Renoncement de Macky Sall : Un ouf de soulagement pour les Sénégalais

En renonçant à une 3e candidature, Macky Sall a fait preuve d’une certaine intelligence politique.

Le 3 juillet 2023, le président sénégalais, Macky Sall, renonçait à se présenter à un 3e mandat pour la présidentielle de l’année prochaine, à travers un discours très attendu. Si cette sortie a constitué une bouffée d’oxygène pour la démocratie sénégalaise, elle semble sonner en même temps le glas d’un fonds de commerce qui permettait à l’opposition de mobiliser des foules et de rebattre les cartes au sein de la majorité.

Pour de nombreux Sénégalais et des observateurs hors du Sénégal, le renoncement de Macky Sall a été une surprise. Ils étaient persuadés que l’enfant de Fatick allait opérer un forcing en annonçant sa volonté de rester à la tête du Sénégal, au-delà des deux mandats constitutionnels. L’actualité ces deux dernières années au pays de la Teranga les confortait dans leur position. Car, depuis mars 2021, l’opposant Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019, fait régulièrement face à la justice, avec à chaque fois des heurts entre ses partisans et les forces de l’ordre, occasionnant des pertes humaines, matérielles et des arrestations.

Les ennuis judiciaires du leader du Pastef, le parti de Sonko, ont toujours été considérés par ce dernier comme un complot politique, orchestré par le pouvoir pour écarter sa candidature à la présidentielle de 2024. Dans le même temps, le président Macky Sall, que Sonko accuse d’être derrière ces « machinations », n’avait jamais été clair, quant à une volonté de respecter le terme de son mandat présidentiel. La condamnation de Sonko, le 1er juin dernier à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », alors qu’il était poursuivi au départ pour une affaire de viol présumé, peut accréditer la thèse du complot que défend le maire de Thiès.

Cette sentence le rend d’ailleurs à l’état actuel inéligible. Quelques heures seulement après le verdict, la capitale Dakar et des villes de l’intérieur avaient connu des violences sans précédent qui ont occasionné des pertes en vies humaines. Selon les autorités, 16 morts ont été enregistrés, pendant que l’opposition indique une trentaine de disparus. La décision du chef de l’Etat sénégalais de ne plus briguer un troisième mandat, saluée au Sénégal et au-delà, vient donc comme un ouf de soulagement.

On imagine que les violences allaient s’intensifier avec la perspective du chaos, si d’aventure le président Macky Sall avait déclaré sa candidature. On peut considérer que le successeur d’Abdoulaye Wade a fait preuve d’intelligence politique, en ne fonçant pas droit dans le mur, à l’instar d’un certain Mamadou Tanja au Niger qui, il y a une dizaine d’années, a vu son mandat de trop écourté par un coup d’Etat militaire mené par Salou Djibo. Situation différente au Sénégal où la détermination des opposants au troisième bail de Macky Sall, l’a finalement contraint à renoncer à son projet.

Il assure l’avoir fait parce que le Sénégal dépasse sa personne et le pays regorge de leaders capables de reprendre les rênes. Pour certains observateurs et l’opposition en particulier, le chef de l’Etat sortant ne mérite pas de félicitations, car il n’a fait que respecter la Constitution. Réagissant au lendemain du renoncement du chef de l’Etat, Ousmane Sonko a estimé que c’est au regard de la pression populaire et internationale, que le président a fait marche arrière.

Par conséquent, cette décision n’est point historique comme le pensent certains. Ce qui est en revanche historique, c’est le fait que, pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, le président sortant ne sera pas candidat à un troisième mandat. Le président Senghor ayant démissionné et les présidents Diouf et Wade ayant été battus à la régulière en tentant de briguer un troisième mandat.

Quel sort pour Sonko ?

Maintenant que le président Sall a renoncé à concourir pour la présidentielle de l’année prochaine, dissipant ainsi les doutes, il reste toujours une autre inconnue. Que fera-t-on d’Ousmane Sonko ? Condamné dans deux affaires qui ont tenu le Sénégal en haleine ces deux dernières années et qui le rendent pour l’instant inéligible, quel sera finalement son sort ?

L’intéressé était maintenu en résidence surveillée depuis le 28 mai et a vu son meeting d’investiture interdit, le 15 juillet dernier. En guise de protestation, un concert de casseroles de 30 minutes a eu lieu le même jour à l’appel de Sonko. Pour l’instant donc, la participation de l’opposant à la présidentielle de 2024 demeure incertaine et il pourrait être arrêté. Si son inéligibilité venait à être confirmée, le risque d’une dégradation du climat socio-politique, une fois de plus, n’est pas à exclure.

Et s’il est autorisé à prendre part au scrutin, se posera la question de sa capacité de mobilisation que l’on a observée jusque-là. Le principal motif était la candidature de Macky Sall. Cet argument est désormais caduc. Même si l’opposition dans son ensemble ne manque pas d’arguments, il sera intéressant d’observer son degré de mobilisation et sa capacité à battre le candidat que la majorité aura choisi.

Des poids lourds sont déjà dans les starting-blocks. L’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, a déjà annoncé sa candidature. Et celle de Karim Wade n’est pas à exclure. L’on évoque également un duo composé de Khalifa Sall et de Barthélémy Dias, l’ancien et l’actuel maire de Dakar pour briguer la magistrature suprême en 2024. En face, depuis que le président Sall a renoncé à se représenter, les ambitions ont commencé à se dévoiler au sein du parti présidentiel.

Mais l’Alliance pour la République (APR), le parti au pouvoir, a donné carte blanche au président sortant de choisir celui qui sera son porte-étendard en 2024. Serait-ce Amadou Ba, l’actuel Premier ministre, qui avait eu le privilège de piloter le Programme Sénégal émergent (PSE) du temps où il était ministre en charge de l’économie ? Militants et cadres du parti devraient être situés bientôt.

Mais en politique, rien n’est totalement acquis et une surprise n’est pas à écarter. Contraint d’abandonner le fauteuil présidentiel, le président sénégalais ne peut pas trop se plaindre, au regard de son parcours politique. Macky Sall est au sommet de l’Etat depuis une vingtaine d’années, en raison du fait qu’il a occupé plusieurs postes ministériels depuis 2001 et a été au premier plan en tant que Premier ministre et président de l’Assemblée nationale.

Cette ascension a été couronnée par la présidence de la République qu’il occupe depuis 2012. Au-delà des critiques, on retiendra que son passage à la tête de l’Etat a été marqué par la mise en route de grands travaux à travers le PSE, grâce auquel la nouvelle ville de Diamniadio, abritant d’importantes infrastructures sportives, a été créée. De même que le Train express régional. Cette ligne électrique de chemin de fer destinée à relier Dakar à cette ville futuriste, constitue une première en Afrique de l’Ouest.

Gabriel SAMA