Mise au point des semences améliorées : Zoom sur le sorgho blanc

Pour atteindre un meilleur rendement dans la production agricole, le choix des semences est plus que nécessaire. Mieux encore, il faut faire l’option des semences améliorées si l’on veut atteindre au maximum les résultats escomptés en fin de saison. Dans l’objectif de comprendre davantage la contribution des semences améliorées aux rendements agricoles, nous sommes allés à la rencontre des producteurs semenciers, mais surtout des chercheurs de la station agricole de Saria (province du Boulkiemdé), en charge de la semence améliorée du sorgho blanc.

A l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) de Saria, plus connu sous l’appellation  de Station de recherches de Saria, il est mis au point des semences améliorées, notamment le sorgho blanc, le maïs et le niébé. Les autres spéculations étant développées dans les stations de Kamboinsé et de Farakoba.

A Saria, nous nous sommes intéressés à la variété améliorée du sorgho blanc. Dans cet institut de recherches, Clarisse Barro née Kondombo, Maître de recherches, travaille sur le sorgho blanc. Elle est responsable de la section qui s’occupe de toutes les questions relatives à l’amélioration variétale. Dans sa section, toute l’équipe est en activité intense en toute saison afin de  développer de nouvelles variétés du sorgho blanc ou de  multiplier la semence. Les grandes activités menées sont, entre autres, de gérer les ressources génétiques du sorgho qui constituent  la base du processus de développement des nouvelles variétés.  A en croire Mme Barro, les ressources génétiques du sorgho proviennent de différentes sources; soit des variétés locales, soit  des variétés venues d’autres pays, soit encore des variétés issues du processus d’amélioration qui n’ont pas abouti, appelées lignées.

Dans le laboratoire de recherches, l’équipe dirigée par Mme Barro a la charge de mettre au point toutes les variétés du Burkina Faso en ce qui concerne le sorgho blanc. C’est ainsi qu’à travers tout le pays, elle a  collecté chaque variété selon les localités car, pour elle, chaque  village a son historique. Grâce à cette collecte, le laboratoire de recherches de Saria dispose aujourd’hui d’une véritable banque de données de la variété du sorgho blanc.

En effet, au cours de l’année 2014 par exemple, ce sont huit nouvelles variétés de semences améliorées de sorgho blanc qui n’avaient jamais été connues que la station de Saria a inscrites dans le  catalogue national. En 2020, elle rebelote en inscrivant sept autres nouvelles variétés. Aux dires de Clarisse Barro, il y a dix ou quinze ans  de cela, on ne se rendait pas compte de l’importance de l’utilisation des variétés améliorées. Aujourd’hui, grâce à l’effort de vulgarisation et de sensibilisation mené par l’INERA, le message est passé et les acteurs agricoles s’intéressent de plus en plus aux semences améliorées.

La vulgarisation des semences améliorées 

 Si la recherche et la mise au point de nouvelles variétés améliorées sont si importantes, il n’en demeure pas moins pour leur vulgarisation. Bon nombre de personnes croient que les variétés améliorées sont produites directement à Saria. Ce n’est pourtant pas le cas, car les chercheurs de Saria mettent au point ce qu’on appelle la semence de base. Et cette semence de base est récupérée par les producteurs semenciers installés un peu partout au Burkina Faso. Ce sont eux qui ont la charge de produire en quantité suffisante et en qualité les différentes variétés améliorées au profit des paysans.

Il y a tout un protocole à respecter afin de produire des semences améliorées de qualité qui répondent aux critères édictés par l’INERA. A ce propos, le Directeur régional (DR) en charge de l’agriculture du Centre-Ouest, Adama Boro, indique que des efforts importants sont fournis par son ministère pour accompagner  le processus de production des semences améliorées depuis l’identification des producteurs semenciers jusqu’à  leur inscription au registre. En étroite collaboration avec l’INERA, dit-il, nous avons les spéculations qu’ils vont produire et chaque fois il y a des missions d’inspection pour suivre l’évolution de leur production de semences.

Au demeurant, soutient le premier responsable en charge de l’agriculture du Centre-Ouest, le secteur est suffisamment balisé à travers une loi qui a été prise ainsi que des  décrets d’application afin de garantir une meilleure production des semences améliorées. Aussi, les producteurs semenciers sont rigoureusement suivis par les inspecteurs semenciers, qui eux, au préalable, prêtent serment devant une juridiction compétente.  De façon concrète, il y a tout un processus, un circuit que les producteurs semenciers doivent respecter et c’est après tout cela que leurs semences améliorées sont certifiées et autorisées à  être utilisées par les paysans.

