Fosses septiques biofils: Se passer des vidanges pendant vingt ans

Le problème de l’assainissement, notamment les vidanges des fosses septiques, demeure une préoccupation majeure dans nos agglomérations. Au regard du manque de dépotoirs appropriés des eaux des toilettes et des déchets solides, des usagers les déversent à l’air libre ou parfois en ville. Une situation qui peut être source de maladies ou de pollution. C’est dans le but de résoudre cette épineuse question que la société Eclat BTP, une structure pilotée par un jeune burkinabè, propose des fosses septiques non vidangeables pendant une période d’au moins vingt ans.

En juin 2021, le jeune ingénieur en génie civil et par ailleurs technicien biofil, Cheick Boubacar Isaac Sawadogo, réalise une fosse septique dans le chantier de construction d’une maison à usage d’habitation d’un particulier à Kamboinsin dans l’arrondissement 9 de Ouagadougou. Plus de six mois après la réalisation de cette fosse septique dans cette cour, construite entièrement en pierres taillées, aucune plainte par rapport à la réalisation n’a été constatée. Nous avons visité cette fosse septique le 21 janvier 2022 qui semble ne pas présenter à la date d’aujourd’hui un problème particulier.

Ces fosses septiques dénommées fosses biofils, selon son concepteur Cheick Boubacar Isaac Sawadogo, sont des fosses qui permettent de gérer à la fois les excréments humains et les eaux de toilettes, de cuisines et autres, pendant une période de vingt ans sans avoir recours à aucune forme de vidange. Car, de son avis, lors de la conception de la fosse, un dispositif est installé en vue de transformer les excréments en compost. Ce compost peut être utilisé comme fertilisant pour les sols pauvres afin de les améliorer pour les différentes cultures.

Cette technique, M. Sawadogo, par ailleurs Président directeur général (PDG) de Eclat Bat l’a acquise à la suite d’une formation au Togo. « Ce sont des fosses septiques qui existent depuis des dizaines d’années au Benin, au Togo et au Ghana », soutient-il.

Mais au Burkina Faso, précise-t-il, avec les explications et les sensibilisations, la mayonnaise est en train de prendre petit à petit. Ainsi, de janvier 2019, date de conception de la première fosse septique biofil au Burkina Faso notamment à Ouargaye dans la région du Centre-Est, l’entreprise Eclat Bat est à sa 70e fosse septique aujourd’hui selon son PDG.

Cheick Boubacar Isaac Sawadogo a rassuré, le 21 janvier 2022 que les fosses septiques biofils revêtent d’énormes avantages comparativement à celles ordinaires.

 De la spécificité des fosses septiques biofils

Car, indique-t-il, « elles occupent moins d’espace c’est à dire qu’elles peuvent se construire sur une superficie de 1,5 à 2 m2.. En plus de cela, les fosses biofils ne dégagent pas d’odeur et d’inconforts souvent constatés dans les WC ordinaires ».

L’ingénieur souligne que lors de la conception des fosses biofils, un dispositif de filtrage des déchets solides aussi bien des excréments que des résidus d’aliments est mis en place avant qu’ils n’arrivent dans la fosse septique.

Aussi, poursuit-il, ce système de filtrage se conçoit avec des produits bio c’est-à-dire non chimiques. Ces produits provenant uniquement de la nature sont entre autres du « granite que nous mettons en première position, ensuite deux couches de filas ou résidus provenant du cocotier ou à défaut de la paille ordinaire, du charbon de bois, et du bio enzyme, un produit biodégradable pour les déchets organiques. Et tous ces produits sont disponibles au Burkina, sauf le bio enzyme que nous importons du Togo », explique-t-il.

Cheick Boubacar Isaac Sawadogo relève que « la fosse septique biofil est à deux compartiments. Lorsque les déchets quittent les toilettes, qu’elles soient internes ou externes, pour la fosse septique, au premier compartiment, il y a une filtration qui est faite laissant les eaux passer directement dans un puisard. Et la fosse ne retient uniquement que les déchets solides. Grâce au système de bio filtration et de biodégradation que nous installons à l’intérieur, il y a une dégradation qui s’effectue car le processus de biodégradation doit s’activer et à l’aide de micro-organismes et de bio enzyme qu’on introduit à l’intérieur, ils dégradent ces déchets qui vont se transformer en compost et s’étaler à l’intérieur de la fosse septique».

