Bobo-Dioulasso : les livreurs à domicile, des acteurs-clé du commerce en ligne

L’expansion du commerce en ligne ces dernières années a révolutionné les services de livraison à domicile dans le monde. La ville de Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso, est gagnée par cette fièvre de la livraison à domicile. Il est désormais possible de se faire livrer tout type d’articles chez soi en seulement quelques clics. Immersion dans le marché de la livraison dans la cité de Sya.

Au quotidien circulent des coursiers motorisés sillonnant les rues, souvent chargés de sacs à dos. Leur mission, livrer des commandes diverses à votre porte. Eux, ce sont les livreurs à moto, véritables maillons-clé du commerce en ligne. Ce matin du dimanche 27 août 2023, dans un glacier du quartier Sarafao (secteur 17) de Bobo-Dioulasso, Abdias Kaboré commence sa journée.

Toujours le même rituel. Il vérifie son équipement : le sac, la moto, le casque et surtout son smartphone, l’outil indispensable pour travailler. « J’ai reçu une commande de livraison de gâteau d’anniversaire », nous confie le jeune étudiant. Une fois la commande reçue dans le glacier, il enfourche sa moto pour se rendre au lieu de livraison indiqué. Étudiant en 3e année de génie électrique, il a vu une opportunité dans la livraison.

« J’ai commencé à livrer des colis à partir de ma classe de 2de », se souvient-il. Cependant, c’est à partir de 2022 qu’il a formalisé son entreprise, dénommée « Tchira express », diversifiant ainsi les services pour répondre aux besoins variés de la clientèle.

De la livraison express, aux courses, en passant par les retraits et les expéditions, Abdias Kaboré et son équipe (trois personnes) se sont rapidement imposés comme une option incontournable pour ceux qui cherchent à faire parvenir des biens d’un point A à un point B sans tracas dans la ville de Bobo-Dioulasso.

Amira Ouattara utilise les livreurs à moto pour mener son commerce en ligne.

« Nous avons trouvé nos clients principalement grâce aux réseaux sociaux et au bouche-à-oreille », explique-t-il. Cette stratégie s’est avérée payante, car le nombre de clients s’est rapidement multiplié. « Actuellement, nos prix varient en fonction de la distance à parcourir. Nous livrons à 1 000 F CFA pour les distances inférieures à 10 kilomètres (km) et 1 500 F CFA pour les distances supérieures à 10 km », affirme-t-il, gâteau d’anniversaire en main.

Les défis héroïques du livreur sans adresse

Ce matin, nous avons décidé de le suivre jusqu’au lieu de la livraison. Il doit faire face à plusieurs défis. Trouvez le lieu de livraison. A Bobo-Dioulasso, les habitations n’ont pas d’adresse. Un vrai casse-tête pour notre livreur qui se fait aider par l’application de géolocalisation « Google maps ».

Il s’est fait envoyer la localisation du client sur son smartphone. Malgré cette géolocalisation, le parcours n’est pas de toute tranquillité. Les rues souvent délabrées de la ville de Sya posent des défis logistiques à notre livreur, exigeant une expertise en matière de maniabilité et d’adaptabilité. La gestion du temps est un autre enjeu majeur.

Il doit jongler entre les délais de livraison serrés et les imprévus tels que les embouteillages ou les changements de dernière minute. Souvent, il marque un arrêt pour appeler le client.

« La géolocalisation n’est pas précise. Fréquemment, on déborde un peu », s’explique-t-il. Après plusieurs arrêts et appels, notre livreur arrive enfin à destination. Il n’est pas en retard. La cliente, Bintou Cissé, est visiblement satisfaite.

« Je n’ai pas trop rencontré de retard dans ses livraisons », explique-t-elle sourire aux lèvres. Elle partage avec nous son expérience « positive » avec les livreurs. « J’ai beaucoup de livreurs à qui je fais appel en fonction de mes besoins », dit-elle.

Elle souligne la commodité et l’efficacité de ces services de livraison, en particulier pour les achats en ligne. « Ils m’ont apporté des produits que je ne pouvais pas trouver localement », ajoute-t-elle.

Bintou Cissé apprécie la flexibilité des livreurs et reconnaît l’importance des frais de livraison pour soutenir ces entrepreneurs et leur permettre de maintenir leur activité. Abdias Kaboré effectue en moyenne 5 à 10 livraisons par jour.

Une opportunité d’emploi pour les jeunes

Elie Sibiri Farma (à gauche) livrant une commande de nourriture à un client

L’évolution technologique joue également un rôle crucial dans le commerce en ligne. Les réseaux sociaux améliorent la communication et renforcent la confiance entre les livreurs et les clients. Abdias Kaboré n’est pas seul dans cette aventure.

Parmi ces as du guidon, Elie Sibiri Farma est novice en la matière. Actuellement en dernière année de biologie à une université privée de la place, il est livreur à temps partiel. « J’ai commencé en juin dernier, principalement par nécessité financière », explique-t-il.

Il souligne que la vie d’étudiant n’est pas de tout repos, surtout lorsque les ressources financières sont limitées. Pour subvenir à ses besoins et explorer de nouvelles opportunités, Elie Sibiri Farma a eu l’ingénieuse idée de créer un service de livraison à domicile dénommé « express delivery».

« Bobo manquait vraiment d’un service de livraison efficace », partage-t-il. C’est ce constat qui l’a poussé à réfléchir à la manière dont il pourrait combler ce vide dans le marché local. Arpentant les rues de la ville avec sa motocyclette pour unique compagnon, il a commencé à proposer des livraisons de colis, allant des bijoux aux chaussures, en passant par les pâtisseries et les articles ménagers.

