Production de maïs : « Komsaya » et « Bondofa » sur le front de l’offensive

Komsaya, une variété de maïs à haut potentiel de rendement.

Produire deux millions de tonnes de maïs par an à l’horizon 2025, telle est la vision déclinée par le ministère en charge de l’agriculture dans le cadre de son offensive agropastorale. Pour y arriver, les acteurs ont jeté leur dévolu sur deux hybrides à savoir « Komsaya » et « Bondofa ». L’atteinte de cet objectif va nécessiter un investissement colossal de près de 70 milliards F CFA dont près de 21 milliards pour cette première année de mise en œuvre. Dans les régions des Hauts-Bassins et des Cascades, la plupart des acteurs semblent épouser la vision des autorités. Les préparatifs se déroulent bien et nombreux sont ceux qui sont déjà prêts pour aller au « front ».

Sous un soleil de plomb et à grandes enjambées, des producteurs agricoles slaloment, ce mercredi 18 octobre 2023, entre les pistes enchevêtrées dans la plaine aménagée de Douna, commune rurale de la province de la Léraba, dans la région des Cascades. De part et d’autre, foisonnent des champs de riz, de maïs, de patate douce et bien d’autres spéculations. La campagne humide s’achève lentement mais sûrement sur une bonne note d’espoir. Les regards sont désormais braqués vers la campagne sèche qui revêt d’une importance particulière.

En effet, elle sera mise à profit par les autorités du ministère en charge de l’agriculture pour lancer l’offensive agropastorale, une initiative visant à assurer au Burkina Faso, l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2025. Sur le site de Douna, les principaux acteurs affûtent déjà leurs armes. L’offensive agricole semble enregistrée ici une forte adhésion des producteurs. La plupart trépignent d’impatience pour se remettre au travail. « Tous les membres de nos différentes coopératives sont prêts », assure Alassane Soura, responsable à la production de l’union des coopératives agricoles de la plaine de Niofila-Douna.

Cette plaine est réputée être un bastion de production de riz. Mais en campagne de contre-saison, les parties élevées abritent des champs de maïs, une spéculation qui imprime de plus en plus sa marque dans cette zone de riziculture. Pour booster les rendements, les acteurs de l’offensive agropastorale ont jeté leur dévolu sur les hybrides « Komsaya » et « Bondofa ». Mis au point par la recherche burkinabè, ces hybrides bénéficient d’une popularité auprès des producteurs.

Bien appréciés avec des rendements qui varient respectivement entre 8 et 9,5 tonnes et 7 et 8 tonnes à l’hectare, « Komsaya » et « Bondofa » ont déjà fait leur preuve sur le terrain. Si bien que leur production n’a plus de secret pour bon nombre d’acteurs. Dr Jacob Sanou, sélectionneur de maïs à l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) à Bobo-Dioulasso, estime que le choix de ces variétés a été bien mûri. « Elles sont bien connues des producteurs, ce qui est un avantage », affirme-t-il.

Le Burkina, autosuffisant en maïs depuis 1998

L’offensive vise la production de deux millions de tonnes de maïs
par an à l’horizon 2025

Dans le catalogue de l’INERA, des variétés dites de la nouvelle génération d’hybrides comme Sanem et Kabako offrent des rendements bien meilleurs, allant au-delà de 10 tonnes à l’hectare. Faute de la disponibilité de leurs semences, explique Dr Jacob Sanou, ils ont été mis à l’écart dans le cadre de l’offensive agropastorale. Mais étant donné que les producteurs semenciers sont entrés en action, il nourrit l’espoir de voir des champs emblavés de ces variétés les années à venir.

Afin de préparer le terrain pour leur vulgarisation à grande échelle, Dr Sanou propose que des parcelles de démonstration soient mises en place cette année à côté des champs de « Komsaya » et « Bondofa ». La recherche a su contribuer de par ses prouesses à impulser la production de cette céréale, l’une des plus consommées au Burkina Faso. Dr Jacob Sanou rappelle qu’elle a permis au Burkina Faso d’atteindre l’autosuffisance en maïs depuis 1998. Et malgré la crise sécuritaire, informe-t-il, le maïs du Burkina continue de s’exporter vers la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Niger, entre autres.

« Allez-y regarder dans les statistiques, vous verrez que le Burkina Faso n’importe plus de maïs depuis des années », relève Dr Sanou. Le ministère en charge de l’agriculture veut ratisser large. Il s’appuie certes sur les producteurs mais mène aussi des opérations de charme auprès des acteurs du secteur privé. Agrobusiness man de son état, Abdoulaye Sawadogo, Président-directeur général de l’entreprise semencière Neema agricole du Faso (NAFASO), sollicite 3000 ha dans le périmètre irrigué de Samendéni pour produire du maïs.

Son projet va nécessiter un important investissement d’environ 20 milliards F CFA mais, l’agro-investisseur ne semble guère se soucier de sa capacité à mobiliser ces fonds, rapporte le Directeur régional (DR) en charge de l’agriculture des Hauts-Bassins, Eric Pascal Adanabou. Le ministère en charge de l’agriculture a entrepris des actions d’information et de sensibilisation des acteurs.

Dans cette optique, l’union des coopératives agricoles de la plaine aménagée de Niofila-Douna a été contactée, foi de son Secrétaire général (SG), Abdoulaye Kara. Il précise que le choix des variétés de maïs n’a pas été imposé aux producteurs. Comme quoi, c’est de commun accord avec les autorités, en fonction de leur rentabilité et leur goût, que les deux ont été retenues. « Certaines variétés de maïs ne sont pas adaptées au tô. Tout cela a été pris en compte dans le choix », détaille-t-il.

