Tournée africaine de Kamala Harris: l’Afrique, terre d’opportunités pour l’Amérique

Les Etats-Unis n’entendent pas se laisser distancer sur le continent noir face aux influences chinoise et russe.

En fin mars et début avril 2023, la vice-présidente américaine, Kamala Harris, a effectué une tournée dans trois pays du continent africain. Un déplacement guidé par la nouvelle stratégie de Washington visant à renforcer des liens avec les pays africains, face à l’influence russe et chinoise.

Les Etats-Unis d’Amérique ne voient plus l’Afrique comme une région à problèmes, mais une terre d’opportunités. La Vice-présidente américaine a choisi le Ghana, la Tanzanie et la Zambie, pour réaffirmer cette vision à l’endroit du continent. Surtout que l’Afrique est devenue un enjeu géopolitique, dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et par l’influence croissante de la Chine et de la Russie sur le continent.

L’enjeu est de taille, car il s’agit de combler le retard pris par Washington sur le continent noir, accentué par les années Trump. En effet, le constat est établi que sous le magistère de l’ancien Président américain, Donald Trump, l’Afrique n’était pas la tasse de thé du successeur de Barack Obama. Il n’hésitait d’ailleurs pas à qualifier certains Etats africains de « merde ». Avec l’actuel Président, Joe Biden, il s’agit de changer de paradigme. Plus spécifiquement, les Etats-Unis cherchent à promouvoir une vision plus positive et voient en ce continent l’« avenir du monde ».

Le ton a été donné en décembre 2022, lors du Sommet Etats-Unis – Afrique à Washington. A l’occasion de ce rendez-vous avec ses pairs africains, Joe Biden avait clairement indiqué sa volonté d’instaurer avec l’Afrique un partenariat plus solide et plus transparent. S’en est suivie, la série d’annonces de la part du dirigeant américain. 2,5 milliards de dollars pour lutter contre l’insécurité alimentaire en Afrique, 75 millions de dollars pour renforcer les institutions démocratiques, ainsi que 100 millions de dollars en assistance sécuritaire, la conclusion d’accords commerciaux et d’investissements d’une valeur de plus de 15 milliards de dollars avec les pays africains.

Et pour séduire davantage les partenaires africains, le président américain a fait une proposition d’importance. Que l’Union africaine ait un siège au G20, le club des économies les plus avancées du monde. Jusqu’ici, seule l’Afrique du Sud en fait partie. Dans le sillage de ce sommet, la secrétaire d’Etat américaine au Trésor, Janet Yellen, a entamé dès mi-janvier 2023, une tournée au Sénégal, en Zambie et en Afrique du Sud, pour parler, entre autres, de sécurité alimentaire, d’investissement, de dette. Début mars, c’était au tour du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, de se rendre en Ethiopie et au Niger, pour évoquer des questions d’ordre sécuritaire.

La tournée de la vice-présidente, Kamala Harris, n’est donc pas une surprise en soi. Elle s’inscrit dans le prolongement du Sommet de Washington de décembre 2022. Une cour assidue au continent africain, de la part des Américains, est donc amorcée. Et cela peut se comprendre. Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), les économies de l’Afrique subsaharienne connaîtront une croissance de 3,7 % en 2023, alors que celles du reste du monde devraient croitre de seulement 2,7 %. L’année dernière, les Nations unies ont estimé que la population de nombreux pays d’Afrique subsaharienne doublerait entre 2022 et 2050.

La chine, loin devant…

Le regain d’intérêt de l’administration Biden à l’endroit de l’Afrique, s’explique aussi par la grande présence de la Chine et de son influence sur le continent. Et il est devenu urgent pour l’Amérique de Joe Biden de ne pas se laisser continuellement distancer par le grand rival chinois. Le commerce de la Chine avec l’Afrique est environ quatre fois supérieur à celui des Etats-Unis, et Pékin est devenu un créancier important en offrant des prêts moins chers que ceux offerts par les pays occidentaux.

Mais des pays africains, dont la Zambie, se sont détournés des prêts chinois et cherchent des alternatives, en raison de certaines conditions opaques. La tournée de la secrétaire d’Etat américaine au Trésor est intervenue alors que le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, était en voyage dans cinq pays d’Afrique.

C’est la 33e année consécutive que l’Afrique est la destination de la première tournée à l’étranger d’un ministre chinois des Affaires étrangères. Quant à la Russie, les Etats-Unis dénoncent les méthodes « peu conventionnelles » utilisées par les Russes pour étendre leur influence sur le continent : mercenariat, armes contre ressources, désinformation et ingénierie électorale.

La stratégie américaine à ce niveau est d’amener les Etats africains à se détourner de ces pratiques dont ils sont victimes et rejoindre la vision américaine qui prône la transparence et la culture démocratique. Et cela, pour que les pays africains puissent bénéficier des largesses promises. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a sans aucun doute donné aux Etats-Unis un sentiment d’urgence supplémentaire dans leur élan pour convaincre plus de pays africains.

On se rappelle que les votes de l’ONU pour condamner la guerre russe en Ukraine ont divisé les pays africains. A l’évidence, il apparait que l’Afrique suscite la convoitise des grandes puissances du fait de ses ressources naturelles et autres richesses. Mais il lui appartient de savoir en tirer profit dans la dignité, la vigilance et sans braderie.

Gabriel SAMA.