Sénégal : Eligibilité compromise pour Ousmane Sonko

1-Quel que soit le verdict dans l’affaire Adji Sarr, Ousmane Sonko entend poursuivre le combat avec le soutien de ses partisans.

Renvoyé à plusieurs reprises, le procès pour viols présumés et menaces de mort intenté par l’employée d’un salon de massage, Adji Sarr, contre l’opposant Ousmane Sanko, pourrait déterminer l’avenir politique du candidat déclaré à la présidentielle de 2024. En cas de condamnation, il pourrait être déclaré inéligible à ce scrutin crucial. En attendant le verdict du 1er juin prochain, le procureur a requis 10 ans de réclusion criminelle contre l’opposant, à l’issue du procès du 23 mai dernier, tenu en son absence.

C’est finalement au petit matin du 24 mai que le réquisitoire du procureur est tombé, dans l’affaire opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr, employée d’un salon de massage à Dakar. Celle-ci l’accusant de viols et de menaces de mort sur la période allant de décembre 2020 à février 2021. Lors de l’audience, la plaignante, Adji Sarr, a maintenu ses accusations de viols, assurant qu’elle avait été abusée cinq fois par Ousmane Sonko au sein du salon.

C’est de sa maison de Ziguinchor, ville dont il est le maire, que l’accusé a sans doute suivi le réquisitoire du procureur. Craignant pour sa sécurité, l’opposant ne s’est pas rendu au tribunal. Ayant tenté en vain d’obtenir un report de l’audience, ses avocats ont quitté la salle, de même que la gérante du salon de massage, qui a d’ailleurs contredit certains propos de son employée Adji Sarr, notamment au sujet des viols.

De par le passé, Ousmane Sonko a, certes, reconnu être allé dans cet établissement se faire masser pour apaiser des douleurs de dos chroniques. Mais il a toujours réfuté les accusations de viols. Pour lui, il s’agit tout simplement d’un complot du pouvoir, à travers cette affaire, pour l’écarter de la présidentielle de 2024. Dans le cas où le tribunal suivra le procureur dans sa réquisition, le 1er juin prochain, le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) pourrait voir son ambition présidentielle pour 2024 tomber à l’eau, par un retrait de la liste électorale.

Cette affaire de viols présumés vient s’ajouter à une autre en suspens, celle pour diffamation, pour laquelle le ministre sénégalais du Tourisme l’a poursuivi. Il avait été condamné à six mois avec sursis. Déjà à ce niveau, la question de son inéligibilité se posait.

Pour ce genre d’affaires et selon le code électoral sénégalais, le retrait des listes électorales concerne ceux condamnés à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis ou à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à six mois avec sursis. Dans ce cas, il ne sera pas étonnant d’assister une fois de plus à des remous, à travers des manifestations de protestation des partisans de Ousmane Sonko.

En effet, que ce soit lors de certains de ses meetings ou lors des différentes convocations pour faire face à la justice, des heurts entre partisans de l’opposant, très populaire auprès des jeunes, et les forces de l’ordre ont toujours eu lieu.

Durcissement du climat sociopolitique

Ce climat tendu auquel on assiste au Sénégal, depuis deux ans, est difficilement dissociable de la présidentielle de février 2024. Au fur et à mesure que cette échéance approche, la tension politique est toujours montée d’un cran. En plus de Ousmane Sonko, l’éligibilité d’autres poids lourds comme Khalifa Sallet et Karim Wade à cette même présidentielle n’est pas garantie, du fait de leurs ennuis judiciaires passés. Au regard de cette donne, le climat politique au Sénégal risque d’être explosif dans les semaines et mois à venir.

Dans les rues de Dakar, l’exaspération se fait sentir et des citoyens souhaitent que les politiques s’accordent pour l’avènement d’un scrutin apaisé. Le président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012 et réélu en 2019, est soupçonné de briguer un troisième mandat. Après plusieurs déclarations dans lesquelles il affirmait qu’il ne se présenterait pas en 2024, Macky Sall semble aujourd’hui cultiver le flou.

Dans un entretien publié mi-mars par un magazine français, il indiquait que seuls des facteurs politiques et non pas constitutionnels, l’empêcheraient de se présenter. En tous les cas, les opposants à un troisième mandat du président actuel ont toujours brandi l’article 27 de la Constitution révisée du 5 avril 2016. Il y est clairement stipulé que nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs à la tête de l’Etat sénégalais.

Et face à ce qui ressemble à un « forcing » vers un troisième mandat, une coalition formée de partis politiques, d’organisations de la société civile et de personnalités indépendantes a vu le jour le 16 avril dernier. Elle vise à obtenir, selon ses propres termes, le respect par le président Macky Sall de la Constitution et de la parole donnée et son renoncement à présenter sa candidature pour un troisième mandat illégal et illégitime. Un message on ne peut plus clair.

Gabriel SAMA