Aquaculture: l’autre casquette de Abdoulaye Sawadogo

Des silures qui se disputent autour de l’aliment.

Dans un espace confiné de six hectares muni d’une clôture, l’entrepreneur agricole, Abdoulaye Sawadogo, expérimente aussi l’aquaculture. Sur ce site piscicole, sis à la périphérie-nord de la ville de Sya, des silures et des tilapias semblent bien s’épanouir dans des bassins et étangs qui ne tarissent jamais.

Dans l’enceinte d’un vaste domaine clôturé de six hectares, situé dans le quartier Kiri de Bobo-Dioulasso, se hissent plusieurs espèces végétales. Les plus dominants sont les anacardiers et les bananiers. Les plantes sont bien arrosées en ce mois pluvieux de juillet 2023. Elles arborent de beaux feuillages verts et très touffus, donnant l’impression au visiteur d’être dans un espace de production agricole.

A l’entrée de la ferme, des employés devisent sous un arbre. Juste à côté d’eux, se dressent des infrastructures atypiques en forme de bassines, construites avec des bâches bleues. Ce sont des équipements piscicoles, notamment des bacs hors-sol. Ils sont destinés au grossissement du poisson notamment les silures. Au moindre mouvement de l’eau, les poissons accourent. Ils ne se manifestent que lorsqu’on leur apporte de quoi manger. Des aliments sont jetés dans l’eau. Tous viennent prendre part au festin.

En un clin d’œil, ils ont tout raclé. L’eau redevient alors calme et les poissons se terrent en profondeur. A quelques dizaines de mètres de là, se planquent les tilapias, une autre espèce de poisson élevée dans des bassins remplis d’eau. 1000, 2000, 3000 ? Difficile de savoir leur nombre exact. Les bassins de grossissement enregistrent plus de 100 000 poissons. Abdoulaye Sawadogo est le promoteur de cette ferme moderne. On y trouve également des alevins. Le technicien Souleymane Traoré affirme qu’ils sont en attente d’un preneur. On y découvre également une écloserie. Là, des larves sont nourries toutes les quatre heures.

Assurer l’autosuffisance en poisson

Abdoulaye Sawadogo veut promouvoir la pisciculture au Burkina.

Le technicien veille également à l’hygiène en ce lieu sensible. Au bout de 45 jours, chaque larve peut atteindre 5 grammes, le poids requis pour la vente. Cette ferme piscicole force l’admiration. Le promoteur qui est le Président-directeur général de l’entreprise Neema agricole du Faso (NAFASO), Abdoulaye Sawadogo, vient d’ajouter une autre corde à son arc. Par cet acte, le semencier dit vouloir assurer au Burkina Faso, l’autosuffisance en poisson. Selon lui, tout est parti d’un constat.

Avec une consommation de 130 000 tonnes de poisson par an, le Burkina Faso ne produit que 30 000 tonnes. Le reste, il l’importe. C’est pour inverser la tendance que M. Sawadogo a jugé bon de se jeter dans la pisciculture. Avant de se lancer dans cette aventure, il était question de résoudre certaines équations indispensables au bon fonctionnement de l’activité. Il s’agit de la disponibilité des alevins, des aliments et les compétences.

«Nous avons essayé de relever ces défis avant de commencer notre activité avec quatre bassins. Après la phase d’essai, nous nous sommes rendus compte qu’on pouvait en faire une activité à plein temps », révèle le promoteur. Le responsable chargé des affaires administratives du site piscicole se nomme Ousséni Sana. Ce n’est pas un produit des grandes écoles d’agriculture ou d’élevage mais un passionné de la pisciculture. A force de suivre les techniciens et de les voir travailler, il a fini par apprendre sur le tas.

Souleymane Traoré, le technicien de la ferme, est chargé de planifier les activités quotidiennes. C’est également lui qui s’occupe de la répartition des tâches entre les cinq employés qui bossent à ses côtés. Il décrit sa journée de travail comme étant chargée. La première des choses, dit-il, c’est de vérifier l’état de santé des poissons, ensuite leur apporter des soins si nécessaires avant de passer à leur alimentation.

Le soir, le même exercice se répète. Il dit exercer ce métier par passion sans occulter le fait qu’il nourrit bien son homme. Pour Souleymane Traoré, l’eau des bassins et des étangs est renouvelée tous les quatre jours. Cela y va, selon lui, de la bonne santé du poisson. « Il faut chaque fois entretenir le bassin, vérifier le phosphore de l’eau, l’oxygène, la température et la qualité de l’aliment », souligne le technicien Traoré.

L’écoulement, un autre défi

Mettre les poissons dans de bonnes conditions, c’est là le secret de réussite en pisciculture. La commercialisation du poisson élevé reste un autre défi à relever. Le promoteur en est

Ces aliments servent à nourrir le poisson.

conscient et s’active à résoudre ce problème. Environ 10 000 poissons sont prêts à être commercialisés. Pour l’heure, le promoteur évite la vente de poisson frais qui, à ses yeux, n’est pas assez rentable.

En effet, le kilogramme se négocie entre 2 500 et 3 000 F CFA. Dans sa stratégie commerciale, M. Sawadogo ambitionne d’installer un fumoir. Ainsi, fumer le poisson avant de le vendre sera, de son point de vue, plus bénéfique que le vendre frais. En ce moment, il compte fixer le prix du kilo à 5 000 F CFA. Souleymane Traoré dit être surpris de constater que la plupart des commandes de poisson viennent de Ouagadougou où se trouvent 80% de leurs clients.

L’expédition des alevins vers la capitale n’est pas chose aisée, selon lui. « Quand vous faites quelque chose, il faut en être passionné. L’argent vient en seconde position », martèle M. Traoré. Le poisson de Abdoulaye Sawadogo n’est pas encore certifié comme un produit bio. Mais déjà, il est sur la bonne voie. A en croire le technicien, le poisson est produit sans utilisation de produits chimiques, pas d’hormones de reproduction et de grossissement non plus. Pour réduire le coût de production, Aboubacar Paré, un étudiant stagiaire des eaux et forêts, est en train d’expérimenter l’alimentation à base de produits locaux.

Ces aliments sont fabriqués à partir de sous-produits agricoles tels que le soja torréfié, le son de riz et de maïs. De cette formulation, on obtient un aliment naturel. Les résultats à mi-parcours sont satisfaisants, rapporte Aboubacar Paré, le stagiaire chargé de la conduite de cette étude. Pour lui, la différence entre les poissons nourris aux aliments locaux et ceux nourris aux aliments importés n’est pas grande. Ils ont presque le même poids. « La différence, c’est un à deux grammes seulement », précise-t-il. Si cette expérience s’avère concluante, elle pourra être adoptée par les acteurs au regard de la cherté et de l’indisponibilité des aliments importés.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

omichel20@gmail.com