends donc pas pourquoi ces femmes ne nous envoient pas leurs produits», se lamente-t-il. En tous les cas, il ne décolère pas pour autant. « Tout ce que nous vendons vient d’ailleurs. Pourquoi refuser des produits fabriqués chez moi ? », s’interroge-t-il. Il affirme que les gâteaux vendus dans sa boutique sont livrés par une pâtisserie basée à Ouagadougou. « C’est une dame qui vient me les livrer chaque semaine.

Quand je prends pour 15 000 FCFA, j’arrive à tout écouler avant la fin de la semaine », révèle-t-il. Au-delà du marché local, l’association prospecte d’autres pistes pour écouler ses produits. En quête de débouché, Madi Sawadogo profite souvent des foires à l’intérieur comme à l’extérieur du Burkina Faso pour exposer les produits. C’est dans ce cadre qu’il s’est rendu plusieurs fois au Maroc et dans les pays voisins. Les séminaires et ateliers qui se tiennent à Boussé sont également des occasions de vente. « Lors des formations, on peut recevoir des commandes de 500 000 FCFA et les achats individuels dépassent souvent 50 000 FCFA », rappelle-t-il.

« Nous n’avons pas peur de la concurrence »

Evidemment, la transformation des produits locaux est loin d’être la chasse gardée de l’ATY. D’autres acteurs évoluant dans le même secteur d’activité se bousculent pour s’imposer sur le marché national. Mais à ATY, lâche Madi Sawadogo, on n’a pas peur de la concurrence. « La plupart de nos concurrents ne sont pas mieux structurés que nous », se convainc-t-il.

D’ailleurs, il dénonce l’attitude de certains esprits malins qui achètent leurs produits pour ensuite les reconditionner dans leurs propres emballages. Une pratique frauduleuse qui vise, selon lui, à tromper la vigilance du consommateur. « Ils font croire au consommateur

Les transformatrices en train de façonner la pâte en biscuits.

que ces produits leur appartiennent», condamne M. Sawadogo. Il se réjouit néanmoins du fait que jusque-là, dans la région du Plateau central et ses environs (le Boulkiemdé et le Passoré), ils n’ont pas de concurrents. « S’il y’en avait, on allait se croiser dans les foires », insiste-t-il. Madi Sawadogo poursuit en disant que la force de l’ATY est qu’elle a su diversifier ses produits.

Certes, les transformatrices font de bonnes affaires avec leurs croquettes. Mais elles ne sont pas à abri des caprices du marché. Selon les dires de Fati Ouédraogo, la maladie à coronavirus a impacté négativement leurs activités à cause des mesures de restriction imposées par les autorités sanitaires. « Les missions pour les ateliers et séminaires à Boussé sont devenues rares », informe-t-elle. D’autres soucis turlupinent les transformatrices.

Il s’agit notamment des ruptures répétées d’emballages. « Nous nous approvisionnons à Ouagadougou mais il arrive que nous n’en trouvons pas», s’indigne Mme Ouédraogo. En plus, elle estime que certains emballages ne sont pas de bonne qualité. « Ils se déchirent au moment du conditionnement », déplore-t-elle. En dépit des difficultés rencontrées, les transformatrices nourrissent l’espoir que tant qu’elles seront en bonne santé, tout ira mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

Omichel20@gmail.com