Préparatifs de la rentrée scolaire : Angoisses pour les uns, business pour les autres

Abdoul Aziz Kaboré : « Les gens ne se précipitent pas pour acheter les fournitures à cause du coronavirus ».

C’est la rentrée des classes. Une période qui rime avec angoisses liées aux préparatifs pour les parents. Trouver des fournitures, aller chez le coiffeur ou la coiffeuse, faire un crochet chez le couturier sont des choses parmi tant d’autres qu’il faut gérer. Si les parents pleurnichent pour leurs bourses, certains commerçants et coiffeuses se frottent les mains. C’est le cas des vendeurs de fournitures scolaires par exemple. Constat à Ouagadougou.

C’est la reprise des classes au Burkina Faso. Les préparatifs sont période d’angoisses chez les parents d’élèves et d’opportunité chez certaines personnes. Les sœurs Coulibaly sont des coiffeuses. Installées sous un hangar ouvert au marché de Baskuy, elles ont la réputation de savoir natter le modèle « panam mooré » en langue mooré ou « bolognan » en dioula. Assise sur un banc, la natte étalée sous ses pieds, Noélie et Apolline Coulibaly font passer tour à tour, celles qui veulent se faire belles. Autour d’elles, des filles, une dizaine accompagnées de leurs mamans, sur des bancs ou des nattes.

C’est l’ambiance qui règne au salon des deux coiffeuses. A quelques jours de la rentrée scolaire, beaucoup d’élèves passent dans les mains expertes de Noélie et d’Apolline. C’est le cas de Karina qui rentre à l’internat. Sa mère, Anne Bongoungou, ne manque pas d’éloges pour elles. « Elles savent bien faire ce modèle. En plus elles sont accueillantes, respectueuses et rapides », affirme-t-elle. Mme Bongoungou se dit prête à braver la distance (ndlr : elle habite à Tampouy) et le temps d’attente pour faire coiffer ses filles ici. « Ces dames savent flatter les filles quand elles pleurent», ajoute-t-elle. Quant à Guillaine Kargougou, maman de Kenza, 4 ans qui fait ses premiers pas à la maternelle, elle insiste sur le prix abordable et la satisfaction.

Dans l’attente de leur tour avec 2 000 FCFA en main, elle déclare : « Je suis convaincue qu’elle sera bien coiffée et gardera la coiffure au moins au-delà d’un mois ». Sylvie Nikiéma, mère d’Alex qui doit faire le CE1, toute comblée de joie, affirme que la coiffure d’Alex a coûté 1 500 F CFA. « Elle est contente, je suis contente, c’est l’essentiel. Nous sommes venues vers 7 heures du matin, et nous avons fini avant 11 h », précise-t-elle.

Des fournitures qui attendent preneurs.

L’histoire du parcours des sœurs Coulibaly dans la coiffure remonte depuis leur enfance. « Pour nous, la natte « panam mooré » est une tradition. C’est notre « rogo-miki ». J’ai appris avec ma mère et je l’ai appris à ma fille aussi», relate Noélie. Il faut souligner que les sœurs Coulibaly sont des Bwaba, une ethnie où savoir natter le « bolognan » est monnaie courante. L’aînée Noélie, la trentaine sonnée, a choisi ce métier de travail depuis 16 ans. « Par jour, je peux avoir 10 000 F CFA.

Au début ce n’était pas facile. Je ne gagnais pas autant parce qu’il n’y avait pas l’affluence que vous voyez aujourd’hui », confie-t-elle. Les modèles couramment demandés sont «Arafat», «Debordo», «Burkina warimissin», «Mali warimissin», «2 disco», etc. Cette activité permet à Noélie, mère de 3 enfants, de s’occuper de sa famille et de subvenir à ses besoins.

La rentrée scolaire est également une période de choux gras pour les libraires. Elle permet en effet aux vendeurs de fournitures scolaires d’accroitre leurs revenus. Parmi eux, Zakaria Dondassé, vendeur de sacs d’écolier neufs, installé à côté du grand marché Rood-wooko. « Les affaires marchent bien ici. Par jour je peux encaisser 150 000 F CFA». Quel est son secret ? « C’est la qualité de mes produits qui attirent les clients. Et mon talent m’aide à les convaincre ».

Si les uns achètent des sacs neufs pour leurs enfants, d’autres se ruent sur les sacs de seconde main, c’est-à-dire de la friperie. C’est le cas d’Alimata Toko venue chez Gané Abdoul Tapsoba s’acheter un sac pour son fils Ismaël. Celui-ci doit faire le Cours moyen 2e année (CM2). Mme Toko trouve ces sacs plus résistants et moins chers que les neufs. M. Tapsoba, dit tirer son épingle du jeu. Par jour, il arrive à écouler une quinzaine de sacs. Et pourtant, il pense que les affaires ne marchent pas bien comme il le souhaite. Les clients se plaignent de la cherté de la vie. « La plupart de mes clients sont des femmes qui se débrouillent pour satisfaire leurs enfants. Elles clament que leur mari ne donne rien pour les fournitures », dit-il.

Noélie dit avoir au moins 10 000 F CFA par jour.

Les sacs de la friperie sont vendus pour le Cours préparatoire 1re année (CP1), entre 2 500 et 1 500 F CFA. Il faut débourser plus que cela pour les autres.
Par contre, Abdoul Aziz Kaboré n’est pas satisfait. Pour lui, les affaires ne marchent pas. « Cette année, le marché n’est pas florissant. Cela est dû à l’augmentation du nombre de cas infectés au coronavirus. Certains parents pensent qu’il n’y aura pas d’école. Ils ne veulent donc pas se précipiter pour acheter les fournitures», explique-t-il. Il vend le cahier de 100 pages à 200 FCFA et les livres de lecture du primaire au prix de 2 000 F CFA.

L’un de ses clients Cheick Ky, élève en classe de 1re, trouve que les prix ont augmenté de 150 à 200 F. A entendre M. Kaboré, cela est également lié à l’existence de la pandémie. Les frontières sont fermées et les gens n’ont pas pu importer les fournitures.
Même son de cloche chez Abdoul Walib Yaméogo. Il se plaint de la morosité du marché par rapport à l’année passée à la même période. La preuve est qu’à 11 heures du 29 septembre 2020 il n‘a eu qu’un seul client. Et pourtant les prix n’ont pas changé. Le paquet de cahiers de 200 pages petit format est vendu à 1250 FCFA. Il espère gagner plus, avant la tombée de la nuit.

Habibata WARA