« J’ai utilisé tous les moyens possibles pour trouver des clients », dit-il. Les réseaux sociaux, en particulier Facebook et WhatsApp, sont devenus ses alliés pour atteindre un large public. Il doit effectuer une livraison d’articles sous cette fine pluie du samedi 26 août 2023. Nous le suivons de près.

Gagner en temps

Téléphone en main, il consulte de temps à autre l’application de géolocalisation. Elie Sibiri Farma n’a aucune protection.

« Côté matériel, j’ai dû commencer avec les moyens de bord et juste avec ce que j’ai, ma moto. Actuellement, je n’ai pas de casque et en cas d’accident, je risque d’avoir beaucoup de dommages, je n’ai pas d’imperméable non plus», reconnait le jeune étudiant.

Après quelques kilomètres de péripéties, il s’arrête devant un portail. C’est le lieu de livraison. Une jeune fille sort pour récupérer le colis qu’elle a acheté en ligne. Là aussi, la cliente, Amira Ouattara, est heureuse de recevoir son colis.

Étudiante en 2e année de sciences économiques et de gestion, elle est l’une des nombreuses personnes qui ont fait l’option de cette nouvelle approche. « Je n’ai pas le temps de faire des achats physiquement », explique-t-elle.

Elle fait du commerce en ligne et les livreurs ont rendu cette activité plus facile pour elle. Avec les horaires chargés d’une étudiante et d’autres engagements, Amira Ouattara a trouvé une solution grâce aux livreurs. Elle passe désormais ses commandes en ligne, puis les livreurs se chargent de lui apporter les produits à sa porte.

Que ce soit pour des articles de la vie quotidienne ou des produits plus spécifiques, les livreurs, foi de l’étudiante, ont su répondre à ses besoins, lui permettant ainsi de gagner un temps précieux.

500 à 1000 F CFA

Judith Zoungrana, pâtissière, mise sur la livraison de ses gâteaux au domicile des clients.

Alors que le commerce en ligne continue de croître à Bobo-Dioulasso, les livreurs à motocyclette demeurent les véritables maillons de la chaîne de distribution. Sabane Zoubga, étudiant en électricité industrielle et livreur, a opté pour un modèle similaire en proposant une gamme diversifiée de services.

Il a choisi la livraison comme moyen de réponse à une variété de besoins. « Nous livrons des bouteilles de gaz, effectuons des paiements de factures et faisons des achats en ligne pour les gens », déclare-t-il, assis sur sa motocyclette de service. Dans l’approche, son entreprise « Souttra service » s’adapte à une variété de besoins des habitants de Bobo-Dioulasso.

« Une fois que la livraison est faite, nous donnons un reçu à la personne et un code. La prochaine fois qu’elle appelle, nous connaissons déjà le lieu puis nous livrons facilement», indique celui qui facture une livraison de bouteille de gaz entre 500 et 1 000 F CFA en fonction de la distance.

Malgré les défis liés à la fidélisation des clients et à la fluctuation des prix du carburant, Sabane Zoubga reste enthousiaste quant aux opportunités offertes par le commerce en ligne en pleine expansion.

Dans le secteur 23 de la ville, réside Judith Zoungrana, pâtissière qui a fait le choix « stratégique » de ne pas se lancer dans les va-et-vient pour livrer ses créations. En 3e année de communication et passionnée de pâtisserie, elle marie astucieusement ces deux mondes en utilisant les services de livreurs pour apporter ses gâteaux à ses clients à domicile. « Dès la base, je préviens mes clients qu’ils ont deux options : venir chercher leurs gâteaux eux-mêmes ou opter pour la livraison à domicile », explique-t-elle.

La distance étant un obstacle, elle a « intelligemment » externalisé ce service à son fidèle livreur, Abdias Kaboré de « Tchira express ».

Ce partenariat permet à Judith Zoungrana de se concentrer sur la perfection de ses créations, laissant les aspects logistiques entre les mains expertes du livreur. « Nous travaillons en tandem, mais mon livreur a également son réseau de contacts qui l’assiste si les commandes sont nombreuses », confie la pâtissière.

Miser sur la livraison à domicile

Les livraisons couvrent une zone étendue, allant du voisinage aux quartiers éloignés. Pour les distances plus courtes, les frais de livraison gravitent autour de 1 000 F CFA, précise Mlle Zoungrana.

Cependant, dit-elle, pour les destinations plus éloignées, les frais augmentent pour couvrir les coûts de transport supplémentaire, atteignant jusqu’à 1 500 F CFA. Elle maintient la transparence envers ses clients en expliquant clairement que ces frais sont à leur charge.

Selon l’étudiante, l’équilibre entre les coûts de livraison et les prix des gâteaux est crucial pour maintenir la rentabilité de l’entreprise. Cette politique lui permet de préserver ses marges bénéficiaires tout en offrant une solution pratique aux clients.

Bien que la collaboration avec « Tchira express » facilite « grandement » les choses, les difficultés sont inévitables comme les retards dans les livraisons. Judith Zoungrana partage que « les retards sont fréquents en raison du manque de ponctualité des clients ».

Elle reconnaît que cela peut perturber le calendrier des livraisons, provoquant un effet domino sur les autres clients qui attendent leurs gâteaux. Ces retards peuvent être particulièrement frustrants pour le livreur, qui a un emploi du temps chargé.

Noufou NEBIE

noufounebie96@gmail.com

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