Fonds missionnaire Burkina Faso-United mission : De l’aide sur fond d’arnaque dans le Kourwéogo

Le Fonds missionnaire Burkina Faso-United mission (FMI-BF-UM) est la structure spécialisée d’United Mission (UM) au Burkina. Dans le cadre de leur partenariat, il a été mandaté par UM pour piloter le Programme de réforme et de consolidation des communautés (PRCC) doté d’un budget de 65 milliards FCFA. Mais depuis le début des activités en 2018, rien ne bouge. Le programme est actuellement dans l’impasse. Pire, l’existence de UM reste à prouver.  Et puis encore, FMI-BF est dans toutes les sauces : tantôt dans l’humanitaire, tantôt dans les affaires. Une position ambigüe qui frise le doute. Les populations du Kourwéogo, à qui il a promis des aides depuis trois ans, crient aujourd’hui à l’arnaque.

L’ignorance est une maladie, la misère en est une autre. En milieu d’année 2018, des individus agissant au nom de Fonds missionnaire Burkina Faso-United mission (FMI-BF/UM) débarquent dans le Kourwéogo où ils recensent les populations au prétexte de leur venir en aide. Ils présentent leur structure comme une ONG Suisse qui œuvre à la réforme et à la consolidation des communautés en vue d’unir le monde. Pour aider les plus démunies à sortir de la pauvreté, ils montent un programme de 65 milliards FCFA, dénommé Programme de réforme et de consolidation des communautés (PRCC). Au Burkina, c’est le Fonds Missionnaire Burkina Faso (FMI-BF) qui est mandaté pour piloter ce programme ambitieux. En outre, le Burkina abrite le siège de la région Afrique de l’Ouest. Toutefois, l’exécution de ce programme fera plus de mal que de bien aux populations du Kourwéogo et environnants. La première phase du programme a d’abord consisté à identifier les besoins et à recruter les membres bénéficiaires. Aux populations, les agents de la structure proposent des vivres, des emplois et de l’argent liquide pour réaliser des infrastructures sociales. L’adhésion est libre. 1000 FCFA sont requis à l’inscription pour ceux qui veulent des vivres contre 20 000 FCFA pour les candidats à l’emploi. Les communautés qui souhaitent bénéficier du soutien de la structure pour réaliser des investissements immobiliers apportent aussi un appui financier. Au plan national, on dénombre plus de 600 mille inscrits pour vivres et 10 000 inscrits pour les emplois.  Grosso modo, cette supposée ONG d’aide aux nécessiteux s’est retrouvée avec un pactole de plus de 800 millions F CFA de recettes. La deuxième étape est la phase pratique. Elle est caractérisée par la construction d’infrastructures et la distribution des aides alimentaires. C’est à ce niveau que l’organisation était la plus attendue par les populations. « J’ai inscrit ma famille à 5000 F CFA et 20000 pour décrocher un emploi. Ils disaient qu’ils allaient tout faire pour ravitailler la population en vivres, c’est ainsi qu’ils nous ont convaincus », explique Tinga Robert Ouédraogo, un gendarme retraité, tombé sous le coup. En fin de compte, les agents de FMI-BF n’ont pas tenu parole. Les délais fixés pour la distribution des aides alimentaires (août 2019 et août 2020) n’ont pas été respectés. Pourtant, les responsables de l’ONG ont rassuré les uns et les autres que les vivres sont en voie d’acheminement et que la distribution ne saurait tarder. Mieux, ils déclarent qu’ils ont échangé avec le chef de Boussé qui a négocié un magasin à la préfecture pour le dépôt des vivres. « J’ai demandé où seront déposés les vivres à destination de la population de Mouni et un des agents a répliqué que comme nous disposons déjà d’une banque de céréales, le problème de stockage ne se pose pas », rappelle le catéchiste de Mouni, Dieudonné Wend-Kouni Sawadogo. Depuis 2018, les vivres, les emplois et l’argent liquide se font toujours attendre. « Lors d’une réunion qui a lieu au siège de six ‘’S’’ à Boussé, il y avait du monde et j’ai cherché à me renseigner si ce n’était pas les gars de Qnet et on m’a rétorqué que non », informe le catéchiste.

