Salon international du coton à Koudougou: Le Burkina repart sur le bon pied

Le Burkina Faso a réussi l’organisation de la première édition du Salon international du coton et du textile (SICOT). En septembre dernier à Koudougou, les autorités du pays ont pris connaissance des expériences de transformation du coton des contrées invitées. En allant à l’école des bonnes pratiques en matière d’industrie textile, les acteurs nationaux de la filière coton ont pris bonnes notes. On attend maintenant le vrombissement des machines à transformer localement le coton burkinabè.

L’unique unité textile du pays étant fermée, les Burkinabè importent des tonnes de vêtements, souvent de qualité douteuse, à coût de milliards. Ce sont des produits en provenance d’Amérique, d’Europe ou d’Asie, qui  inondent le marché du textile burkinabè. Ils sont essentiellement constitués de prêt-à-porter, de friperie, de pagnes, de tissus et bien d’autres.

Pour le directeur du centre de recherche Centre d’études, de documentation et de recherche économiques (CEDRES), Idrissa Mohamed Ouédraogo, le coton local peut trouver un bel avenir sur le plan national. Déjà, il occupe une place de choix dans l’économie du Burkina Faso et sa transformation sur place ne devrait souffrir d’aucune ambiguïté. Chiffres à l’appui, il indique qu’il représente 30 à 40% du Produit intérieur brut (PIB), 60 à 70% des recettes d’exportation et 55,3% des cultures de rente au cours de la saison 2016. Mais seulement, le Burkina ne transforme que 5% de sa production cotonnière, et ce, grâce aux efforts conjugués des 50 000 artisans dont 40 000 femmes et de la Filature du sahel (FILSAH), aujourd’hui en crise.

Mais les choses pourraient changer. A la faveur de la première édition du Salon international du coton et du textile (SICOT) qui a eu lieu du 27 au 29 septembre 2018 à Koudougou, la filière a été le centre de toutes les attentions.

L’analyse des 600 participants au SICOT débouche sur la nécessité de rectifier le tir car après plusieurs décennies de la culture de cette spéculation, le pays peine à créer de la valeur ajoutée autour de cette filière.

Au cours des travaux en ateliers, ils ont réfléchi aux voies et moyens à mettre en œuvre pour sortir de cette situation morbide.  Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, au cours de son allocution, prône la rupture d’avec le passé. De ce fait, il a pris la ferme résolution d’inverser cette tendance à travers la «résurrection» de Faso Fani et l’implantation de nouvelles unités de transformation.

Faso Fani ne s’ouvrira pas en fin 2018

C’est dans cette optique qu’il compte rouvrir l’usine Faso Fani de Koudougou, un projet qui le tient à cœur depuis le début de sa campagne électorale. Il parie qu’elle sera fonctionnelle d’ici fin 2019. En plus de cela, il a annoncé, sous un tonnerre d’applaudissements, l’implantation d’un complexe intégré de transformation du coton à Ouagadougou, un projet porté par un opérateur économique turc.

Il n’empêche que l’annonce du président du Faso a suscité beaucoup d’espoir au sein des producteurs de coton, représentés par une forte délégation à ce salon. Yacouba Soura, premier vice-président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNCPB) affiche une pointe de satisfaction en apprenant cette bonne nouvelle.

Pour lui, le salut est enfin arrivé. « Jusqu’à présent on exporte le coton à l’état brut, ça n’apporte aucune valeur ajoutée à la production nationale », lance-t-il. Tout compte fait, Roch Marc Christian Kaboré a rassuré les uns et les autres, de la disponibilité de son gouvernement à accompagner toutes les initiatives visant à créer davantage de richesses et d’emplois autour du coton.

Les experts ont salué cette prise de conscience au plus haut sommet de l’Etat, tout en sollicitant au gouvernement burkinabè d’assouplir les textes afin d’attirer de nouveaux investisseurs. Déjà, sur le plan national, les initiatives ne manquent pas. L’exemple de François 1er  en est illustratif. Ancien employé de Faso Fani, il dirige de nos jours, une unité semi-industrielle de fabrique de vêtements.

