Le Sumo, considéré comme le sport national du Japon, est à la fois une discipline historique, religieuse et populaire au pays du Soleil levant. Cet art martial, décrit comme un sport de combat et pratiqué depuis plusieurs siècles, se distingue pourtant par sa noblesse et sa maîtrise de soi.

Deux corps colossaux qui se heurtent et s’empoignent. L’un d’eux est renversé ou évincé de l’arène. Le combat est déjà terminé, en quelques secondes très souvent. Les colosses lutteurs sont seulement vêtus d’une bande de tissu (9 et 14 mètres selon la taille du lutteur) serrée autour de la taille et de l’entrejambe, nommée mawashi. Les cheveux lissés avec de l’huile sont maintenus par un chignon appelé oicho. Deux règles simples s’imposent : les lutteurs ne doivent pas sortir de l’arène en paille surélevé (dohyō), ni toucher le sol avec une autre partie du corps que la plante des pieds. Voilà décrit en quelques phrases, un combat de Sumo, ce sport traditionnel japonais qui fascine surtout au-delà des frontières de l’Etat insulaire d’Asie.
Cet art martial réservé aux hommes est apparu, il y a 1500 ans et a des liens avec les cérémonies religieuses Shinto au cours desquelles des divinités étaient implorées afin d’obtenir leur bienveillance ou de bonnes récoltes. Cependant, c’est lors de la dernière partie de la période d’isolement Edo (1603-1868) que le Sumo connaîtra un développement plus rapide, en tant que divertissement de la classe bourgeoise, et devient ainsi populaire. Le Sumo se professionnalise davantage, les règles sont édictées et les compétitions sont ainsi organisées où des vainqueurs sont désignés. De nos jours encore, l’Association japonaise de Sumo organise chaque année 15 grands tournois de 15 jours chacun à Tokyo, Osaka, Nagoya et Fukuoka.

Des règles strictes

Le Sumo, reconnu par le Comité international Olympique (CIO), est un sport professionnel et plusieurs rites entourent encore aujourd’hui les combats. Quelques minutes sont consacrées à des rituels avant les premiers corps à corps. D’abord, les lutteurs chassent les esprits en étirant les bras, puis frappe le sol des pieds après les avoir levés très haut. Puis ils s’accroupissent et se défient du regard. Ensuite, les lutteurs exécutent le rituel de « l’eau de force » en lançant de l’eau de leur bouche dans un récipient. Enfin, des poignées de sel sont lancées à plusieurs reprises dans le dohyō pour le purifier, ce qui constitue le dernier cérémonial avant un combat qui ne dure généralement que quelques secondes ou tout au plus de petites minutes. Il existe 82 prises gagnantes qui peuvent consister, par exemple, à soulever son adversaire et le pousser hors du cercle de paille, agripper sa ceinture pour le jeter à terre, lui faire des crocs-en-jambe, le déséquilibrer en se dérobant rapidement devant l’une de ses attaques, ou encore se positionner au bord de l’arène afin de le projeter au dehors…Ne sont autorisées lors des combats que les claques vigoureuses, à mains ouvertes sur le haut du corps. Et il est strictement interdit de donner des coups de poing ou de pied et de tirer les cheveux de l’adversaire. Il n’y a pas de catégories de poids en Sumo professionnel, ce qui peut donner lieu à des spectacles étonnants entre un mastodonte de plus de 200 kg et un lutteur de 130 kg qui semble tout petit à côté.
Au Sumo, les rangs les plus élevés sont dans l’ordre décroissant ; Yokozuna (grand champion), Ozeki, (champion) et Sekiwake (champion junior). Yokozuna est le seul rang permanent et les lutteurs de cet étage ne peuvent pas être rétrogradés à cause de leurs prestations médiocres. De toute l’histoire millénaire du Sumo, seuls 70 hommes ont été promus au rang de grand champion.

Des écoles très sélectives

Au vu de toutes ces exigences, il est clair qu’un sumotori ou un rikishi (nom que porte un lutteur de sumo professionnel au Japon) a un rythme de vie réglementé dans les moindres détails. Les lutteurs mènent une vie d’esthète, reclus au sein d’une communauté bien hiérarchisée. Jeune, le lutteur intègre une écurie ou heya aux alentours de ses quinze ans. Il est repéré pendant qu’il est encore au collège par l’une des cinquante écoles qui existent au Japon. Il est alors adopté comme apprenti et doit se conformer à des règles très strictes : levée à 5 h du matin et entraînement matinal, nettoyage des dortoirs, balayage et ratissage méticuleux du sol, faire les courses des professionnels… Cette rude discipline dépasse la pratique du combat pour s’appliquer à l’ensemble de la vie du lutteur. Le Sumo n’est pas un simple sport, c’est un investissement complet du lutteur. Sur environ 700 membres d’une écurie, juste 70 d’entre eux seront professionnels, en moins de 5 ans pour les plus doués, et bénéficieront d’un salaire.
Les entraînements prennent fin aux alentours de midi. C’est l’heure du repas et les membres de l’écurie (apprentis comme professionnels) ne s’en privent pas. L’appétit du lutteur japonais est légendaire. Au déjeuner comme au dîner, le menu est très copieux : ragoût spécial (très calorique, composé de plusieurs viandes et légumes), de condiments, de saumures et de plusieurs grands bols de riz, le tout arrosé de bière. Les heures qui suivent sont consacrées à la sieste. Avec ce train de vie, une alimentation très riche et des heures de sommeil, il n’est pas rare de voir certains lutteurs peser jusqu’à 200 kg.
Le succès du Sumo a dépassé les frontières du Japon. Des ressortissants de pays où la lutte occupe une place culturelle importante, comme les Egyptiens, les Mongols, les Bulgares, l’Ile Tonga… ont réussi à remporter des tournois ou à s’élever au rang de professionnel. L’américain des Iles Hawaï, Akebono, a réussi en 1993 à acquérir le statut de yokozuna. Une première pour un étranger. Des tournois d’exhibitions organisés hors du Japon ces deux dernières décennies rendent le Sumo de plus en plus populaire hors du pays du Soleil levant.

Sié Simplice HIEN

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