Au départ, le programme avait suscité beaucoup d’espoirs au sein des populations. Mais au fil du temps, les populations ont eu le sentiment qu’elles ont été arnaquées. La preuve est qu’un supposé virement de 65 milliards F CFA à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Ouagadougou est resté sans suite. Le doute persiste quant à la réalité de cette transaction. A la BCEAO, pas la moindre trace de ces fonds. Contacté au téléphone, un cadre de la banque exige des preuves comme le message de virement, le numéro du compte et le nom du bénéficiaire. Ces informations, elles sont pour le moins introuvables à FMI-BF. En apprenant que le compte de la structure a été crédité de plusieurs milliards, Jérémie Sawadogo, directeur de suivi et communication de FMI-BF s’affiche tout sourire. A propos de l’effectivité de ce transfert, il se contente d’une réponse quelque peu ambigüe. « Ce qui est sûr, j’ai vu un document qui montre qu’il y a eu un virement. Est-ce un document authentique ou pas, je n’en sais rien », atteste-t-il. De ce qui précède, il y a anguille sous roche. Même au sein de la boîte, les uns et les autres sont habités par le doute. «A notre grande surprise, l’argent n’a jamais été débloqué ou du moins, on ne sait même pas s’il est réel ou pas», avoue M. Sawadogo. Quelques jours plus tard, les populations entendent un autre son de cloche. Comme quoi, l’Etat burkinabè a saisi le compte bancaire de la structure. Pour quel intérêt et pour quelle raison ? Mystère et boule de gomme. « Ils nous ont demandé de prier pour que la situation se décante », se souvient le catéchiste de Mouni, Dieudonné Wend-Kouni Sawadogo.

L’ONG se mue en un institut de micro finance

Au cours de l’année 2020, des villageois ont été conviés à la maison des jeunes de Boussé par les responsables de l’ONG pour se voir signifier que les partenaires avec qui ils étaient en contact sont partis. L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Pour calmer les participants déjà en colère, ils affirment qu’ils ont eu de nouveaux partenaires en l’occurrence, un Libanais et un Ivoirien, qui sont prêts à délier les cordons de la bourse. Par ce subterfuge, ils sont parvenus à se soustraire de la furie des populations. Quant au bailleur providentiel (ndlr :UM), il explique son départ par le fait qu’il n’y a pas eu de résultats et qu’en plus, les responsables de FMI-BF travaillent pour leur « ventre ». Or, c’est cette même UM qui devrait débloquer les fonds nécessaires pour lui permettre de travailler. A l’évidence, FMI-BF et UM ne semblent pas jouer franc-jeu.