Si les déchets solides sont transformés en compost, les eaux de toilettes et de cuisine elles, sont selon le PDG de Eclat BTP, recueillies dans un puisard. Ceci, grâce au système de séparation des puisards. Mais il n’exclut pas la possibilité de combiner le tout avec l’application du système de filtrage aussi bien des huiles que les restes des nourritures, savon et autres.

Pour lui, ces eaux recueillies dans le puisard grâce aux différents mécanismes de filtrage s’infiltrent au sol ou peuvent être réutilisées pour arroser les plantes et les jardins, laver les véhicules et les maisons. Cela nécessite, de ses dires, l’installation d’une machine pour faire remonter l’eau afin de la recueillir et de la réutiliser.

L’ingénieur rassure que ses fosses biofils sont très adaptées et recommandées notamment dans les zones inondables. Il explique que la cause du remplissage des fosses surtout ordinaires est dû au fait que les gens creusent les puisards beaucoup en profondeur au point de se rapprocher de la nappe phréatique. Et les eaux de la nappe profitent de ce vide pour remonter, causant ainsi le remplissage de la fosse.

Il confie également que les savons, les résidus de graisse et autres contribuent à boucher les pores du sol des fosses ordinaires, entrainant le remplissage.

Conscient de cela, l’ingénieur dans la conception de ses fosses n’excède pas 1,5 à 2 m de profondeur pour éviter la remontée d’eau.

« Nous avons un puisard dénommé puisard intelligent d’éclat BTP qui filtre les eaux avant qu’elles n’arrivent au niveau des puisards. Et là, nous évitons aussi d’aller trop en profondeur et on bétonnera le fond afin de permettre à l’eau de s’infiltrer dans le sol », poursuit-il.

Au fil des années, M. Sawadogo et son équipe, composée d’une vingtaine d’ouvriers qualifiés, de contrôleurs et d’un contrôleur général restent disponibles pour accompagner leurs clients dans la maintenance. Cette maintenance, de son avis, se fait au bout de cinq ans d’utilisation. « Nous allons ouvrir pour voir quel a été le comportement de la fosse septique. S’il se trouve qu’il y a des déchets qui ont suivi pour se retrouver dans la fosse septique, nous les retirons et refermons afin que le processus puisse continuer », assure-t-il.

Aussi, prévoit-t-il, dans le cadre de l’innovation de ses activités, la confection de la fosse septique en préfabrication avec les mêmes fonctionnalités et en une journée de réalisation. Cette technique devrait permettre de réduire davantage aussi bien le coût que la durée de conception pour le bonheur de la population.

Fidèle Daboné, également ingénieur de génie civil, par ailleurs un des clients de Eclat BTP, confie qu’après avoir expérimenté les fosses septiques biofils, il ne peut que désormais les recommander à ses clients dans le cadre de son travail de construction de bâtiment. Selon lui, elles sont très écologiques par rapport aux fosses ordinaires qui demandent régulièrement des vidanges. Pourtant selon monsieur Daboné, l’assainissement qui, n’étant pas très développé dans notre pays, est source de maladies pour les populations.

« Non seulement les fosses biofils ne sont pas polluantes mais en plus elles sont moins coûteuses par rapport aux fosses ordinaires », laisse entendre Fidèle Daboné.

Pour ce faire, l’ingénieur ne manque pas de les recommander à ses bailleurs : « Je les recommande à certains de mes bailleurs qui à leur tour les recommandent à d’autres personnes. Certains même avaient déjà exécuté les fosses ordinaires mais ont dû suspendre pour construire des fosses biofils ».

En terme de coût de réalisation, il estime qu’il est nettement moins cher rapport aux fosses ordinaires. Selon lui, pour la réalisation d’une fosse septique ordinaire qui répond aux normes, il faut au moins 800 mille francs CFA. Pourtant celles biofils ne coûtent que la moitié soit 400 mille francs CFA.

« L’Office nationale de l’eau et de l’assainissement (ONEA) devrait les accompagner et encourager dans le cadre du système de recueillement des eaux selon moi », confie Fidèle Daboné.

Mieux, M. Daboné, en tant que membre de l’Ordre national des architectes du Burkina Faso, se propose de recommander le travail du jeune Sawadogo à cette structure. De ce fait, il compte entamer les démarches dans les prochains mois. « Les démarches consistent à expliquer tout en faisant ressortir les différents avantages, la méthode d’exécution et les différentes retombées. Aussi, les aspects coût et hygiène seront-ils des atouts. Car avec ces deux éléments, nous pouvons facilement convaincre les différents ordres », conclut-il.

                                                                                      Rabiatou SIMPORE

                                                                                 rabysimpore@yahoo.fr