Un combat difficile

Au Burkina Faso, le trafic des enfants, surtout transfrontalier, est de plus en plus récurrent. Les 28 et 30 janvier 2020, les services de sécurité de Gonsé ont intercepté à la frontière malienne et burkinabè, 38 enfants dont l’âge est compris entre 13 et 17 ans. Ces mineurs avaient pour destination les pays voisins, en l’occurrence le Mali et la Côte d’Ivoire, pour y être employés dans les mines et les plantations, selon le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire.

Le jeudi 5 novembre 2020, la Brigade de gendarmerie de Boromo a aperçu trois cars transportant 100 enfants dont 89 mineurs (13 à 16 ans) et qui étaient en partance pour les sites d’or du Mali. Et la liste est longue. Ces dernières années, on assiste à une recrudescence du trafic transfrontalier des enfants, notamment avec l’avènement du métal jaune dans la sous-région ouest-africaine. En fin 2020, on dénombrait, en l’espace d’une année, plus de 400 enfants dont près de 300 mineurs interceptés par les services de sécurité burkinabè. Au regard du contexte d’insécurité dans lequel le pays est plongé depuis 2015, ces chiffres sont inquiétants et doivent interpeller l’opinion nationale.

L’avenir d’une nation appartient à la jeunesse, dit-on. Mais quel devenir du Burkina Faso peut-on construire avec une saignée de ses bras valides vers des contrées lointaines? La plupart du temps, ces jeunes qui quittent trop tôt le giron familial, avec parfois la complicité de certains parents, pensent trouver l’eldorado loin de la mère patrie. En fin de compte, c’est la désillusion qui leur est servie le plus souvent comme récompense dans les zones d’accueil. La destination de prédilection de ces aventuriers semble être la terre d’Eburnie qui, en plus des sites d’orpaillage, regorge de nombreuses plantations agricoles, propices à l’emploi de la main d’œuvre.

La question de la mobilité des enfants étant devenue très alarmante, le Burkina s’est engagé dans leur protection à travers l’adoption de textes internationaux et nationaux et de signatures d’accords. L’accord de coopération avec la Côte d’Ivoire en matière de lutte contre les traites transfrontalières des enfants est illustratif de cet engagement. Ces dispositions ont déjà produit des résultats fort appréciables sur le terrain. En effet, en février 2021, les autorités ivoiriennes ont intercepté sur leur sol 19 enfants burkinabè qui partaient pour Aboisso.

Ces mineurs ont été ramenés à leurs parents. Selon le Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants de ce pays, environ 2 000 enfants ont été retirés des plantations de cacao depuis 2019. La même source précise que la justice ivoirienne a condamné entre 2012 et 2020, quelque 300 personnes pour trafic d’enfants. C’est dire que les autorités des deux pays ont pris à bras-le-corps la lutte contre le phénomène mais elle risque d’être éprouvante. On le sait, la traite des enfants constitue un véritable obstacle à leur développement et épanouissement. Il viole même leurs droits fondamentaux.

Mais le hic est que malgré les multiples actions de sensibilisation et de répression et en dépit de l’existence d’un cadre juridique, réglementaire et institutionnel défavorable, le phénomène persiste au Burkina ; il a même la peau dure. C’est pourquoi il urge de trouver la formule qui sied et de redoubler d’efforts dans le combat. Une sanction imposée à tout parent qui serait de mèche avec son enfant mineur, candidat à l’aventure, ne serait pas de trop. En outre, la lutte doit être une affaire de tous les Burkinabè sans exception, car leur sécurité et leur bien-être en dépendent. Cette prise de conscience collective va, à n’en point douter, permettre d’endiguer également l’avancée du terrorisme dont les acteurs profitent du trafic des enfants pour agrandir leurs rangs.

Daniel ZONGO

danielzong62@yahoo.fr