La logique du bon sens et la transparence n’ont pas toujours guidé les membres de FMI-BF. Dans le principe, les fonds collectés devaient servir à établir des documents d’identité pour chaque membre. 9000 FCFA pour la confection de la carte de membre et 11 000 FCFA pour l’ouverture d’un compte bancaire au profit de chaque missionnaire réformateur (MR). Finalement, ils se sont partagé les sous. Jérémie Sawadogo explique que les fonds engrangés sont répartis entre la direction de UM-Afrique basée en République Démocratique du Congo (RDC) et FMI-BF. Au niveau de FMI-BF, ils servent à payer les salaires des travailleurs et à assurer les charges de fonctionnement de la structure. A en croire M. Sawadogo, FMI-BF a toujours fonctionné de cette manière, c’est-à-dire sans budget depuis sa création. A y voir de près, l’ONG est financée par les personnes qu’elle est censé secourir. « Ce sont les frais d’adhésion de nos membres qui nous ont permis de réaliser un certain nombre d’activités », précise M. Sawadogo. Alors que FMI-BF peine à s’offrir des vivres pour satisfaire ses membres malmenés par l’insécurité alimentaire, c’est la construction de plusieurs hôpitaux modernes au Burkina qui est devenue sa principale préoccupation. Au niveau des emplois, même ceux qui sont sans qualification et sans niveau seront tous embauchés, selon leur principe. « Ils nous ont fait savoir que les femmes seront recrutées à la mairie pour le nettoyage », relève le catéchiste Dieudonné Sawadogo. Maintenant que la machine est grippée par manque de fonds, les responsables de la structure ne cessent d’explorer d’autres pistes. L’administrateur Albert Ouédraogo n’a pas hésité à mettre à contribution certains de ses amis. C’est dans ce sens que des représentants du groupe MEDAF-Burkina, filiale d’une société égyptienne, ont été contactés. L’idée selon les responsables de l’organisation était de les aider à s’installer au Burkina. C’est ainsi que dans la cadre du partenariat public-privé (PPP), le groupe MEDAF a présenté une offre de 300 ambulances au gouvernement, certainement parce qu’il était déjà au courant du projet du chef de l’Etat en la matière. Au gouvernement, il propose en outre la création d’une société de maintenance pour la réparation de ces véhicules. En retour, cette société devrait recruter son personnel parmi les membres de FMI-BF et aussi financer la structure pour qu’elle puisse réaliser ses projets en faveur des populations. Malheureusement, l’affaire a foiré et les deux parties se sont séparées à la suite d’un différend. Et ce n’est pas tout. Toujours en quête de solutions, les agents de FMI-BF tentent d’aider un opérateur de téléphonie mobile à avoir sa licence d’exploitation au Burkina, après avoir appris que le pays était à la recherche d’un 4e opérateur. Dans ce partenariat gagnant-gagnant, l’ONG l’aide à s’installer au Burkina et en retour, elle profite de ses largesses pour financer ses activités. Là également, les choses ne se sont pas passées comme ils l’auraient tous souhaité. Comment faire pour honorer ses engagements vis-à-vis des populations sans passer par UM, telle est l’équation que tente de résoudre FMI-BF. Toute chose qui le pousse à s’adosser à d’autres partenaires. Ce qui n’est pas évident au regard du contexte économique et social difficile. Toutes les tentatives ont échoué. En désespoir de cause, l’ONG s’est retrouvée à la croisée des chemins. Albert Ouédraogo, le coordonnateur, en profite détourner FMI-BF de sa mission première qui est d’aider les pauvres. Contre toute attente, il décide de transformer FMI-BF en un institut de micro finance, naturellement en violation flagrante des textes régissant ce secteur. Des carnets d’épargne estampillés FMI-BF ont été produits et distribués aux missionnaires réformateurs (MR). Plusieurs personnes y déposent leur argent. Albert Ouédraogo encaisse les sous. Un jour, il tombe dans un traquenard tendu par un client. Ce dernier dépose un gros montant dans son compte puis revient quelques jours après pour effectuer un retrait. A sa grande surprise, il constate que son compte est vide. Furieux, il demande des comptes à Albert Ouédraogo. Où trouver l’argent pour rembourser son client ? Pris de panique, M. Ouédraogo se tourne vers ses amis pour leur demander de l’aide. Avec le soutien des uns et des autres, il parvient à rembourser l’argent volé. Mais visiblement, cela ne lui a pas servi de leçons. En multipliant les scandales, FMI-BF semble avoir creusé sa propre tombe. Les choses se compliquent davantage. Le comptable de FMI-BF a été arrêté puis déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Plus tard, le facilitateur du groupe MEDAF qui devait 500 mille F CFA à son hôtel est appréhendé pour filouterie d’hôtel et conduit à la MACO. Les enquêtes ont enfin abouti à l’interpellation de Albert Ouédraogo, coordonnateur de FMI-BF. Il est jeté en prison à la MACO. Aux dernières nouvelles, on apprend qu’il a été libéré. De 2018 à ce jour, soit 3 ans environ, les villageois ont attendu en vain les aides de FMI-BF. Lors d’un premier article publié en 2019 sur les activités illégales de FMI-BF, les responsables de l’organisation nous ont adressé un droit de réponse en expliquant point par point que leur structure pilote un programme de développement et non un programme d’urgence. Mais la suite, on la connaît. Aucun acte concret n’a été posé dans le Kourwéogo. Le doute s’est installé dans les esprits des gens. La fiabilité de la source de financement est remise en cause. L’existence réelle de UM reste à prouver. Pour l’heure, les responsables de FMI-BF n’ont jamais rencontré le président de la structure et ne savent même pas dans quel pays se trouve le siège de UM. En tout cas, les services de l’ambassade de la Suisse basés à Ouagadougou déclinent toute responsabilité quant aux actes commis par cette organisation. Pour eux, UM est tout, sauf une ONG suisse. Les recherches n’ont pas permis de trouver la moindre trace de UM auprès des autorités helvétiques. En dehors du congolais Joseph Siringa qui préside aux destinées du bureau Afrique de UM, les responsables de FMI-BF ne disposent d’aucune information concernant cet organisme. « Nous aurons certainement une séance de travail les mois à venir pour d’abord établir la vérité quant à l’existence de ce UM parce que nous devrons rendre compte à nos autorités », martèle Jérémie Sawadogo. Pour ce faire, note-t-il, la structure s’est attaché les services de plusieurs personnes notamment des conseillers juridiques et des avocats. « Nous avons besoin que UM vienne s’assumer », peste M. Sawadogo. «Pour le moment, nos yeux sont braqués sur Joseph Siringa», signale-t-il. Les responsables de FMI-BF affirment cependant qu’ils ne sont pas animés d’une mauvaise intention. Selon Jérémie Sawadogo, il n’est pas question de baisser les bras en ces moments difficiles. « On continue de se battre pour trouver des solutions afin de sauver la situation », déclare-t-il. Il implore la clémence des populations, arguant qu’ils ne sont pas des escrocs, comme certains le pensent. « Ce que nous demandons aujourd’hui, c’est le soutien et la compréhension de tous parce que nous sommes tous des Burkinabè, nous n’allons jamais accepter faire du mal à notre population », supplie-t-il.

