Jardinage au Centre-Ouest : Les femmes s’adonnent à cœur joie au maraîchage

Les femmes de la coopérative Sulugné de Bavila visitant leur pépinière, prête pour le repiquage.

De nos jours, le jardinage n’est plus seulement l’apanage des hommes dans le Boulkiemdé et le Sanguié, région du Centre-Ouest. Autrefois pratiquée majoritairement par les hommes, cette activité est en passe d’être conquise par les femmes. Dans certains villages, elles règnent en maitresses absolues. Zoom sur des femmes modèles dans le jardinage.

Entretenir un jardin maraîcher n’a plus de secret pour certaines femmes du Boulkiemdé et du Sanguié. De la production des plants à l’arrosage, en passant par le repiquage et l’entretien courant des planches, elles maitrisent parfaitement la pratique au même titre que les hommes. A Yamadio, un quartier de Didyr, dans le Sanguié, un groupement de femmes appelé Yissê, présidé par Awa Kinda et fort de 25 membres, se donne à cœur joie dans le jardinage depuis plus d’une vingtaine d’années.

Propriétaires d’un terrain de 0,5 ha qui leur a été gracieusement offert par le défunt mari de dame Kinda, les membres de ce groupement se révèlent être des femmes à tout faire en matière de jardinage. En dehors des puits qu’elles estiment ne pas pouvoir creuser, le reste est à leur charge. La production des différentes spéculations en pépinière, en passant par la préparation du sol, la mise en place des planches et le repiquage, elles sont passées maitresses en la matière. Dans leur jardin, elles produisent de la tomate, de l’oignon, de la laitue, des aubergines, des choux…

Quatre puits sont implantés dans le jardin et leur permettent de mener à bien le travail d’arrosage. A en croire la présidente du groupement, Awa Kinda, aucune femme membre n’est paresseuse pour le travail qu’elle a librement choisi de mener. Selon elle, les tâches sont bien reparties et chaque femme s’y attelle. Cependant, le problème d’eau reste crucial et ralentit l’élan des femmes du groupement.

Dès fin janvier et début février, à les entendre, les puits se tarissent et mettent au chômage forcé tous les membres. C’est pourquoi, elles lancent un cri du cœur aux bonnes volontés pour qu’elles les aident à avoir un forage. Car, selon leurs explications, le jardinage leur rapporte des revenus substantiels à même de leur permettre de subvenir aux besoins de leur famille et de s’occuper de la scolarité de leurs enfants. En attendant, les femmes se battent pour créer une coopérative qui est la condition requise pour bénéficier des financements auprès des partenaires.

Une production bio

Georgette Nagalo, en plein entretien du jardin de son fils,
a reçu la visite de ce dernier, venu l’encourager.

Non loin de ce site et toujours dans la commune de Didyr, quatre coépouses font la fierté du village. Il s’agit des femmes d’El hadj Boureima Bakouan qui excellent dans le jardinage. Awa Kanko, la première épouse, indique que cela fait 15 ans que leur mari a initié le jardin pour elles. Il y a fait creuser des puits et installer une moto pompe.

A l’intérieur du jardin, chaque femme a sa portion qu’elle exploite souvent avec l’aide de ses enfants. Parfois, elles s’entraident quand le besoin se fait sentir. La tomate, les aubergines, la papaye, les concombres, la laitue… sont les spéculations produites. Lors de notre passage, leur motopompe était en panne pendant que leur mari est allé vendre du bétail en Côte d’Ivoire.

Son retour est vivement attendu par Awa et ses coépouses. Les quatre épouses de El hadj Boureima jouissent pleinement des fruits de leurs efforts. Tout ce qui est récolté dans le jardin leur revient de droit. « Nous utilisons l’argent que nous gagnons pour s’occuper de nos enfants, puisque El hadj n’en veut pas », affirme Binta Kankouan, la deuxième épouse.

Dans le village de Lapio, à quelques encablures de Didyr, la coopérative Zhe-na-nye (c’est bon d’avoir une maman, en langue liélé) fait également des merveilles. Cette coopérative maraichère, forte de plus de 40 membres, est présidée par Claire Kankouan. Elle dispose d’un jardin d’un hectare dans lequel toutes sortes de spéculations sont produites, y compris le moringa et les feuilles de baobab.

