Campagne de reboisement 2023: des pépiniéristes ouagalais s’impatientent

-Cet espace est la zone de prédilection de l’association des pépiniéristes « Kombempadme ».

L’hivernage s’installe progressivement au Burkina Faso. Il rime avec le reboisement, une alternative pour lutter contre la désertification. Les pépiniéristes, communément appelés jardiniers, attendent avec impatience des clients pour leurs plantes. Nous avons rendu visite à certains, le 8 juin 2023, à Ouagadougou.

A quelques pas de l’échangeur de l’hôpital Yalgado-Ouédraogo, se trouve la pépinière « Kombempadme». Elle fait frontière avec le canal de l’université Joseph-Ki-Zerbo, à Ouagadougou. Cette zone, jadis forestière, est devenue aujourd’hui un vaste champ de bourgeons de plantes à perte de vue. En cette matinée du 8 juin 2023, nous découvrons une gamme variée d’arbres fruitiers, des plantes aromatiques, ornementales, médicinales, exotiques, etc. Ils sont le fruit des efforts de jeunes jardiniers dont Saïdou Noba.

Nous le trouvons à l’œuvre, sans gants, ni bottes, torse nu, dans sa pépinière. « Je suis en train de préparer ces bourgeons de gazon pour un client qui n’est pas à Ouagadougou. Il sera là dans peu de temps », dit-il. En effet, des sacs remplis de plantes sont chargés par des plus jeunes dans des brouettes. M. Noba fait savoir que c’est ainsi qu’ils travaillent pour gagner leur pitance. « Je fais ce travail depuis mon enfance aux côtés de mon père. J’ai aujourd’hui 25 ans.

Chaque jour que ma santé me le permet, je monte à 8 h pour descendre aux environs de 18 h 30 mn. Le dimanche, je me repose », affirme-t-il. Autour de lui, sont exposées plusieurs variétés de petites et grandes plantes. Les plus demandés, selon lui, sont les arbres fruitiers, notamment les manguiers, les citronniers, les orangers, les goyaviers, le tangelo, etc. Viennent ensuite les fleurs, les plantes aromatiques et médicinales. En parlant des plantes médicinales, Saïdou Noba cite « le neemier, le baobab, le tamarinier (pour le dégraissage du corps), l’artemisia contre le paludisme, le goyavier contre les maux de ventre et le moringa (plante à multiples vertus)».

Parmi les plantes exotiques, il y a le corossolier, le cocotier, le romarin. Les prix varient en fonction de la taille des plantes. Ils vont de 250 à 3 000 F CFA. Le greffage ne semble pas avoir de secret pour lui. Tout en indexant un citronnier greffé au tangelo, il explique le processus. « Après le greffage, à partir du porte-greffe jusqu’en haut, on laisse les feuilles pousser. Par contre, à partir du greffage jusqu’en bas, il faut enlever toutes les tiges. Si on ne les enlève pas, celles-ci captent la sève nourricière au détriment de la partie du greffage qui finit par mourir. Elles bloquent ainsi la sève de monter sur la partie greffée », fait savoir l’autodidacte.

Une formation sur le tas

Entretenir une plante n’a pas de secret pour Mouniratou Téguera.

M. Noba a appris le métier sur le tas et auprès de son père. Il dit n’avoir bénéficié que d’une formation avec l’ONG ECHO sur la fabrication des fertilisants bio. A l’entendre, c’est le courage et la détermination qui lui permettent de tenir. Le travail est contraignant car il faut au moins arroser certaines plantes deux fois par jour et être régulièrement à leurs soins, leurs besoins n’étant pas les mêmes.

Quant à la rentabilité de son travail, il déclare :« Je rends grâce à Dieu. Le marché dépend des jours. Il y a des jours où je gagne des clients comme il y a des moments où je n’empoche pas un franc ». Se montrant réticent à dévoiler ses gains journaliers ou mensuels, le pépiniériste reconnait que c’est un métier qui nourrit son homme. « Les fruits de vente me permettent de prendre en charge ma famille (une femme et un enfant) », se contente-t-il de confier. Il espère avoir plus de clientèle pour booster ses revenus. A l’image de M. Noba, ils sont une trentaine à tirer leur pitance de ce site.

Bakary Zoungrana en fait partie. Assis sous un arbre, il semble fatigué. Néanmoins, il s’empresse de répondre aux questions. « Il n’y a pas de marché. La preuve est qu’on a toujours des plants de l’année dernière qui sont là. Ils nous sont restés sous la main, faute de preneurs », lance-t-il. Très remonté, il pense qu’ils sont les oubliés, car ce sont ceux qui ne sont pas pépiniéristes qui raflent les marchés de plantes pour les reboisements, alors qu’ils viennent faire les commandes chez eux.