« Dieu les voit »

Les villageois qui espéraient s’offrir le maximum de vivres pour nourrir leurs familles sont à présent résignés. Tinga Robert Ouédraogo, un gendarme retraité rencontré le 30 décembre 2020 à Niou, ne croit plus aux promesses de FMI-BF. «C’est malheureux, je ne vois pas comment ils pourront dédommager les victimes», relève-t-il. Ousmane Zoungrana, président du Conseil villageois de développement (CVD) de Sagla, dans la commune de Boussé, est aussi tombé dans le piège tendu par les agents de FMI-BF. L’homme qui comptait sur les vivres de cette organisation pour traverser sereinement la période de soudure a dû déchanter. «Nous avons pris notre mal en patience, mais à l’allure où vont les choses, aucune lueur d’espoir ne pointe à l’horizon », note-t-il. Les habitants de Gogsé dans la commune rurale de Toèghin, ont aussi mordu à l’hameçon. Las d’attendre, le Sonkogolog-Naba, par ailleurs président du Conseil villageois de développement (CVD), est désespéré. De son côté, Kayouré Jean Baptiste Ouédraogo, habitant de Gogsé, voue aux gémonies les agents de cette organisation. « Si l’escroquerie est avérée, c’est mieux pour eux de renoncer à leur croyance », conseille-t-il. Le moindre mal qu’il leur souhaite est que Dieu les récompense à la hauteur de leurs actes. « Dieu les voit », marmonne-t-il. Désemparé, le chef de Mouni s’accommode de sa défaite. « En voulant trop gagner, nous avons tout perdu», admet-il. Dans ce village, le chef, le CVD et le catéchiste ont aidé les agents de cette structure à recruter les membres. Chacun attendait, en retour, sa part du gâteau. Mal leur en a pris. « Ils ne nous ont même pas donné l’argent de l’eau », s’indigne le catéchiste. Tinga Robert Ouédraogo pense qu’ils ont été arnaqués. Avec le recul, il a des remords et pointe du doigt leur naïveté. « Comment peut-on réclamer de l’argent à un démuni avant de lui venir en aide ?», s’interroge-t-il. Et de poursuivre: « Finalement, je me suis posé la question de savoir de quel emploi s’agit-il même ?…Si les vivres arrivaient, combien de sacs par exemple, chacun allait avoir ? ». Le chef coutumier de Gogsé reconnaît que l’argent que chacun a versé aux agents de cette ONG pouvait lui servir à l’achat des vivres. Maintenant que le vin est tiré, il pense qu’il faut le boire jusqu’à la lie. Comme un aveu d’impuissance, Mariam Sawadogo, habitante de Mouni, confie son sort à Dieu. Dédommagement ou pas, elle n’en a cure. « Tout est gâté», tance-t-elle. Après leur forfait, les agents de FMI-BF se sont fondus dans la nature. « Jusqu’à l’heure où je vous parle, nous n’avons plus de leurs nouvelles », atteste le catéchiste de Mouni. La consternation se lit sur le visage de Mariam Sawadogo. Après avoir misé 40 000 FCFA pour bénéficier des vivres et décrocher un emploi bien rémunéré, elle est complètement désespérée. Le regard furieux, le chef de Mouni dit attendre de pied ferme, ses « bienfaiteurs ». « Même s’ils reviennent avec de bonnes propositions, c’est désormais le double qu’ils vont payer. Parce que si on avait investi notre argent, il nous aurait rapporté plus», prévient-il. Les victimes mettent en garde leurs supposés bienfaiteurs devenus persona non grata. « Gare à eux si nous les croisons. Même s’il faut confisquer les clés de leur voiture, nous n’aurons pas de sentiment envers eux », martèle le catéchiste. Et de renchérir : « Comme ce sont des ressortissants de la province, coûte que coûte, nous allons les rencontrer ». Le chef de Mouni est du même avis. Il parie qu’aucun d’entre eux ne lui échappera. « Nous nous donnerons les moyens de les alpaguer et nous faire rétablir dans nos droits », peste-t-il.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

Omichel20@gmail.com