Logé dans un groupe 4 en compagnie du Bénin, du Ghana, du Nigéria et du Togo, le Burkina, à travers son équipe nationale-fanion, a fait un parcours acceptable avant d’aller se fracasser au mur nigérian lors d’un match synonyme d’une finale pour la qualification à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 92. 7-1 a été le score sans appel que Rashidi Yékini et sa bande ont infligé aux Etalons. Retour sur une rencontre qui est et qui restera gravée dans la mémoire d’une génération de Burkinabè.

Une victoire pour une qualification historique sur le terrain était la difficile mission des Etalons du Burkina Faso en cet après-midi du samedi 27 juillet 1991 (après un match nul de 1 but partout à Ouagagougou) dans l’antre du National Stadium of Suruleré de Lagos, garni de plus de 70 000 âmes. Mission certes, difficile, mais personne ne pouvait imaginer un tel scenario à l’issue de la rencontre. 7 buts à 1 a été le score sans appel infligé à l’équipe nationale burkinabè qui disait du même coup adieu à Sénégal 92. Pourtant, tout avait bien commencé, si bien qu’aux premiers raids nigérians répondaient Edouard Gnimassou, Issouf Traoré et M’Bemba Touré. A plusieurs reprises, le public nigérian a applaudi les Etalons pour ce début de match impeccable. Puis, arriva le premier but nigérian juste avant le quart d’heure de jeu (14e mn). Sur l’action, la défense burkinabè ressortait pour obtenir le hors-jeu. Samson Siasia, alors professionnel en Belgique surgit. Ibrahim Diarra sortit en sauvetage rate son intervention. L’attaquant nigérian désormais seul ne se fit pas prier pour ouvrir le score. Nullement découragés et comme blessés dans leur amour propre, les Etalons redoublent d’effort, si bien qu’à la 20e mn, sur un corner d’Issouf Traoré, M’Bemba Touré du plat du pied reprend la balle au fond des filets. Galvanisés par ce but, les Etalons pratiquent un football total fait de belles passes mais c’était sans compter avec les Nigérians.

Rashidi Yékini, le bourreau

A 3 minutes de la fin de la première partie (42e mn), sur un centre, Seydou Ky le malchanceux en voulant se dégager voit la balle ricocher sur son bras. Penalty. Et Rashidi Yékini de prendre à contre-pied Ibrahim Diarra pour le 2e but. A la reprise, Yékini se voyant bien muselé par Amadou Traoré Le Rouquin entreprit de changer de tactique : jouer derrière et faire passer Siasia devant. Pendant ce temps, tout le jeu se déroule sur les ailes. Les frères Ky se battent comme ils peuvent mais finiront par céder sous la pression incroyablement constante des Nigérians. C’est ainsi qu’à la 67e mn, Friday Elaho sur une balle mal maîtrisée par Ibrahim Diarra inscrit le 3e but ; c’est le tournant du match. Les Etalons qui couraient derrière l’égalisation du 2e but réalisent que c’en est fini pour Sénégal 92. C’est le choc moral et le début du déluge. La suite, on la connaît avec 4 buts de Rashidi Yékini en 30 minutes. Avec au départ chaque fois un centre et à la finition Yékini qui réapparaissait toujours au bon moment pour enfoncer méthodiquement des Etalons perdus.

Les raisons d’un naufrage

A chaud après le match, l’entraîneur des Etalons de l’époque, Malick Jabir, attribue cette débâcle au manque de temps de préparation. « Ensuite, ceux qui étaient tous indiqués pour un tel match avec des ailiers de débordement et des centres n’étaient pas là. Pour cause de blessure, Albert Bambara, Jean Marie Nana, Taonsa Wendwaonga et Côme Gnimassou m’auraient suffi. En première partie, nous avons très bien joué. Amadou Traoré Le Rouquin qui n’est pas bien rétabli a fait avec Gualbert Kaboré un excellent travail dans l’axe central », avait justifié le technicien ghanéen des Etalons. Avec le recul, 29 ans après, Gualbert Kaboré, capitaine des Etalons ce jour, a une autre explication de cette déconfiture. Pour lui, elle est essentiellement technique. « Toutes les équipes étaient convenues de l’heure prévue pour le match. Lorsque nous sommes arrivés au stade aux environs de 15h, nous avons comme d’habitude commencé notre échauffement. Lorsque nous nous sommes rendus pour le contrôle d’identité à l’heure fixée, les Nigérians n’étaient pas là », a laissé entendre Gualbert Kaboré. La raison qu’on leur a servie à l’époque, a-t-il poursuivi, est que les Nigérians avaient oublié leurs maillots. Les Etalons qui s’étaient déjà échauffés ont dû attendre 45 minutes. Cependant, les poulains de Malick Jabir ne seront pas au bout de leur peine. « Après que les maillots sont venus, ils ont encore dit qu’ils ont oublié les shorts. Sur insistance des officiels, ils étaient obligés de couper leurs pantalons-survêtements pour en faire des shorts et commencer le match. Vous avez constaté que la première partie a été équilibrée avec un score de 2-1. Quand on devait aborder la 2e partie, eux, étaient toujours frais et nous, étions à notre 3e partie parce que nous avons continué l’échauffement plus de 45 minutes », a souligné Gualbert Kaboré. Selon lui, ce n’est ni plus ni moins que cet état de fait qui les a coulés ce jour-là à Suruléré. Il avoue qu’à son temps, le Burkina Faso avait une belle équipe nationale et qu’au vu de la première partie, personne ne pouvait imaginer que les Nigérians pouvaient battre les Etalons, et pire, par un score aussi lourd.

