Production de la pastèque au Burkina : Le Centre-Est confronté à la désorganisation de la filière

La ville de Tenkodogo est ravitaillée en pastèque par des camions de dix tonnes.

Le Centre-Est se positionne comme étant l’une des régions productrices de pastèque au Burkina Faso. Deux provinces, notamment le Boulgou et le Koulpelogo, excellent dans cette production mais l’inorganisation du secteur handicape fortement les acteurs.

Dans le village de Bocla, province du Boulgou, région du Centre-Est, Sayouba Saré produit la pastèque depuis une dizaine d’années. Il exploite annuellement entre 1,5 et 2 hectares et s’en sort avec 3 000 à 3 500 fruits. Une production qui, à l’entendre, lui procure des devises pouvant aller jusqu’à 2 millions F CFA contre une dépense estimée à 500 mille F CFA. « Dans notre village, beaucoup produisent la pastèque mais pas à grande échelle », indique-t-il.

Les acheteurs viennent de Zabré, Cinkansé, Pouytenga, et Tenkodogo. Sayouba cultive d’autres spéculations telles que le sorgho, le maïs et le riz, mais c’est la pastèque qui lui rapporte le plus, selon ses dires. Ses trois femmes et ses enfants constituent sa main d’œuvre. Avec l’argent de la pastèque, le polygame déclare avoir acheté des bœufs pour le labour, scolarisé ses quatre enfants et construit sa maison en matériaux définitifs. Toutefois, M. Saré regrette que les producteurs de la pastèque ne soient pas organisés en filière pour bénéficier de l’accompagnement des techniciens d’agriculture.

Sur ce point, le Directeur régional (DR) de l’Agriculture, des Aménagements hydro agricoles et de la Mécanisation du Centre-Est, Amos Congo, rassure que son service est disposé à leur apporter un appui en termes de renforcement des capacités, en attendant que le ministère décide de ce qui peut être fait pour la pastèque.

« Nous allons travailler à ce que les producteurs de pastèque puissent s’organiser en coopératives, en filière et pourquoi pas une union régionale. Cela va faciliter leur appui », souligne le DR. Toujours dans la bourgade de Bocla, Moussa Daboné s’adonne aussi à la production de la pastèque. Il exerce cette activité depuis plus de 20 ans, d’abord avec son géniteur avant de prendre son indépendance. Son exploitation s’étend sur trois hectares.

De bonnes affaires avec la pastèque

Le DR en charge de l’agriculture du Centre-Est,
Amos Congo, invite les producteurs de pastèque
à s’organiser en filière.

Grâce aux revenus tirés de la pastèque, M. Daboné a pu s’équiper en matériel agricole. Une charrette à traction asine, une charrue, des bœufs pour le labour et une motocyclette sont, entre autres, ses équipements. Tout comme les autres producteurs, Moussa Daboné a mis l’accent sur la pastèque au détriment des cultures vivrières.

« Même si je gagne le sorgho ou le maïs en petite quantité, ce n’est pas grave parce que la plupart de mes dépenses proviennent des recettes de la pastèque », confie-t-il. A l’écouter, il peut empocher, chaque année, 2 millions F CFA issus de la vente de quatre tonnes de pastèque. Comme difficultés liées à son activité, M. Daboné relève l’indisponibilité des semences et les retards qu’accusent parfois les clients dans l’achat de sa production.

« Cela nous cause souvent des pertes énormes », déplore-t-il. Pour cette campagne particulièrement, la pluie a fait un faux bond aux producteurs de Bocla, si bien qu’ils craignent de ne pas atteindre les résultats attendus. « En outre, nous n’avons pas les agents techniques d’agriculture pour nous donner des conseils sur la filière », ajoute Moussa. A ce propos, le DR en charge de l’agriculture dit reconnaitre la réalité des faits.