Garantir le marché, une exigence

Abdoulaye Kara, SG de l’union des producteurs de Niofila, épouse la vision de l’offensive.

Alassane Soura dit soutenir la vision du ministère parce qu’elle s’inscrit en droite ligne de la reconquête de la souveraineté alimentaire du Burkina Faso. Toutefois, ce producteur lance un cri du cœur aux autorités quant au strict respect des délais de livraison des intrants agricoles. Il souhaite également que le volet formation des producteurs à la culture des hybrides ne soit pas occulté, car beaucoup ne les maîtrisent pas toujours. « Généralement, ce sont les responsables des organisations paysannes qui bénéficient de ces formations au détriment de la masse », souligne-t-il.

L’autre préoccupation et pas des moindres qu’il tient à souligner est la recherche de débouchés des produits agricoles. Le producteur Soura entend engager les membres des différentes coopératives sur le front de l’offensive agropastorale à condition que le marché de leurs productions soit garanti par l’Etat. « Si cette condition est réunie, je parie qu’il y aura une surproduction à la fin de la campagne », lance-t-il, tel un défi. Le coordonnateur du Projet d’aménagement et de valorisation de la plaine de la Léraba (PAVAL), Silamane Kaboré, confie avec force conviction que le terrain est balisé.

A son avis, la plaine de Douna sera au rendez-vous. Pour l’heure, les efforts sont cristallisés sur la mobilisation de tous les acteurs autour de la vision, à travers des campagnes d’information et de sensibilisation. Sur cette plaine, une superficie de 100 ha est destinée à la production du maïs. Environ 1 500 kilogrammes de semences doivent être attribuées aux producteurs. A propos des fertilisants, les responsables de la plaine rassurent qu’ils sont en cours d’acquisition. Au total, une commande de 380 tonnes d’engrais (NPK et Urée) devrait être livrée.

Les producteurs installés sur la plaine se taillent la part du lion. Ils recevront 230 tonnes contre 150 aux autres à travers la direction régionale en charge de l’agriculture des Cascades. La plaine de la Léraba est en manque de personnel d’encadrement, fait remarquer les responsables du projet. Avec un besoin de 10 conseillers, elle ne dispose que de la moitié. Qu’à cela ne tienne, les préparatifs vont bon train.

Le DR en charge de l’agriculture des Hauts-Bassins, Eric Pascal Adanabou, a sonné la mobilisation de ses troupes et promet un franc succès à cette initiative. D’après lui, les Hauts-Bassins constituent une région stratégique en matière d’autosuffisance alimentaire au Burkina avec une contribution d’environ 18% à la production nationale, toutes spéculations confondues.

Les acteurs sont prêts

Le DR en charge de l’agriculture des Cascades, Haoua Yaro, plaide pour la dotation de ses agents en moyens roulants.

Pour lui, l’offensive agricole vient donc à point nommé car il ne peut y avoir de souveraineté sans autosuffisance alimentaire. « L’offensive agricole est déjà en marche dans les Hauts-Bassins », dit-il, l’air serein. Répondant aux inquiétudes soulevées par les producteurs, il révèle que les semences sont déjà arrivées et bientôt ce sera le cas des engrais. Dans le cadre des préparatifs de cette offensive, la direction régionale en charge de l’agriculture des Cascades, est aussi sur tous les fronts. Haoua Yaro, la patronne de cette direction, se réjouit de l’engouement suscité par l’initiative au sein des producteurs, preuve qu’ils épousent la vision.

A son avis, la région compte emblaver 150 ha de maïs au cours de cette première année de mise en œuvre de l’offensive agropastorale. « Nous sommes présentement dans une phase de sensibilisation des producteurs et nous avons la certitude d’y arriver », avoue-t-elle. Embouchant la même trompette que le DR des Hauts-Bassins, elle laisse entendre que tout est fin prêt. « Nous avons le nécessaire pour démarrer », note Mme Yaro. Par rapport au déplacement de ses agents, elle plaide pour leur dotation en moyens roulants, ce qui leur permettra d’être encore plus proches des producteurs. L’objectif visé par l’offensive est de produire deux millions de tonnes de maïs d’ici à 2025.

Pour y arriver, il est prévu au plan national, l’aménagement de 30 000 ha de bas-fonds destinés à la production de maïs et de riz. L’offensive se chiffre à 592 milliards F CFA d’investissement couvrant la période 2023-2025. Le financement est assuré à 46%, soit environ 275 milliards F CFA par les ressources publiques et 54% équivalent à 317 milliards F CFA du budget par le secteur privé. La filière maïs va engloutir à elle seule près de 70 milliards F CFA dont près de 52 milliards F CFA d’investissement devraient être réalisés par le privé et plus de 17 milliards F CFA par les ressources de l’Etat.

Au cours de cette première année de mise en œuvre de l’offensive, ce sont près de 21 milliards F CFA d‘investissement qui sont prévus dans cette filière. Des contraintes de production, on en rencontre partout. La difficulté majeure reste celle liée à la disponibilité de l’eau. En la matière, l’offensive prévoit la construction de forage et aussi la réhabilitation d’infrastructures hydrauliques existantes.

A la plaine de la Léraba par exemple, les producteurs sont confrontés à la baisse du niveau de l’eau occasionnant des tensions sur le site. D’où l’imposition de son rationnement, une approche qui ne manque pas très souvent de faire des mécontents. Le coordonnateur du PAVAL reconnaît qu’irriguer 1500 ha n’est pas chose aisée. Toutefois, il estime que toutes les dispositions sont prises pour parer à toute éventualité.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

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