Culture du soja dans la Sissili : Une filière d’avenir pour les producteurs

Plus de 6 000 ha de soja ont été emblavés dans la Sissili, la campagne écoulée

Ces trois dernières années, la production du soja s’est accrue dans la Sissili. A la campagne écoulée, les superficies emblavées pour cette légumineuse étaient de 6 510 ha dans la province contre 7 643 ha pour tout le Centre-Ouest. Ce qui fait d’elle la première province productrice de soja dans la région. Constat.

A proximité de la forêt d’agrumes de Asséni Ziba, se dresse un champ de soja. Vaste de deux hectares (ha), il présente une bonne physionomie en cette mi-septembre 2022. La légumineuse qui porte déjà ostensiblement ses gousses donne de l’espoir à son propriétaire. Cela fait trois saisons que M. Ziba expérimente la production du soja. Auparavant, sa passion était exclusivement orientée vers les fruits dans lesquels il s’est taillé une renommée. En effet, à la lisière du barrage de Léo, à la périphérie-Est de la ville, Asséni Ziba exploite environ 10 ha de tangelo et de papaye. A ces cultures de rente, il a décidé d’associer récemment le soja, très prisé sur le marché local, selon lui. Dans cette nouvelle aventure, il dit s’en tirer à bon compte. « Je ne regrette pas de m’être lancé dans cette production car, l’an passé, j’ai engrangé plus de deux millions F CFA dans la vente », se réjouit-il. En outre, signale-t-il, le soja est moins exigeant en engrais par rapport aux autres spéculations. « Pour les 2 ha, je n’ai appliqué que deux ou trois sacs d’engrais minéral », précise Asséni, avant de révéler que son rendement est estimé entre 1 et 1,5 tonne à l’hectare. A l’écouter, en l’espace de quelques années, le soja a pu conquérir la confiance de nombreux producteurs de la Sissili, au point de faire désormais partie des principales cultures de rente. Avec ses 5,5 ha de soja, Amadou Nacro est aussi considéré comme un producteur modèle dans la commune de Bieha, sise à 35 km de Léo. Son champ offre la même physionomie que celle de M. Ziba. Le souci majeur exprimé par le producteur Nacro est le manque criant de main-d’œuvre pour l’aider à entretenir son champ dont la superficie totale dépasse 30 ha.

Le choix de la semence

Asséni Ziba, producteur de soja à Léo : « nous demandons l’accompagnement de l’Etat ».

Tout comme Asséni, ce sexagénaire pointe également du doigt l’absence d’appui-conseil de la part des agents agricoles. « Je n’ai jamais reçu ni une visite ni un accompagnement des agents d’agriculture », déplore-t-il. Toutefois, relève Amadou, cela ne peut entamer sa détermination à poursuivre la culture du soja qu’il a aussi débutée en 2020. A l’endroit du gouvernement, il émet le souhait de voir imposer une harmonisation du prix  du soja sur le marché national. Pour l’instant, la plupart des achats se font bord-champ, d’où des disparités constatées sur les prix. A Léo, explique Amadou Nacro, si par exemple le kilogramme du soja coûte 400 F CFA, ce prix sera réduit de 100 F CFA à Bieha, du fait de l’enclavement de la zone.

Comme toute autre culture, le soja a aussi ses contraintes. Selon, Asséni Ziba, cette légumineuse ne supporte pas la sécheresse. Le début de cette campagne agricole ayant été marqué par des poches de sécheresse, raconte-t-il, beaucoup de producteurs ont dû ressemer le soja avant qu’il ne réussisse. « Il y a des gens qui ont semé le soja deux ou trois fois à la même place. D’autres ont fini par abandonner et réaffecter l’espace à d’autres cultures », confie M. Ziba. Le choix des semences est aussi un élément capital dans l’amélioration des rendements. A cet effet, indique le chef de l’unité d’animation technique de Bieha, Abdoul Rahim Kindo, l’Etat a prévu le soja dans sa dotation de semences améliorées aux producteurs. Or, déplore-t-il, nombre d’entre eux n’apprécient pas trop ces semences, estimant que les gousses s’éclatent avant la récolte.

A Bieha, Amadou Nacro est un pionnier de la production du soja, avec ses 5,5 ha.

Pour M. Kindo, il s’agit simplement d’une non-maîtrise des itinéraires techniques de production. Plusieurs producteurs de soja, à l’image de Asséni et de Amadou, achètent directement les semences sur le marché et les prélèvent par la suite dans leurs récoltes. « C’est au début que j’ai acheté la semence à 500 ou 600 F CFA le kilo sur le marché », confirme Asséni Ziba. Cependant, constate Amadou Nacro, les rendements commencent à décroître trois ans après. Là, il faut encore repartir vers la semence améliorée.

Des prix attrayants

Les responsables en charge de l’agriculture de la province reconnaissent que le soja constitue un nouvel espoir pour les paysans. « Les gens produisaient le soja bien avant, mais ces trois dernières années, il y a eu un réel engouement autour », atteste le Directeur provincial (DP) en charge de l’agriculture de la Sissili, Sané Topan. Cela est dû, selon lui, au développement de l’élevage où on a besoin du soja pour alimenter la volaille et le bétail. Et d’ajouter que la cherté de l’engrais y a aussi contribué. Car, à entendre le DP, il suffit d’un sac d’engrais NPK pour couvrir un ha de soja, alors que pour le maïs, il en faut quatre au minimum. « Beaucoup ont été obligés de réduire leurs parcelles de maïs pour produire le soja, moins exigeant en éléments minéraux », mentionne-t-il. Selon lui, le soja étant une légumineuse qui contient de l’azote, il n’a plus besoin de beaucoup d’éléments minéraux, comparativement au maïs.

Selon le DP en charge de l’agriculture de la Sissili, Sané Topan, le soja est une filière en voie de promotion dans son ministère

L’autre raison de la ruée des producteurs vers le soja, ajoute M. Topan, est son prix qui est attrayant sur le marché. A ce sujet, il souligne que l’an passé, le prix du kilogramme avait été fixé à 210 F CFA en accord avec des partenaires, mais à la surprise générale, il se vendait bord-champ à 300 F CFA, voire plus.

Selon les statistiques du ministère en charge de l’agriculture, pour la campagne 2021-2022, la région du Centre-Ouest a enregistré 7 643 ha emblavés de soja dont 6 510 ha dans la Sissili. C’est pourquoi les producteurs de cette zone ont sollicité le soutien de l’Etat, car pour eux, le soja est une filière d’avenir. Outre les animaux, fait savoir le DP Topan, le soja est utilisé pour l’alimentation humaine à travers sa transformation en brochettes, en lait, en soumbala, en huile…

Mady KABRE