Il indique que pour le moment, il n’y a pas une politique d’accompagnement des producteurs de la pastèque, parce qu’elle n’est pas prise en compte comme une filière porteuse. Toutefois, M. Congo est d’avis que la pastèque rapporte à ses producteurs. Moussa Kamboné est également un habitué de la production de la pastèque. Il s’y attelle depuis une décennie. Dans son Bocla natal, son hectare de pastèque lui rapporte au moins 1 750 000 F CFA par an.

Il se réjouit que de toutes les spéculations, c’est la pastèque qui lui permet de se tirer à bon compte. Mais cette année, le manque de pluie a été la bête noire. « Nous sommes un peu découragés mais nous n’allons pas baisser les bras car, c’est notre principale source de revenus », se résigne M. Kamboné. Avec ses 20 années d’expérience dans la pastèque, Malick Daboné est sans conteste l’un des doyens des producteurs à Bocla.

Il exploite quatre hectares environ qui lui procurent des revenus substantiels. Compte tenu de la mauvaise pluviométrie cette année, il a été obligé de réduire la superficie de la pastèque au profit du maïs. « Il y a des années où les camions viennent charger ma pastèque sans pouvoir la finir », se souvient le vieux Daboné. Il affirme ne pas pouvoir estimer les richesses que ce fruit lui a apportées.

S’organiser pour mieux se défendre

Les producteurs de pastèque à Bagré demandent l’assistance
des techniciens du ministère en charge de l’agriculture.

Il cite, entre autres, plusieurs maisons construites et des animaux acquis. « Mieux encore, c’est avec l’argent de la pastèque que je suis allé à La Mecque. Maintenant, on m’appelle El hadj Malick dans tout le village », se satisfait-il. En plus, poursuit M. Daboné, c’est grâce à la pastèque que j’ai su comment déposer de l’argent en banque. « Une année, j’ai vendu la pastèque à plus de 4 millions F CFA et je ne savais pas où garder cet argent.

Mon fils m’a conseillé d’aller le déposer en banque et depuis lors, je suis devenu un client fidèle de la banque », raconte avec fierté El hadj Malick. Sur le site du barrage de Bagré, Jacques Oubda est un producteur de pastèque. Il dispose de deux hectares qu’il exploite depuis quatre ans. Il dit ne pas regretter son choix parce qu’il s’en sort parfois très bien.

« Je peux me retrouver avec 750 000 F CFA de bénéfice », estime-t-il avant de se convaincre que la pastèque rapporte beaucoup plus et moins exigeante en termes d’engrais que les autres spéculations. M. Oubda semble être un producteur chanceux. Il signale que depuis qu’il s’est lancé dans la culture de la pastèque, il n’a jamais rencontré de difficultés majeures pour son écoulement.

Selon le DR en charge de l’agriculture du Centre-Est, la région regorge de grandes potentialités agricoles dont la pastèque qui fait partie des cultures maraîchères. Deux provinces, en l’occurrence le Boulgou et le Koulpelogo, sont réputées pour la production de la pastèque. Malheureusement, dit-il, ses services ne disposent pas de statistiques exactes sur ce fruit.

Et cela, parce que dans son ministère, les Enquêtes permanentes agricoles (EPA) ne prennent pas, pour le moment, la filière pastèque en compte. « Même si elle doit être prise en compte, ce sera dans les statistiques de la production maraichère », foi du DR. Qu’à cela ne tienne, le Centre-Est demeure une grande productrice de pastèque et chaque année, des milliers de tonnes de cette spéculation y sortent.

Cependant, le souci demeure l’insécurité dans le Koulpelogo qui met à mal cette production. L’autre difficulté signalée par le DR Amos Congo est relative aux caprices de certains acheteurs qui fixent les prix selon leurs humeurs. Ce qui ne profite pas aux producteurs. En tout état de cause, le DR reste convaincu que la solution à tous ces problèmes réside dans l’organisation des producteurs.

François KABORE