Au regard de ce fait, il invite les gens à venir directement vers eux pour leurs commandes. « Nos produits sont moins chers et sont de bonne qualité », affirme-t-il. Pendant que nous échangeons avec nos interlocuteurs, un car de transport stationne. De là, descend Anatole Kiéma, un homme d’âge avancé. C’est le client de Saïdou Noba qui veut les gazons. Après 15 ans de pratique sur ce lieu, il a préféré aller ausculter d’autres horizons. Et c’est à Koupèla, chef-lieu de la province du ( du ) qu’il a trouvé son salut.

Du haut de ses 30 années de métier, il affirme tirer son épingle du jeu. Toutefois, M. Kiéma annonce devoir faire face à une grande difficulté qu’est le manque d’eau. Il dit débourser 1 500 F CFA par jour pour payer des barriques d’eau et arroser ses pousses. C’est pourquoi, il effectue le déplacement de Ouagadougou pour prendre ses marchandises. « Ce sont surtout les arbres fruitiers comme le manguier, le goyavier, le papayer, le citronnier… qui sont prisés. Cette fois-ci, j’ai également pris des fleurs », précise-t-il.

Si les travailleurs de la pépinière « Kombempadme» se plaignent, ce n’est pas le cas de leurs collègues du côté du barrage de Tanghin qui semblent faire de bonnes affaires. En témoignent les confidences de Mouniratou Téguera, l’une des rares femmes fleuristes. « On peut gagner 25 000 F CFA par jour de la vente. L’activité nourrit son homme », se réjouit-elle. C’est depuis six ans qu’elle s’occupe des plantes aux côtés de son père. Elle a opté pour cela au détriment de sa formation en comptabilité.

Le prix de ses marchandises va de 100 à 300 000 F CFA. La pépinière voisine appartient à Alidou Kouanda. Comme Mouniratou Téguera, lui aussi trouve des preneurs pour ses plantes. « Je mets surtout l’accent sur l’entretien des fruitiers qui sont la préférence de nombreux clients », précise-t-il. Il n’a pas de prix fixes, car tout dépend de leur taille. Par rapport à la rentabilité, M. Kouanda dit rendre grâce à Dieu. « Cette activité me permet de vivre décemment, de ne pas mendier pour vivre. Par jour, je peux avoir 10 000 à 15 000 F CFA », confie-t-il.

Les difficultés

Les pépiniéristes travaillant à côté de l’échangeur croient en l’adage selon lequel, « l’union fait la force ». C’est pourquoi, ils se sont réunis en 2020 au sein de l’association des pépiniéristes « Kombempadme». Cette appellation, pour faire référence à un baobab sacré

Saïdou Noba : « Le prix des plantes varie en fonction de leur taille ».

qui existait sur ces lieux, aux dires du président Samuel Sawadogo. Composée d’une cinquantaine de membres, la jeune structure a pour objectif principal la défense des intérêts de ses membres. Ils doivent faire face à de nombreux défis, parmi lesquels la recherche de stratégies pour booster leur activité et améliorer leurs conditions de vie. « L’absence de clientèle a fini par décupler les invendus.

Actuellement, il est possible pour nous de faire sortir de nos jardins 10 000 manguiers », déclare le président. Il évoque aussi le prix élevé des pots ou des sacs dont l’unité coûte 1 250 F CFA au minimum. Un autre obstacle évoqué par Ferdinand Kiéma est l’emplacement du site. Il reconnait que le lieu est méconnu du public à cause de l’échangeur qui rend l’accès difficile. Ferdinand estime que leur travail n’est pas apprécié à sa juste valeur. Pour le moment, les membres de l’association se disent obligés de prendre leur mal en patience en attendant la fin des travaux d’aménagement de la route. Saïdou Noba, lui, insiste sur le manque d’eau. L’approvisionnement en eau est un gros handicap pour leur production. « Ici, il n’y a pas de forage. On se sert de l’eau du canal pour l’arrosage.

On use de petites astuces pour retenir l’eau qui va nous servir en saison sèche », indique-t-il. Pour M. Kiéma de Koupèla, l’insécurité a un impact négatif sur les activités de reboisement. D’où, un manque à gagner à leur niveau. Mouniratou Téguera se plaint surtout du manque de confiance que certains clients manifestent vis-à-vis d’elle, à cause de son statut de femme. « De prime abord, quand ils viennent pour acheter les plantes, ils sont réticents à mes conseils. Ils pensent que je ne maitrise rien. Pourtant, ils se trompent. J’ai appris et aimé ce travail grâce à mon père », dénonce-t-elle.

Quant à Alidou Kouanda, il a peur pour la survie de sa production. Depuis quelques temps, il dit remarquer la mort de ses bourgeons malgré les soins qu’il leur accorde. Selon le président de l’association « Kombempadme», Samuel Sawadogo, sa structure manque d’espace en ligne pour vendre. Et son combat sera de combler ce vide. Tout en espérant une bonne pluviométrie, il invite les particuliers, les structures étatiques et privées qui ont l’intention de faire du reboisement à les contacter pour leurs commandes.

Habibata WARA