L’homme ne rechigne pas devant les difficultés. Son credo, imprimer sa marque dans le secteur du textile au Burkina et bien au-delà. En tous les cas, pour relever le défi de la transformation de son coton, le Burkina doit impérativement résoudre certaines équations qui paraissent pour le moins incontournables.

Contraintes et atouts

Une question brûle cependant les lèvres : comment minimiser le coût des facteurs de production, considéré comme le talon d’Achille de l’industrie burkinabè ? Un constat accablant qui, par moments, dissuade les investisseurs qui veulent venir faire fortune au Burkina Faso. Des experts, en bute à l’incertitude, restent songeurs quant à l’aboutissement du projet d’industrialisation du gouvernement burkinabè.

A la cherté de l’électricité s’ajoute, hélas, l’insuffisance de la production énergétique plongeant du même coup le pays à de multiples délestages intempestifs. Pour la directrice principale de l’ONUDI, il faut travailler à avoir une indépendance énergétique, processus qui devrait s’accompagner d’une baisse drastique du prix du kilowattheure. Faute de quoi, les efforts resteront vains. Elle pense, en outre, qu’il est bon de renforcer la route du coton de sorte à minimiser les coûts de transport.

Un député ivoirien a même fustigé l’attitude des autorités burkinabè, indiquant qu’il s’agit d’une façon de se désolidariser des autres pays de l’UEMOA dont des politiques communes en la matière ont été mises sur pied.  Il bat en brèche les propos du ministre du commerce du Burkina Harouna Kaboré selon lesquels l’énergie n’est plus un problème au Burkina.

Le ministre Kaboré s’est défendu en mettant en avant le fait que l’Etat a libéralisé le secteur. Il y a, en outre, la problématique de la disponibilité d’une main d’œuvre hautement qualifiée susceptible de relever des défis technologiques. Cette main d’œuvre qualifiée n’existant pas, du moins pour l’instant, cela conforte les plus sceptiques dans leur position. On le voit déjà avec les sociétés minières où les responsables sont souvent contraints de faire appel à des expatriés pour occuper  certains postes.

La formation des ressources humaines est un défi majeur à relever. La question des licences et brevets d’exploitation n’a pas été occultée par les participants. Le vœu cher du professeur Mamadou Diarra, conseiller spécial du Premier ministre en charge des questions économiques, est de parvenir à la transformation du coton burkinabè en produits finis.

Ce secteur à forte intensité de main d’œuvre emploie environ 384 000 producteurs, analyse pour sa part, Alain Siri, secrétaire permanent du PNDS. Aussi, les participants ont mis le secteur privé burkinabè devant ses responsabilités.

Pour eux, le privé doit être en première ligne de la chaîne de transformation avant de compter sur les investisseurs étrangers. Alain Siri est convaincu que si l’on arrive à transformer au moins 20% du coton burkinabè, on crée du même coup plus d’emplois que toutes les trois sociétés cotonnières réunies.

En effet, le complexe intégré de transformation du coton à Ouagadougou prévoit créer à lui seul 7000 emplois contre 6000 pour les trois sociétés cotonnières réunies à savoir la SOFITEX, la SOCOMMA et Faso coton.

Les autorités burkinabè veulent surtout saisir l’opportunité que leur offre le SICOT pour développer l’industrie textile et connexe. Les participants ont également reconnu quelques atouts dont dispose le Burkina pour développer la filière coton.

En termes de débouchés, il peut compter sur les 300 millions d’âmes de l’Afrique de l’Ouest pour écouler ses produits. Aussi, la disponibilité de la matière première sur lace constitue un atout important. Des pays comme le Bangladesh et le Vietnam qui étaient derrière le Burkina, il y a 30 ans de cela, sont parvenus à transformer la totalité de leurs productions. De bons exemples qui peuvent inspirer le Burkina, disent-ils, en ce qui concerne la transformation de son coton. Dans tous les cas, on attend de voir car comme le dit si bien l’adage, le bon maçon se reconnaît au pied du mur.

 

Ouamtinga Michel ILBOUDO

Omichel20@gmail.com