Le site est sécurisé car, disposant d’un document administratif. La spécificité de cette coopérative est que toute sa production est bio. Pour cela, elle bénéficie de l’appui des techniciens de l’agriculture dans la production du compost bio. La coopérative Zhe-na-nye a également eu le soutien des partenaires pour la réalisation d’un puits à grand diamètre et des canalisations par raccordement pour faciliter l’arrosage. A les écouter, leurs fruits et légumes sont bien vendus au regard de leur qualité. Ce qui leur permet d’assurer le bien-être de leur famille.

Dans le village de Pouni Nord, toujours dans la commune de Didyr, un groupement de femmes dénommé Kedwané est sur le point d’obtenir le statut de coopérative. Cette coopérative en devenir, créée depuis 1999, compte 36 membres. Elle produit l’oignon, les choux, la tomate et bien d’’autres spéculations sur un terrain d’un hectare. Sur le site, seulement 22 membres disposent chacune d’une parcelle.

Selon la présidente de la coopérative, Edoua Kando, les femmes s’en sortent bien dans le jardinage car, chacune peut gagner au moins 500 kilogrammes d’oignon par récolte. Une production qui leur permet de joindre les deux bouts.

Le manque de terre, un handicap

Selon la présidente de la coopérative Zhe-na-Nye, Claire Kankouan, toutes les femmes membres sont fortement engagées.

Cependant, les femmes de la coopérative Kedwané ont un gros souci avec Badama Dango, le petit frère de celui qui leur avait cédé le terrain. Malgré un procès verbal de cession signé en 1999 par le préfet du département de l’époque, M. Dango tient à retirer le terrain aux dames.

« Revenu de la Côte d’ivoire, il (Dango) a remis en cause le document, sous prétexte que le terrain appartient à leur papa, donc à eux tous », explique Mme Kando. En attendant, la coopérative souhaite le soutien des bonnes volontés pour non seulement résoudre ce différend mais aussi clôturer le jardin en grillage. Pour sa part, le vieux Badama soutient n’être pas au courant de cette cession de terre par son grand frère.

Toujours à Pouni Nord, la coopérative Silizien fait aussi ses preuves dans le jardinage depuis une dizaine d’années. Au bord de la retenue d’eau du village, la quarantaine de membres que compte la coopérative exploite 0,25 ha. Ici, l’oignon est la spéculation phare et les femmes s’en sortent plutôt bien.

A Bavila, dans la commune de Tenado, les femmes s’activent également dans le jardinage. Dans ce village, c’est pratiquement une concurrence entre femmes de tout âge dans la production de contre-saison. Elles sont nombreuses à rivaliser non seulement entre elles, mais aussi avec les hommes. Parmi elles, dame Abou Nagalo qui dit pratiquer le jardinage depuis sa tendre enfance. Mariée et mère de six enfants, elle aide son époux à travailler dans son jardin d’environ 0,25 ha.

« N’ayant pas mon propre terrain, je me suis résolue à aider mon mari. Après la vente, il me donne au moins 30 000 F CFA », déclare-t-elle, tout en arrosant ses plantes. Pour elle, gagner cette somme au village est une aubaine. Non loin du jardin du couple Nagalo, une autre femme de 55 ans environ est à la tâche. Il s’agit de Georgette Nagalo pour qui le jardinage n’a plus de secret.

Aidée de son fils, ils estiment leur gain annuel à 300 000 F CFA. Au secteur 1 de Koudougou, précisément au quartier Koudyiri, une vaste étendue de cultures maraîchères émerveille tout visiteur. Plusieurs hectares de terres sont envahis par des jardiniers et jardinières. Ici encore, ce sont les femmes qui dictent leur loi.

Patricia Zoma est étudiante en première année de sciences économiques et de gestion (SEG) à l’université Norbert-Zongo. Malgré ses études, elle trouve toujours du temps pour aider sa mère dans le jardinage auquel elle s’est attachée depuis la classe de Sixième. « Cette activité nous permet de subvenir à nos besoins. Je préfère passer la plupart de mon temps libre au jardin que dans les balades », soutient-elle.

François KABORE