Quel peut être le ressenti d’un recordman de tout un continent ?

Le recordman d’un continent est fier d’avoir fait progresser la discipline et d’ouvrir un nouveau chemin pour la relève. Il est carnivore et a faim d’un record du monde.

C’est après combien d’essais que vous aviez réussi le saut victorieux ?

A Paris, c’est au 6e essai que j’ai cassé la baraque. (Rires). J’ai eu besoin de trois essais pour me calibrer, parce que la piste était montée et c’était la première fois que je concourais sur une telle piste.

Avant de vous lancer pour cet essai victorieux, qu’est-ce qui vous revenait en tête ?

Comme pour mes autres sauts, je me dis toujours que j’ai une chance de marquer un coup. Je fais un monologue en me posant des questions-réponses clés. « Tu es en bonne santé. Tu as encore la chance d’y aller » etc. sont des choses qui me reviennent en tête. Je repense à mes galères et à mes promesses. Je repasse rapidement les dernières consignes du coach et je me lance.

Quel conseil avez-vous reçu de votre coach avant d’entamer cette compétition ?

Deux semaines avant la compétition, mon coach me disait qu’à Paris, soit je saute à 17,50 m ou à la limite16,50 m. Cela en fonction de comment je m’adapterai à la piste. Comme il aime le dire : « Zango le dozo, fais le taf! » (Rires). Zango le dozo c’est pour reprendre une chanson de Kaaris (Rires).

On a vu sur les images qu’après votre sacre, vous êtes allé tapoter votre coach qui était en tribune. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?

A ce moment-là, nous ne nous sommes pas parlé. On attendait encore la mesure. Mais on savait que j’étais allé loin. Après la marque, il m’a dit : « Qu’est-ce que je t’avais dit… »

Est-ce vrai que votre coach veut à nouveau rechausser les crampons pour la compétition ?

Mon coach n’en a pas fini avec sa carrière d’athlète. Il est déjà de retour.

Un concurrent sérieux pour vous alors?L’ayant vu s’entraîner et avec la complicité, il me dévoile ses intentions proches et futures. Et oui, il est encore costaud et c’est un adversaire de plus. Si Dieu le veut, on essayera de marquer l’histoire en montant ensemble sur un podium.

Combien peut gagner Fabrice après cette compétition en termes de finance ?Les compétitions ne sont pas les mêmes. Les championnats, j’y vais pour le palmarès. Là-bas, je n’ai aucun rond. Les meetings qui sont un peu comme des spectacles et dont les acteurs sont payés, je peux avoir au moins de 500 à 3500 dollars sur une compétition en fonction des performances.

C’est sûr que vous avez reçu pas mal de messages de vos compatriotes?Ah oui, les compatriotes et pas seulement eux. J’ai reçu de beaux messages de toute l’Afrique et du monde pour ce résultat.

Mais aussi ceux des autorités ?J’ai reçu des coups de fil de ma fédération mais aussi du ministère des Sports et des Loisirs qui m’ont félicité pour le résultat et m’ont vivement encouragé à aller de l’avant.

L’autorité a-t-elle déjà fait des promesses ou est passée à l’acte ?

 

Le ministère des Sports m’a en effet demandé de lister les dépenses que je fais par rapport à mon double cursus sport-études avec bien sûr l’intention d’intervenir. C’est une belle démarche et on attend la concrétisation prochaine.

Quel est votre prochain objectif ?

Après 17,58 m, l’objectif est maintenant de m’approcher de 17,80 m d’ici aux championnats du monde de Doha.

Avez-vous conscience que vous êtes une véritable chance d’une première médaille olympique historique pour le Burkina ?

17,58 m te donne une médaille olympique dans n’importe quel jeu olympique. Encore faut-il le refaire le jour J. Je suis conscient que j’ai les armes pour me bagarrer à Tokyo en 2020. Pour être véritablement proche de cette médaille, j’ai besoin d’une certaine régularité à 17,50 m plus ou moins 20 cm.

Avec tout ce que vous êtes en train d’engranger comme résultats, le sport ne va-t-il pas prendre le pas sur vos études ?

Justement, les gens se satisfont à réaliser de petits succès. Je veux prouver que sport et études de très haut niveau sont possibles. Et je le ferai.

Vous mettez-vous déjà dans la peau d’une star ?

(Rires). Je ne me suis jamais vu comme une star. Je ne vois pas trop ce que c’est. Je me vois être de plus en plus sollicité et j’essaie de manager mon calendrier. Je me vois me rapprocher davantage de mon but, et d’être un modèle pour les plus jeunes.

Quoi que vous dites, forcément vous ne pouvez pas échapper aux regards envieux de la gent féminine. Elles doivent certainement faire exploser votre boîte à messages ?

(Rires) Heureusement que je suis à l’étranger. (Rires). Mais non, c’est lorsque tu laisses des failles et présentes tes faiblesses qu’on t’attaque. Je réponds cordialement aux messages de félicitations mais je n’ai pas le temps d’étaler la conversation sur ma vie. Du coup, je reste flou et c’est mieux ainsi.

Recevez-vous un soutien mensuel du Comité national olympique et des sports burkinabè ?

Rien n’est encore fait mensuellement par le Comité national olympique et des sports burkinabè pour la prise en charge de mes dépenses qui peuvent facilement atteindre 25 000 euros l’année. Je voulais profiter de vos colonnes pour rassurer le peuple burkinabè que le rêve olympique est proche. L’histoire est en marche. Un grand merci pour le soutien moral que vous m’apportez. Etre un modèle est un devoir pour tout Burkinabè. Dieu nous bénisse. Aux autorités, les chiffres ne mentent pas. J’espère qu’ils vont susciter un élan national vers cette première médaille olympique du Burkina Faso, et ce sera à Tokyo.

Entretien réalisé par Yves OUEDRAOGO

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