Coup d’Etat au Gabon : un acte de libération

L’avènement du général Nguéma au pouvoir est vécu comme un soulagement par de nombreux Gabonais.

Avec le coup d’Etat intervenu, le 30 août 2023, le Gabon évolue désormais vers une nouvelle ère. Cet épisode, intervenu dans la vie politique de ce petit pays d’Afrique centrale, a mis fin au règne du clan Bongo qui a régné sans partage durant un demi-siècle. On attend désormais au pied du mur, le président du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), le général Brice Oligui Nguéma, qui dirige désormais le pays, avec un espoir suscité.

Plus qu’un coup d’Etat, ce qui est intervenu au Gabon, le 30 août dernier est plutôt un coup du soulagement, voire un acte de libération. Pendant exactement 56 ans (42 ans pour le père et 14 ans pour le fils), la famille Bongo a régné de main de maître sur ce petit pays d’environ 2,3 millions d’habitants, qu’elle a pris en otage.

De l’avis même du général Brice Clotaire Oligui Nguéma, il s’agit tout simplement d’une mise à la retraite d’Ali Bongo, dans la mesure où ce dernier n’avait plus droit à un troisième mandat. Il est difficile de parler de la situation politique actuelle aujourd’hui au Gabon, sans faire référence à Omar Bongo Odimba, le patriarche du clan Bongo. Décédé en juin 2009, dans un hôpital en Espagne, il aura marqué la vie politique et les Gabonais après plus de quarante ans de règne sans partage.

Depuis 1967 et l’arrivée au pouvoir d’Albert Bernard Bongo devenu plus tard Omar Bongo, du fait de sa conversion à l’islam, le destin du Gabon s’est toujours conjugué avec la famille de ce personnage singulier. Son nom évoque la françafrique, cette relation incestueuse entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique dont il fut un pilier et précurseur sur le continent.

D’ailleurs, les photos de tous les anciens présidents de la France ornaient son bureau présidentiel, de De Gaulle à Jacques Chirac, sauf celui de Nicola Sarkozy, en raison du fait qu’en 2009, au moment de sa disparition, Sarkozy était toujours au pouvoir. Pour dire à quel point il cultivait une certaine proximité avec les chefs d’Etat français.

Mais ce même Sarkozy aurait bénéficié du financement de sa campagne présidentiel de la part d’Omar Bongo. D’autres présidents avant Sarkozy et des acteurs politiques français de tout bord politique, auraient également profité des largesses du Président gabonais d’alors. Sur le plan économique, il a consenti à ce que des entreprises françaises puissent exploiter l’uranium et l’or noir (pétrole) de ce petit état d’Afrique centrale.

Ne déclarait-il pas dans les années 80 que : « le Gabon sans la France, c’est une voiture sans chauffeur, la France sans le Gabon, c’est une voiture sans carburant ». Ou encore, répondant à la question d’un journaliste sur les relations entre la France et le Gabon, il lancera : « si la France me lâche, je lâche la France ».

Omniprésence familiale

Omar Bongo renvoie également à l’omniprésence de sa famille dans tous les secteurs et postes stratégiques au Gabon. De la cinquantaine d’enfants qu’il a officiellement reconnus et issus de deux épouses légitimes et de nombreuses maitresses, Pascaline l’ainée et Ali Bongo sont les plus connus.

La première a été ministre des Affaires étrangères, conseillère et directrice de cabinet de son père et le second, longtemps ministre de la Défense. Il succèdera à son père lorsque celui-ci décède en 2009, jusqu’à sa perte du pouvoir, fin août dernier. Outre ses deux ainés que leur père a choisis comme légataires universels de son immense fortune, les autres enfants ont toujours été présents dans l’administration, l’économie et les médias.

Depuis 2007, une plainte a été déposée en France par des associations et portant sur des biens mal acquis par le clan Bongo impliquant le père et neuf de ses enfants. Ces biens se composant d’un luxueux patrimoine immobilier en France acquis sur des Fonds publics gabonais, alors qu’une majorité de Gabonais vivent dans la pauvreté et que le pays est dépourvu d’infrastructures de qualité.

Compte tenu de sa longévité au pouvoir, on retiendra aussi qu’Omar Bongo était devenu le médiateur attitré en Afrique centrale, notamment dans les crises en Centrafrique, au Tchad, dans les deux Congo, etc. De Bongo père à Bongo fils, la gestion du pouvoir a eu des dénominateurs communs. Ils ont pour noms détournements d’argent, clientélisme, copinage, népotisme. Un système que les Gabonais ont subi pendant un demi-siècle.

En matière de droits de l’homme, des opposants au régime ont été assassinés pendant le long règne du paternel. Et sous le fils, on a encore en mémoire, les violences postélectorales de l’élection présidentielle de 2016 dont l’opposant Jean Ping revendiquait la victoire et réprimées dans le sang.

A l’époque, cela a été vécu comme un traumatisme au Gabon. Frappé par un Accident vasculaire cérébral (AVC), en 2018, qui l’a éloigné pendant longtemps de son pays, Ali Bongo Odimba était physiquement diminué ces dernières années. L’opposition, la société civile et nombre de Gabonais s’interrogeaient toujours sur sa capacité à gouverner et à prendre des décisions par lui-même.

Derrière ces doutes, l’opinion gabonaise avait en ligne de mire l’épouse franco-gabonaise du président, Sylvia Bongo et son fils Nourredine Valentin Bongo, accusés de manipuler le chef de l’Etat affaibli. Entre temps coordonnateur des affaires présidentielles et tout récemment directeur de la campagne présidentielle de 2023 de son père, il était vu comme le probable successeur de celui-ci.

L’instauration d’une véritable succession dynastique en perspective. Ce n’est certainement pas pour rien que Sylvia est actuellement en résidence surveillée et Valentin, présenté à un juge pour entre autres, falsification de la signature du président. En décidant de mettre fin à une gouvernance téléguidée qui allait perdurer avec la victoire annoncée d’Ali Bongo à la dernière présidentielle, le général Brice Oligui Nguéma et le CTRI entendent montrer un visage plus digne du Gabon.

Gabriel SAMA