De l’INERA de Saria, nous sommes allés à la rencontre de deux producteurs semenciers dans la commune de Poa, plus précisément dans les villages de Niagado et Yaoghin. Ils font partie des principaux vulgarisateurs des semences améliorées dont le sorgho blanc. A Niagado, Mathias Koala est producteur semencier depuis 2012. C’est depuis cette date qu’il travaille en étroite collaboration avec l’INERA de Saria et la direction régionale en charge de l’agriculture du Centre-Ouest. A lui seul, il produit au moins vingt tonnes de semences par an. C’est avec le centre de recherches de Saria qu’il prend les semences de base et son travail est bien suivi par non seulement les chercheurs de la station mais aussi et surtout par les techniciens du ministère de l’agriculture. Disposant de 12 hectares de terre dans son village et 19 autres à Léo dans la province de la Sissili, Mathias Koala produit du sorgho blanc, du haricot, du maïs et de l’arachide, tous en variétés améliorées. Mathias Koala confirme les propos des chercheurs de l’INERA et du directeur régional en charge de l’agriculture en affirmant que son travail est suivi de bout en bout par les spécialistes.

Toute chose qui lui permet d’être toujours parmi les meilleurs producteurs de semences améliorées car il fait de son mieux pour respecter les itinéraires techniques. Aussi, ses semences sont chaque année contrôlées et validées par les services compétents du ministère en charge de l’agriculture et mises à la disposition des paysans. Selon le producteur semencier, l’Etat rachète annuellement les semences qu’il met à la disposition des paysans, mais de façon individuelle, des paysans viennent aussi s’approvisionner.

Des variétés à cycle court

Comme d’habitude, Mathias Koala a produit 20 tonnes de semences la campagne dernière et tout a été écoulé lors de notre passage le 13 juillet 2022 à raison de 750 F CFA le kilogramme. La semence améliorée de sorgho qu’il met à la disposition des paysans est renouvelée après trois années d’utilisation. Il s’agit d’une variété d’un cycle de 90 jours. Quant à la variété de maïs qu’il produit, son cycle est de 75 jours. Amado Tiemtoré, lui, travaille ses semences à Yaoghin toujours dans la commune de Poa. Il est dans le secteur depuis 18 ans et produit entre cinq et huit tonnes de semences améliorées par an. Il s’agit du  sorgho blanc sur une superficie de 4 ha et du petit mil sur 7 ha. Les soucis rencontrés par les semenciers sont le fait que l’Etat qui est le plus gros client ne paie pas à temps les semences qu’il rachète. Toute chose qui met en difficulté les producteurs semenciers à l’approche de la campagne, qui le plus souvent ne disposent pas assez de ressources pour faire face aux multiples dépenses.

A en croire Clarisse Barro, les variétés de semences améliorées ont plusieurs caractéristiques et sont promues selon les régions, les zones ou la pluviométrie. Il y a des variétés par exemple à double caractère, c’est-à-dire que les grains sont utilisés pour l’alimentation humaine et les tiges pour le bétail. Parmi les variétés que l’INERA de Saria a mises au point, il y a des variétés qui sont beaucoup prisées, même hors du Burkina, notamment au Niger. Le cycle des différentes variétés comme celles appelées Sariasso 15, 16 et 22 est de 100 à 105 jours. Pour ce qui concerne les variétés Sariasso 17 et 19, il est de 115 à 120 jours. Les paysans ont tendance à opter pour la variété à cycle court. « La variété Sariasso 20 est beaucoup utilisée vers l’Ouest, notamment dans la zone de Banfora où les pluies sont plus abondantes.

Pour une région comme le Centre-Ouest, nous recommandons par exemple les variétés qui vont avec une pluviométrie de 600 à 700 mm telles que Sariasso 15, 16, 17 et 18. Les rendements les plus élevés sont de trois tonnes à l’hectare et les moins élevés sont de 1,5 tonne à l’hectare », souligne Mme Barro. Actuellement, la recherche sur le sorgho blanc, selon elle, est en train de renouveler ou de démultiplier les différentes variétés, parce que c’est depuis 2008-2009 que la station a collecté et conservé les différentes variétés dans des congélateurs. Le processus de renouvellement ou de démultiplication permet de ne pas perdre le pouvoir germinatif des différentes variétés de semences améliorées.

S’agissant de l’impact des semences améliorées sur le rendement agricole, les différents acteurs sont unanimes à reconnaitre que leur utilisation a un impact considérable sur les rendements. De l’avis du DR Boro, les semences améliorées contribuent pour 40% à l’atteinte des objectifs de production. Aux dires des producteurs, les rendements des semences améliorées sont nettement au dessus de ceux des semences traditionnelles.

François KABORE