« J’ai rencontré l’arbitre en Guinée »

Le seul buteur burkinabè du match, M’Bemba Touré, abonde dans le même sens. Mais, lui, ajoute que les Nigérians ont aussi su jouer sur le mental de certains de ses coéquipiers avec une énorme pression dans le vestiaire avant le match. Il a indiqué qu’au-delà de leur long temps d’échauffement qui les a un peu esquintés notamment lors de la 2e partie, le trio arbitral guinéen n’est pas exempt de tout reproche. « Il faut reconnaître que l’arbitre ne nous a pas aidés. Après le 3e but entaché d’irrégularité à la suite d’une position irrégulière, j’ai couru vers l’arbitre pour lui parler dans notre langue puisque c’est un Guinéen que j’ai connu en Guinée. Mais à chaque fois, il me fuyait. C’est après quand nous nous sommes rencontrés en Guinée qu’il m’a révélé que je voulais lui créer des problèmes et que si nous gagnions, on n’allait pas quitter le terrain », a révélé M’Bemba Touré. Sur son but, l’ex-attaquant vedette de l’EFO explique avoir repris du plat du pied un corner savamment exécuté par Issouf Traoré. « Après le but, c’est comme si la foudre s’est abattue sur le stade à cause du silence de cimetière qui y a régné. Et dans ma tête, j’ai commencé à croire à notre qualification », se rappelle-t-il. M’Bemba explique que l’ambiance était folle et que souvent, ils avaient du mal à entendre les coups de sifflet de l’arbitre. Il raconte que sur une action entre Rashidi Yékini et Seydou Traoré depuis le rond-point central, l’arbitre a sifflé en faveur de Seydou. Coup de sifflet que les Nigérians n’ont pas entendu en poursuivant l’action jusqu’à la surface de réparation burkinabè avant de s’en rende compte.

Une tambouille accompagne les Etalons

Alors que la délégation burkinabè pensait que son calvaire était fini après le sac plein de buts, elle sera encore traumatisée, selon M’Bemba Touré, par un vacarme des supporters nigérians jusqu’à leur hôtel. Leur chahut s’est poursuivi tard dans la soirée. « Après le match, personne n’a dit mot à l’autre puisque les conditions n’étaient pas favorables pour que nous traînons au stade. De retour à Ouagadougou aussi, les uns et les autres se sont cherchés », a indiqué M’Bemba. Il épouse aussi la raison « de manque de temps de préparation » avancée par son entraîneur, Malick Jabir. Il renchérit qu’il n’y a pas eu une préparation spéciale avant le match. « Nous nous sommes préparés comme d’habitude avec une mise au vert au stade du 4-Août où nous dormons dans des vestiaires situés au niveau de la tribune officielle. Et souvent avec les moustiques et la chaleur, nous faisons sortir nos matelas sur les gradins de la tribune officielle où nous dormions à ciel ouvert. Parfois, il y a des coupures d’eau et chacun grouillait pour arriver chez lui prendre une petite douche avant de regagner l’internat », se souvient le seul buteur du match. Tout compte fait, les Etalons ont bu le calice jusqu’à la lie à Suruléré. Ce qui n’empêche pas M’Bemba Touré de reconnaître que les Etalons avaient les qualités pour se qualifier à la CAN 92. « On devait jouer un match retour face au Togo. Il se trouvait qu’il y a avait une manifestation là-bas et nous avons gagné le match sur tapis vert. Après ça, les Nigérians, sachant que ce match gagné nous permet de prendre de l’avance sur eux, ont mis la pression sur la CAF pour que le match soit rejoué », regrette l’ex-sociétaire de l’Africa Sport d’Abidjan.

Yves OUEDRAOGO

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