Trafic d’ivoire: cinq personnes à la barre

Au total 18 ivoires pesant 20,10 kg ont été saisis.
Cinq personnes dont un forestier, un militaire et deux VDP ont comparu, mercredi 15 janvier 2025, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Fada N’Gourma pour répondre des faits de détention illégale d’ivoires et tentative de commercialisation illicite d »ivoires pour certains, et de complicité de détention illégale d »ivoires et complicité de commercialisation illicite d’ivoires pour d’autres.
Poursuivis pour détention illégale d’ivoires et tentative de commercialisation illicite d’ivoires pour certains et pour complicité de détention illégale d’ivoires et complicité de commercialisation illicite d(ivoires, pour d’autres, cinq individus étaient à la barre de la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance (TGI) de Fada N’Gourma, mercredi 15 janvier 2025. A l’ouverture du procès, les prévenus, un forestier, un militaire, deux VDP et un conducteur de tricycle, tous des pères de famille, ont reconnu les faits qui leur sont reprochés.
Des faits qui se sont déroulés courant novembre 2024. Interrogé en premier à l’audience, B.G, le forestier qui a comparu pour des faits de complicité de détention illégale d’ivoires et complicité de commercialisation illicite d’ivoires, a donné sa version des faits. En effet, tentant de se défendre, il a expliqué que le militaire K.S.B la contacté pour solliciter son aide afin découler des ivoires d’éléphants qu’il a ramassés quand il était en mission à Natiaboani, dans la région de l’Est, insistant sur les dires de son interlocuteur concernant la provenance des défenses d’éléphants. Si K.S.B a reconnu avoir contacté B.G, en sa qualité d’agent des eaux et forêts, pour solliciter son concours, il a affirmé qu’il a acheté, plutôt, les ivoires qu’il avait en sa possession, en raison de 30 000 F CFA, les deux défenses et un morceau.
Cherchant désespérément à obtenir des circonstances atténuantes, K.S.B a fait savoir que son marabout lui a demandé d’apporter des ivoires pour des exercices mystiques qui devraient le «protéger» contre toute éventualité eu égard au contexte sécuritaire. Mais avec le temps, a-t-il ajouté, il sest rendu compte des retombées financières que la commercialisation des ivoires pourrait générer. Avec cette somme dargent, sest-il justifié encore, il pourrait «mieux se soigner», expliquant quil traîne une blessure quil a contractée au front en 2021. Un argument balayé du revers de la main par le procureur qui lui a rappelé que ses soins sont à la charge de l’armée.

L’ANR, le «potentiel acheteur»

Poursuivant ses explications, B.G qui avait clairement pour rôle de faciliter la commercialisation de la matière, a fini par trouver un acheteur. «Ce dernier ma signifié qu’il travaille avec une entreprise étrangère qui serait prête à acheter les ivoires, en raison de 6000 francs CFA le kilogramme», a-t-il dit. Mais ce tarif n’était pas du goût de K.S.B, le principal vendeur. «C’est lorsque le potentiel acheteur a fait savoir que c’est plutôt un gramme d’ivoire qui coûte 6000 francs CFA qu’il a accepté de lui vendre», a ajouté B.G.
Entre temps, a-t-il souligné, le potentiel acheteur a exigé une quantité bien plus importante, 50 kg environ. Résolu à écouler sa «marchandise», K.S.B a soufflé laffaire à T.B, un conducteur de tricycle qui, à son tour, a contacté D.Y, un VDP. Ce dernier a passé un coup de fil à un autre supplétif de sécurité, Y.M. Les VDP parviendront à réunir 15 ivoires. Rendez-vous est donc pris à Fada N’Gourma avec l’acheteur pour conclure l’affaire.
Le procureur a fait remarquer qu’en réalité, le potentiel acheteur est un agent de l’Agence nationale de renseignements (ANR) qui a parfaitement filé cette bande organisée de trafiquants. Répondant à la question du président du Tribunal sur la provenance des 15 ivoires, D.Y a affirmé que ses collègues et lui ont découvert des carcasses de 7 éléphants dans la zone de Natiaboani.
Toutefois, il a dit ignorer ce qui a tué ces éléphants. La direction générale en charge de l’environnement qui s’est constitué en partie civile a estimé que l’argument selon lequel, les ivoires ont été ramassés ne tient pas la route. Selon le lieutenant des eaux et forêts, Mathias Ouédraogo, en service à la division du contrôle de la législation et du contentieux, il s’agit d’un acte prémédité par cette bande organisée. Mais, le parquet ne disposant pas d’éléments concrets permettant de les poursuivre pour abattage d’éléphants, ne pouvait pas retenir à leur encontre cette infraction.

Plus de 600 millions F CFA de préjudices

Pour la partie civile, l’Etat a subi d’énormes préjudice. C’est en tout 18 ivoires qui ont été saisis. En analysant les images, a fait remarquer la partie civile, dans le lot saisi, il n’y a pas de paires d’ivoires puisqu’ils n’ont ni la même taille, ni les mêmes épaisseurs. Elle en a déduit donc que c’est au total 18 éléphants «abattus». Et pour les 18 éléphants, la biomasse est estimée à 162 000 kg.
Ce qui peut générer, selon elle, 486 millions francs CFA. «Pour le préjudice économique, un seul éléphant coûte 38 millions francs CFA. Sur le plan social, ces espèces sont des symboles de puissance et de force. Il y a aussi le préjudice lié au tourisme de vision notamment», a rappelé la partie civile. Elle a évoqué également le préjudice écologique quelle a jugé inquantifiable. En effet, le lieutenant des eaux et forêts, Mathias Ouédraogo, a relevé que la faune contribue à équilibrer l’écosystème. Il a indiqué que des espèces fauniques comme l’éléphant à travers leurs déjections sont des agents de dispersion de semences de grande taille.
Ce qui contribue, pour lui, à renforcer le couvert végétal. Pour cette série de préjudices causés à l’Etat, la partie civile a réclamé 643 330 000 francs CFA. Le procureur, pour sa part, a indiqué que toutes les infractions pour lesquelles les différents prévenus sont poursuivis sont constituées. Et, par conséquent, il a souhaité quils soient maintenus dans les liens de la prévention et de les déclarer coupables. En répression, il a requis 5 ans de prison et une amende de 5 millions francs CFA, le tout ferme. Le verdict sera rendu le 29 janvier 2025.
Joanny SOW

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